Une petite vidéo introductive : https://youtu.be/_fUVSvt8bvc

 

La crainte de Dieu dans la Bible: La crainte

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La peur est l’une des 6 émotions basiques de l’être humain (avec la colère, la joie, la tristesse, la surprise et le dégoût). Elle peut être très précieuse. C’est grâce à elle que l’homme s’éloigne du danger. Mais elle peut aussi être paralysante, lorsqu’elle empêche d’avancer.

Il est donc sain et important d’avoir peur, mais nous devons « éduquer » notre peur.

Au tout début de sa vie, un enfant n’a pas peur de certains dangers, du feu par exemple, si bien qu’il peut se brûler. On doit donc lui « inculquer » » la peur pour s’éloigner de ces dangers (cf Blanche Neige, le petit chaperon rouge et tous les autres contes dans lesquels il y a un « méchant »). Mais en grandissant, il doit apprendre à maîtriser ses peurs.

Observons l’Histoire sainte. Après la chute d’Adam et Eve, on voit apparaître des personnages « lugubres » qui n’ont aucune crainte de Dieu. A Dieu qui lui demande « Qu’as-tu fait de ton frère Abel ?», Caïn répond avec insolence : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ?” » (Gn 4,9) Lamek, un de ses descendants, dit avec fierté à ses femmes: « Pour une blessure, j’ai tué un homme ; pour une meurtrissure, un enfant. Caïn sera vengé sept fois, et Lamek, soixante-dix-sept fois !” » (Gn 4,23‑24) Plus tard, après le déluge, la corruption reprend et gagne des populations entières, telle celle de Sodome, qui viole sans honte les lois de la nature et de l’hospitalité (Gn 19).

Mais dans cette noirceur, la lumière va poindre progressivement. Comme à un enfant, le Seigneur va « inculquer la crainte » à son peuple, tout en l’invitant à ne pas avoir peur (« N’ayez pas peur » est la parole la plus courante des  Ecritures). Il s’agit de n’avoir peur de rien, sauf d’offenser Dieu, car c’est ce qui nous détruit[i].

Pour éduquer ainsi son peule, le Seigneur agit d’abord vis-à-vis de certains personnages, ses « élus ».

Lorsque Dieu lui demande de sacrifier son fils Isaac, Abraham accepte de le faire et finalement, l’ange du Seigneur retient sa main en lui disant : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » (Gn 22,12)

Après avoir vu en songe Dieu lui apparaître, Jacob sort de son sommeil et s’écrie : « ‘En vérité, le Seigneur est en ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas.’ Il fut saisi de crainte et il dit : “Que ce lieu est redoutable ! C’est vraiment la maison de Dieu, la porte du ciel !” » (Gn 28, 16‑17)

Devant le buisson ardent, Dieu dit à Moïse (qui ne le connaît pas encore): « “N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » (Ex 3,5)

Puis c’est tout le peuple qui « apprend » la peur, en particulier au moment du don de la Loi au Sinaï :  « Tout le peuple voyait les éclairs, les coups de tonnerre, la sonnerie du cor et la montagne fumante. Le peuple voyait : ils frémirent et se tinrent à distance. Ils dirent à Moïse : ‘Toi, parle-nous, et nous écouterons ; mais que Dieu ne nous parle pas, car ce serait notre mort.’ Moïse répondit au peuple : ‘N’ayez pas peur. Dieu est venu pour vous mettre à l’épreuve, pour que vous soyez saisis de crainte en face de lui, et que vous ne péchiez pas’. » (Ex 20,18-20) Le peuple hébreu a peur de Yahweh, à la fois à cause de sa majesté  face à laquelle il se sent tout petit (cf sa manifestation « tonitruante » au Sinaï avant le don de la Loi[ii]), mais aussi de sa sainteté face à laquelle il se reconnaît pécheur (cf Adam qui se cache dans le jardin d’Eden[iii]).

Si cette crainte « servile » (celle de la punition) est positive au début de l’Alliance, puisqu’elle éloigne les hommes du péché, elle doit être abandonnée ensuite pour qu’ils entrent dans une relation de confiance et même d’intimité avec Dieu (on parle alors de crainte filiale).

Qu’est-ce que la crainte filiale ? C’est une crainte amoureuse, celle d’offenser Celui qu’on aime. Blanche de Castille disait ainsi à son fils, le futur saint Louis : « Mon fils, je préférerais vous voir mort qu’en état de péché mortel ».

