Que ta volonté soit faite !

Frères et sœurs, savons-nous nous adapter ? La faculté d’adaptation est essentielle pour l’être humain. C’est grâce à elle qu’il a pu traverser les âges. Depuis des mois, nous ne cessons de nous adapter aux nouvelles règles du gouvernement, qui s’adapte lui-même aux nouvelles recommandations des autorités sanitaires, qui elles-mêmes s’adaptent à l’évolution d’un virus imprévisible… Nous nous adaptons aux autorités politiques bon gré mal gré, au minimum pour éviter les amendes, au mieux par esprit civique, responsable et solidaire, mais savons-nous nous adapter à la volonté de Dieu ? Celle-ci n’est parfois ni celle que nous souhaiterions ni celle à laquelle nous nous attendions : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur.» (Is 55,8)[i] Notre vie ressemble à une tapisserie que nous confectionnons à l’envers, et dont nous ne percevons la beauté qu’avec du recul et la lumière de l’Esprit Saint, qui nous permet de la contempler à l’endroit. Mais une chose est sûre : ne pas accomplir la volonté de Dieu, soit par désobéissance (c’est le péché), soit par manque de discernement (c’est l’erreur), conduit au malheur ou au moins à rater des occasions de bonheur. Aujourd’hui, je vous propose de prendre exemple sur 7 personnages de la Bible qui ont su s’adapter à la volonté du Seigneur. Comme les 7 mercenaires dans le film de John Sturges[ii] ont su écouter leur cœur et s’adapter aux conditions difficiles pour défendre un village de pauvres paysans, ils ont su le faire eux aussi pour réaliser ce qui était juste, c’est-à-dire pour s’ajuster à la volonté divine.

 

Commençons par David. Dernier de sa fratrie, jeune berger, c’est sans doute ce qu’il aurait été toute sa vie si Dieu n’était pas intervenu pour faire de lui le berger d’Israël, le successeur du roi Saül (1S 16). Plus tard, le Seigneur est encore intervenu souvent dans sa vie pour le guider, parfois à l’encontre de ses projets de départ. Car pour être un bon pasteur, il faut se laisser guider soi-même. Ainsi, alors qu’il avait décidé de construire un Temple pour le Seigneur, le prophète Nathan lui fait dire (1° lect.) : « Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? Le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison » (jeu de mot sur la maison, identifiée d’abord comme bâtiment puis comme dynastie). Le roi aurait pu être tenté de mettre la main sur le Seigneur, de l’enfermer dans le Temple, mais Dieu lui rappelle que c’est Lui le Maître et qu’il ne doit pas inverser les rôles.

Le général Naaman était lépreux (2R 5). Alors qu’il est allé de Syrie jusqu’en Israël pour rencontrer le prophète Elisée, réputé pour ses dons de guérison, il est extrêmement déçu et en colère après avoir entendu son message : « Va te baigner sept fois dans le Jourdain, et ta chair redeviendra nette, tu seras purifié. » Naaman s’attendait à une action d’éclat du prophète, et il s’estime floué par un charlatan. Heureusement pour lui, ses serviteurs interviennent et l’incitent à obéir : « Père ! Si le prophète t’avait ordonné quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, n’est-ce pas ? Combien plus, lorsqu’il te dit : “Baigne-toi, et tu seras purifié’’. » Il accepte de les écouter et guérit.

Joseph avait prévu d’épouser Marie, une modeste jeune fille de Nazareth, et de mener avec elle la vie simple d’un charpentier. Et voilà que rien ne se passe comme prévu (Mt 1-2). Marie est enceinte, elle va accoucher dans une étable en dehors de la ville, il leur faudra partir en exil pour fuir la colère d’Hérode… Dans toutes les situations qu’il rencontre, Joseph s’adapte à la volonté de Dieu, qui lui est transmise par l’ange[iii].

Jean avait reçu comme mission de donner dans le Jourdain « un baptême de conversion pour le pardon des péchés. » (Mc 1,4) Et voici que survient Jésus, l’Agneau sans tache, pour se faire baptiser par lui ! Jean s’y refuse d’abord : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! » (Mt 3,14) Mais après que Jésus lui a répondu : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice », alors Jean le laisse faire. (Mt 3,15)

Pierre croyait être prêt à donner sa vie pour son Maître, comme il vient de le lui déclarer lors de la dernière Cène. Et voilà que Jésus s’approche de lui pour lui laver les pieds (Jn 13) ! Il lui exprime son incompréhension : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Et Jésus lui répond : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Alors que Pierre commence par refuser lui aussi : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! », il faut que Jésus lui réponde : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi » pour qu’il accepte de se laisser faire.

