Jeudi prochain, célébration de l’Ascension, les textes de la Parole de Dieu peuvent donner l’impression d’un départ, d’une séparation définitive ; on peut être tenté de dire : une page est tournée ; on peut être tenté de penser à Jésus au passé.
Il a pourtant dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins », et aussi : « si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père. » C’est qu’en réalité l’Ascension constitue un tournant décisif : elle est le point final d’une relation à Jésus encore toute extérieure, mais elle inaugure une relation de foi, toute nouvelle ; en ce sens, l’Ascension n’est pas le départ du Christ, mais seulement sa disparition sensible ; Benoît XVI, dans son deuxième tome sur Jésus (page 321), écrit : « Maintenant Il (le Christ Jésus) ne se trouve plus dans un lieu particulier du monde comme avant l’Ascension ; maintenant, dans son pouvoir qui dépasse tout spatialité, Il est présent à côté de tous ». Bien plus, Il est en nous : sa présence est au plus profond de nous-mêmes, « Il est plus moi que moi-même » (saint Augustin).
Pendant les premiers siècles chrétiens, c’est le Christ de l’Ascension qui est la clé de voûte des églises ; l’iconographie, en Orient comme en Occident, présente le déploiement du mystère de l’Ascension aux dimensions du monde : le Christ, le Seigneur de l’univers, le « Pantocrator », est « la pierre d’angle qu’avaient rejetée les bâtisseurs » ; élevé sur la Croix, Il est en réalité élevé auprès du Père, avec qui Il devient, dans son humanité vivifiante, source de vie.
Ainsi, par son Ascension, le Christ, loin de disparaître, emplit l’univers de sa présence. Dans son grand livre « Contre les hérésies », saint Irénée a magnifiquement évoqué ce mystère de l’Ascension, avec des mots tout simples : « Le Christ est descendu dans les profondeurs de la terre pour y chercher la brebis perdue, c’est-à -dire son propre ouvrage par lui modelé, et Il est remonté ensuite dans les hauteurs pour offrir et remettre à son Père l’homme ainsi retrouvé, effectuant en lui-même les prémices de la résurrection de l’homme. »
N’oublions pas que le temps qui s’écoule entre l’Ascension et le jour où le Christ a prophétisé qu’Il reviendrait, ce temps-là est remis entre nos mains, est confié à notre courage : évangéliser le monde, tel est le commandement ultime du Christ ; or, évangéliser, c’est d’abord, là où l’on vit, là où l’on travaille, témoigner du Christ vivant à jamais, chacun selon sa vocation propre.
Père André Lacau