L’exemple le plus parfait est bien-sûr celui du Christ, qui accepte sa propre souffrance et sa propre mort pour obéir à son Père : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. » (Mt 26,39)

Dans le Christ cohabitent la crainte et une confiance absolue en son Père : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours » (Jn 11,41)

En tant que Messie, il possède les dons de l’Esprit de façon parfaite. Il est bien celui que le prophète Isaïe avait annoncé : Is 11,2, dont la maman Marie fur couverte de l’ombre de l’Esprit au moment de sa conception (Lc 1,35)  et sur qui l’Esprit descendit lors de son baptême comme une colombe (Lc 4,22). Chez lui, s’est réalisée la parole de St Jean : « l’amour parfait chasse la crainte » (1 Jn 4,18)

Mais cette perfection  est une quête qui demande pour nous du temps, des efforts, des souffrances et  beaucoup de grâces[iv].

 

Prenons l’exemple de deux très grands personnages, le premier de l’Ancien Testament, le second du nouveau : David et Pierre.

Au début de son règne, David consulte Dieu sans cesse afin de prendre les bonnes décisions[v].

Cette crainte révérencieuse se change parfois en peur. Ainsi, le jour où il veut ramener l’arche à Jérusalem, après que la colère de Dieu s’enflamma contre Uzza : « David eut peur du Seigneur, ce jour-là, et dit : “Comment l’arche du Seigneur pourrait-elle entrer chez moi ?” » (2 S 6,9)

Elle disparaît à d’autres moments. Cf l’adultère avec Bethsabée et le meurtre d’Urie (2S 11)

A la fin de sa vie, David vit vraiment dans la crainte de Dieu. Cf le moment où Abishaï, un de ses soldats les plus zélés, veut trancher la tête de Shimeï qui vient de maudire le roi, alors que celui-ci fuit Jérusalem et son fils Absalom qui veut lui ravir son trône. Cf 2S 16,11s.

 

Prenons maintenant l’exemple de Pierre. Il oscille continuellement entre la confiance et la crainte de Dieu d’un côté, et la peur de l’autre. Il a été capable de quitter sa famille et ses filets pour suivre le Christ, et de se prosterner à ses pieds dans la barque après la première pêche miraculeuse[vi]. Il a même été capable se jeter à l’eau[vii]. Mais ensuite « voyant la violence du vent il prend peur » (Mt 15,30) A Césarée de Philippes, il est d’abord capable de laisser inspirer par le Père pour proclamer que Jésus est « le Messie, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16). Quelques instants plus tard, il « perd » la crainte de Dieu lorsqu’il se permet de faire de vifs reproches à son Maître (Mt 16,22), à tel point que celui-ci le traite de Satan (adversaire) (v.23) Au moment de la dernière Cène, il a d’abord l’audace de s’écrier « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » (Mc 14,31) avant de le renier 3 fois… Mais finalement, il sera capable de revenir une fois de plus à son Maître et de résister à sa peur des hommes. Devant le grand conseil des Juifs, il dira : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Ac 5,29), provoquant leur rage et leur projet de le faire mourir (v.33).

 

La crainte de Dieu est très liée à la première béatitude : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » (Mt 5, 3) Elle est aussi étroitement associée à la vertu de tempérance.

 

En tant que premier don de l’Esprit Saint, elle est aussi la porte d’entrée pour tous les autres, et en particulier pour le dernier. «La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse» est un refrain des livres de sagesse et des psaumes (cf Pr 9,11).

 

P. Arnaud

 

[i] « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? […] Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8,35-39)

 

[ii] « Tout le peuple voyait les éclairs, les coups de tonnerre, la sonnerie du cor et la montagne fumante. Le peuple voyait : ils frémirent et se tinrent à distance. Ils dirent à Moïse : ‘Toi, parle-nous, et nous écouterons ; mais que Dieu ne nous parle pas, car ce serait notre mort.’ Moïse répondit au peuple : ‘N’ayez pas peur. Dieu est venu pour vous mettre à l’épreuve, pour que vous soyez saisis de crainte en face de lui, et que vous ne péchiez pas’. » (Ex 20,18-20)

 

[iii] « Ils entendirent la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour. L’homme et sa femme allèrent se cacher aux regards du Seigneur Dieu parmi les arbres du jardin. Le Seigneur Dieu appela l’homme et lui dit : ‘Où es-tu donc ?’ Il répondit : ‘J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché’. » (Gn 3,8-10)

 

[iv] « Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu : on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit. » (le Cantique spirituel de s. Jean de la Croix)

 

[v] « David consulta le Seigneur : “Dois-je monter dans l’une des villes de Juda ?” Le Seigneur lui dit : “Monte.” David demanda : “Où dois-je monter ?” Et le Seigneur dit : “À Hébron.” » (2 S 2,1)

 

[vi] « A cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : “Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur.” » (Lc 5, 8)

 

[vii] « Jésus lui dit : “Viens !” Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. » (Mt 14,29)