Saul de Tarse était un pharisien zélé qui avait une carrière toute tracée de grand rabbin au service de son peuple. Et voilà que le Christ lui apparaît sur le chemin de Damas et, après l’avoir rendu momentanément aveugle, il lui ouvre les yeux non seulement du corps mais aussi et surtout de l’esprit. Alors qu’il croyait tout savoir de la volonté de Dieu, au point de persécuter à mort ceux qui ne croyaient pas comme lui, il devient humble et réapprend à découvrir petit à petit le Seigneur. C’est ainsi qu’il peut écrire aux Romains que l’Evangile est « la révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence, mystère maintenant manifesté…, mystère porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi » (2° lect.) 3 fois le mot mystère en quelques lignes ! Et comme l’a défini saint Augustin, « un mystère, ce n’est pas ce que l’on ne peut pas comprendre, mais ce que l’on n’a jamais fini de comprendre ». Alors que les fondamentalistes croient avoir saisi la Vérité, Paul écrira qu’il a été saisi par elle, saisi par le Christ (Ph 3,12).

Le 7ème personnage est une femme, qui surpasse les 6 autres. Marie s’est adaptée à la volonté de Dieu d’une manière parfaite. « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » Était-ce si évident de répondre ainsi à l’ange, qui venait de lui annoncer qu’elle allait concevoir et enfanter un fils, qui serait appelé Fils du Très-Haut, et dont le règne n’aurait pas de fin ? D’abord, Marie risquait d’être considérée comme une femme adultère et donc lapidée. Ensuite, Marie pouvait douter de ses capacités à mener à bien sa mission. Si l’éducation de n’importe quel enfant est déjà difficile, que dire alors de celle du Fils de Dieu[iv] ? Mais Marie fait confiance à l’ange, qui lui rappelle que « rien n’est impossible à Dieu. »

 

Ainsi, ces 7 « mercenaires » de la Bible ont su s’adapter à toutes les situations en faisant confiance à Dieu pour accomplir sa volonté. Je voudrais conclure en ajoutant un 8ème : le Christ lui-même. Lui aussi a dû s’adapter sans cesse à la volonté de son Père. « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance » (He 5,8). A Gethsémani, il a supplié: « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » (Mt 26,39) Alors, nous aussi, comme le Christ, comme tous ses disciples de la Bible et de l’histoire humaine, acceptons de toujours accomplir la volonté de Dieu, même et surtout lorsqu’elle nous déroute ou nous rebute. Dieu est fidèle : il ne permettra pas que nous soyons éprouvés au-delà de nos forces. Mais avec l’épreuve il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter (cf 1Co 10,13). Un proverbe dit que « l’homme propose, Dieu dispose ». Et un autre déclare que « Dieu écrit droit avec des lignes courbes ». Alors, comme Charles de Foucauld qui sera bientôt canonisé, disons ou chantons au Seigneur : « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira » !

P. Arnaud

[i] « Nous sommes comme les tapissiers qui tissent fil après fil leur œuvre sans pouvoir voir le résultat de ce qu’ils font. Ils ne voient que l’envers de leur tapisserie. Il leur faut quitter leur ouvrage, passer de l’autre côté, pour admirer l’endroit et s’émerveiller de leur labeur. Si l’envers de la tapisserie montre toute la complexité du travail accompli, l’endroit en révèle la beauté.

Nous tissons notre vie. Fil après fil, au gré des relations, nous nouons des amitiés, nous réparons des erreurs,… ce que nous voyons de notre œuvre paraît désordonné, voire pas très beau. Le Christ Jésus, Lui voit l’envers et l’endroit de notre vie, c’est pour cela qu’Il nous invite à être heureux.

La sainteté, à laquelle chacun d’entre nous est appelé, nous permet de voir notre vie à la manière du Christ Jésus, c’est-à-dire, la contempler à l’envers comme à l’endroit.

Le travail du tapissier est pénible, fatiguant, usant, tout comme la conduite de notre vie. Tout cela s’oublie en un instant, quand on s’émerveille devant l’œuvre accomplie. Pas étonnant alors que les béatitudes nous parlent de peines, de larmes, de persécutions, de souffrance pour nous dire à la suite: « heureux êtes-vous ! ».

La sainteté, c’est tisser sa vie à l’envers et à l’endroit et reconnaitre que pour chacune de mes mailles à l’envers,  par les sacrements, Dieu y met une maille à l’endroit ». http://stpierrestpaul.over-blog.com/

 

[ii] Sorti en 1960, il y a exactement 60 ans.

 

[iii] Merci au pape François d’avoir institué cette nouvelle année en l’honneur de ce très grand saint, patron de l’Eglise universelle !

 

[iv] Beaucoup d’entre vous connaissent bien les questions que les parents se posent aujourd’hui : comment savoir ce qui est le mieux pour notre enfant ? A quel âge faut-il lui offrir un portable ? Faut-il lui permettre de communiquer sur Facebook ? etc. Nous pouvons imaginer les questions qui auraient pu assaillir Marie : Serai-je à la hauteur ? Je ne suis pas une érudite, je manque d’expérience de la vie, moi qui n’ai qu’une quinzaine d’années, Joseph et moi ne sommes pas assez riches pour envoyer notre enfant dans les meilleures écoles rabbiniques, etc. Marie aurait pu se poser toutes ces questions, et surtout se laisser paralyser par elles.