Nativité (1665), Michel Anguier (1614-1686), marbre de Carrare – Eglise Saint Roch

En 1665, Anne d’Autriche, en reconnaissance pour la naissance de l’enfant tant attendu, Dieudonné, futur Louis XIV, commanda à Michel Anguier, sculpteur, cette « Nativité ». Elle sera son chef d’œuvre.

J’ai un attachement particulier pour cette œuvre car l’originalité du traitement des personnages révèle subtilement leurs sentiments, et cela, lié à la difficulté du travail du marbre fait mon admiration.

Le génie de l’artiste est d’avoir isolé chacune des figures décuplant ainsi leur puissance expressive et leur présence monumentale.

Commençons par Joseph, quel dynamisme dans son attitude . Son corps exprime les sentiments, les pensées qui l’ont traversé depuis l’annonce de l’arrivée de cet Enfant. D’abord son indécision qui s’exprime par sa posture, s’agenouille-t-il ou se met-il debout, on ne sait. Les deux bras largement ouverts disent en premier lieu sa stupéfaction, puis vient son acceptation mais aussi sa protection pour cet être qui lui est donné ; enfin, la tête légèrement penchée sur le côté montre son incrédulité et sur son visage se reflète son interrogation . Il pressent avec gravité la charge qui est la sienne dorénavant, de participer à l’éducation humaine du Fils de Dieu incarné en cet enfant.

A l’agitation de Joseph répond le calme de Marie. Elle est agenouillée, immobile. Son voile, son manteau, sa robe tombent en plis réguliers, avec justesse, et amplifient sa retenue. Son visage d’une grande douceur mais si sérieux, se penche vers son enfant. Son cœur sans doute pressent le drame de la Passion. Ses bras croisés sur la poitrine étreignent le vide, et cette absence est plus éloquente que la présence entre ses bras de ce bébé qu’elle voudrait serrer contre elle. Dans ce procédé narratif discret mais touchant, s’illustre la parole de l’Évangile «Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » (Luc 2, 19).

Le point commun entre ces deux attitudes différentes de Marie et Joseph (mouvement et retenue) réside dans la direction de leurs regards fixés sur l’Enfant Jésus. Ils sont l’un et l’autre dans la contemplation des mystères auxquels ils ont consenti : Marie en acceptant d’être la mère du Sauveur et Joseph en étant le père nourricier de Jésus.

Enfin l’Enfant Jésus, traité comme un véritable bébé, s’agite sur sa couche, se libérant du lange qui l’enserre. Il tend son bras potelé et semble désigner la Croix sur le Calvaire qui se trouve au fond, dans la pénombre. Raccourci vertigineux.

Il y a ici une véritable intention théologique ; le mystère de l’Incarnation conduit au mystère de la Rédemption par la Croix. Jean-Baptiste Marduel, curé de Saint Roch après la Révolution Française, vers 1805, a imposé ce message théologique lorsqu’il redécore son église alors très abîmée.

Cette œuvre se trouve dans la chapelle de la Vierge de l’église Saint Roch, 296 rue Saint-Honoré (75001)