Si l’on nous avait dit hier : « A 11h45, un homme va ressusciter », sans doute serions-nous accourus pour être témoins de cet événement inattendu. Nous serions même arrivés quelques minutes avant pour nous assurer une bonne place et nous aurions eu raison.
A chaque messe, une matière inanimée, du pain et du vin, devient respectivement le Corps et le Sang du Christ, et cela nous semble normal. Rien ne nous étonne. C’est le Christ qui se rend présent à nous, merveille de la puissance de Dieu qui se déploie avec une telle simplicité. Dans certains cas, nous le recevons même par habitude selon un mouvement parfois un peu trop ordonné de nos processions de communion, sans même avoir réfléchi à l’importance de l’acte que nous posons.
Le siècle passé aura été marqué par une extraordinaire redécouverte de l’Eucharistie. Le XXe siècle s’ouvrait sur l’appel du pape Pie X à la communion fréquente et à celle des enfants dès l’âge de raison. Ce mouvement se poursuivait grâce également au renouveau liturgique et théologique mis en Å“uvre par le concile Vatican II qui considère l’Eucharistie comme « la source et le sommet de la vie chrétienne. » Mais, paradoxalement, ce siècle aura connu de nombreuses controverses, de multiples déchirements et des souffrances dont les blessures ne sont pas toujours refermées. En effet, face à ce magnifique élan, nous avons été confrontés à un recul de la présence du Christ dans les tabernacles de nos églises de campagne. Quel malheur quand la messe n’y est célébrée qu’occasionnellement et que le Christ n’y est plus sacramentellement présent. Ce pain vivant descendu du ciel ne trouve plus demeure sur la terre. « Le Fils de l’Homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » Dans beaucoup de lieux, nous avons vu la messe du dimanche désertée, nos assemblées dominicales de plus en plus clairsemées et le nombre de prêtres diminuer.
Ces réflexions ne doivent susciter aucune nostalgie d’un passé définitivement révolu, cela serait illusoire et stérile. Au contraire, cela doit être la source d’un nouvel élan ou d’une prise de conscience de nos fragilités. Elles sont autant d’invitations, non pas à un retour en arrière sur un passé qui parfois n’a jamais existé, mais sur une redécouverte de la présence de Dieu à notre monde dans l’Eucharistie. A l’instar de ce paroissien du Curé d’Ars, bon paysan, qui venait régulièrement et d’un pas ferme et décidé se recueillir devant le tabernacle. Un jour, au saint curé qui lui demandait la signification de cette démarche qu’il faisait avec autant de détermination, il répondit : « Je L’avise et Il m’avise ». Il manifestait ainsi avec une foi simple qu’il avait compris cette présence vivante et agissante du Christ dans sa vie. Il faisait l’expérience de l’intimité avec son Seigneur.
Père Stanislas LEMERLE, curé