Chavouoth שבועות

Présentation

La fête de Chavouoth ou fête des Semaines est célébrée le 6e jour du mois de sivan. Chavouoth constitue la 2e des 3 fêtes de pèlerinage avec Pessah et Souccoth.

Elle tombe cette année 2020 le 29 mai.

En Israël et dans les milieux libéraux, la fête dure un jour, dans les autres communautés de diaspora elle dure deux jours.

Chaque fête du calendrier d’Israël porte une double dimension : agricole et historique. Au plan de la foi cela signifie que Celui qui a créé la nature est aussi le maître de l’Histoire. Qu’il soit béni et que Son nom soit béni.

 

Dieu roi de la nature

Au plan agraire, Chavouoth marque le temps de la moisson du blé, temps fort du calendrier agricole au Proche-Orient ancien. Cette solennité est mentionnée pour le première fois dans le livre de l’Exode (Chémoth) : Exode 23,16 : « Tu observeras la fête de la Moisson, des premiers fruits de ton travail, de ce que tu auras semé dans les champs ». Exode 34,22 : « Tu célébreras une fête des Semaines pour les prémices de la moisson du froment. »

Pourquoi Chavouoth porte le nom de « Semaines » ? Car dans le Lévitique (Vayikra) 23, 15-17, il est écrit :

 

« Vous compterez sept semaines à partir du lendemain du sabbat [entendu par les rabbins comme la fête de Pessah…] ; sept semaines complètes ; jusqu’au lendemain du septième sabbat, vous compterez donc cinquante jours et vous présenterez au Seigneur une offrande de la nouvelle récolte. Où que vous habitiez, vous amènerez de chez vous pour le rite de présentation deux pains faits de deux dixièmes d’épha de farine et cuits en pâte levée : ce sont les Prémices en l’honneur du Seigneur […] Pour ce jour précis, vous ferez une convocation et vous tiendrez une réunion sacrée ; vous ne ferez aucun travail pénible. C’est une loi immuable pour vous et vos générations. »

 

Ces prémisses rappellent celles qu’offrit Abel à l’Eternel, en signe de reconnaissance pour sa récolte. L’acte de dépossession de ses biens revient souvent dans les enseignements de la Torah (et aussi dans ceux de Jésus). L’homme doit ainsi apprendre que la terre appartient à Dieu (Ps 24, 1) et que nous ne sommes que des « étrangers en résidence sur cette terre » (Lv 25, 23).

 

Dieu roi de l’Histoire

Aujourd’hui le peuple d’Israël ne dispose de Temple pour offrir les deux pains, mais il continue à compter chaque soir à la tombée de la nuit les jours et les semaines qui séparent Pessah de Chavouoth. Voilà la dimension historique. Il s’agit alors de relier la délivrance physique de la délivrance spirituelle. Il ne s’agissait pas pour Dieu de libérer des esclaves, pour qu’ils fussent livrés à eux-mêmes, mais il fallait surtout élever tout un peuple par la pratique des commandements au degré de responsabilité qui sied à tout serviteur de Dieu. Cette loi, qui trouve son summum dans le verset « tu ne te vengeras point, tu ne garderas pas rancune, tu aimeras ton prochain comme toi-même, Je suis l’Eternel » (Lv 18, 19), fut d’abord révélée à travers les 10 paroles. Ce Décalogue a constitué le soubassement religieux et moral de la société monothéiste des Hébreux. Dans la tradition juive, cette période de Pessah à Chavouoth, soit 49 jours ou 7 semaines, constitue une ascension, jusqu’à la rencontre avec le divin législateur.

 

 

Durant les fêtes de pèlerinage, dont Chavouoth, la divine Loi prescrit de fortifier les liens de solidarité et d’amour envers les plus démunis. Par exemple en Deutéronome (Dévarim) 16,12, Moïse enseigne « Tu te souviendras qu’en Egypte tu as été esclave, tu garderas ces lois et tu les mettras en pratique ». Ce rappel permanent de la période égyptienne doit rendre sensible l’âme israélite à l’âme du démuni, qui vit son « Egypte » (en hébreu Mitsraïm veut dire espace fermé), dans sa précarité et son manque.

 

Les us et coutumes

A partir de l’époque hellénistique, Chavouoth devient progressivement la fête de la Torah et de la moisson d’été, la lumière puissante de juin évoquant la lumière spirituelle de la parole révélée.

Depuis, la plupart des communautés ont coutume de décorer les synagogues d’épis de blé et de fleurs de saisons ; et aussi de consommer des mets lactés, car la Torah est parfois comparée au lait vital. Car si Dieu est souvent comparé à un Père chez les prophètes, l’image maternelle apparaît aussi par exemple à la fin d’Isaïe (66, 13).

Aujourd’hui, en Israël et en diaspora, l’essentiel de la célébration s’exprime par une liturgie synagogale, où les psaumes, (notamment 113 à 118) et la proclamation de l’unité et de l’amour de Dieu préparent à la lecture solennelle du Décalogue. En général les fidèles se tiennent debout en entendant ces divines paroles, tels les ancêtres qui se tinrent debout au pied du Sinaï.

Une coutume qui remonte à une tradition kabbaliste de Safed (Galilée) du 16e siècle consiste à rester éveillés toute la nuit pour étudier et commenter la Torah du jour, avant de réciter l’office du matin avec le lever du soleil.

En Israël, les kibboutzim reçoivent souvent des familles ou des groupes de jeunes, pour vivre dans la joie cette belle fête estivale.

 

Le livre de Ruth

L’après-midi de Chavouoth, les fidèles se rassemblent avant la prière pour lire le livre de Ruth. Ce livre tendre et touchant raconte le parcours d’une fille de Moab (Jordanie actuelle) à la rencontre du Dieu d’Israël (c.à.d. le Dieu proclamé par Israël), grâce à sa belle-mère Naomi. Son entrée officielle s’exprimera par cette déclaration toujours récitée par des candidat(e) s à la conversion au judaïsme : « Ton peuple sera mon peuple, ton Dieu sera mon Dieu ».

Booz, le riche propriétaire du lieu, ému de l’histoire de cette jeune fille qui avait tout laissé derrière elle (biens, renommés, sécurité) pour se jeter dans les bras de l’Eternel, décidera de l’épouser. Ruth sera l’ancêtre du roi David, ancêtre du Messie, et son nom aura l’honneur de figurer dans la généalogie de Jésus selon st Matthieu.

Le livre de Ruth comme la fête de Chavouoth rappellent que Dieu reste à l’écoute de toutes Ses créatures, et tel le bon père de la parabole Il attend patiemment le retour de ceux et celles qui n’ont pas encore reconnu sa gloire bienveillante.

Que cette fête de Chavouoth associée à celle de la Pentecôte chrétienne illumine le monde de cette lumière divine en santé, en paix et en amour.

 

Philippe Haddad

Rabbin synagogue Copernic.