Exposons les faits. Pour cela, intéressons-nous à l’ambon en ciment. Il porte une sculpture en très bas-relief qui se détache à peine du ciment gris. On y voit une croix latine d’une forme inhabituelle*. Elle donne naissance à une vigne, symbole eucharistique, sur les tiges de laquelle s’épanouissent des feuilles et des grappes de raisin. Dans leurs entrelacs sont perchés deux paons, symboles de résurrection**.

Sous l’arcade, les rayons de l’Esprit descendent sur le monde de 1930, et par extension, sur l’Église d’aujourd’hui, éclairant l’obscurité d’une geôle où gisent deux personnages dont l’un est à peine visible. Un ange (qui aurait, dit-on, le profil de la première épouse de M. Denis ?) vient les visiter. Qui sont ces personnages ? Que représentent-ils ? Qu’illustrent-ils ? Là se situe le mystère !

 

– Ce lieu serait-il les ténèbres de la mort d’une Église souffrante représentée par ces miséreux à peine vêtus ? Possible, puisque c’est toute l’Église qui est présente de part et d’autre, de la plus proche (celle de 1930 pour M. Denis et la nôtre, celle de 2021) aux plus lointaines de toutes cultures, langues, peuples et nations.

 

– Ou bien, ne peut-on y voir la puissance de l’Esprit allant jusqu’à ressusciter les morts ? En effet, l’artiste a figuré, au-dessus de ce réduit, la croix rédemptrice, et deux paons qui sont symboles d’immortalité***.

 

–  Enfin, ne pourrait-on pas envisager la libération, par un ange, de Saint Pierre enfermé dans sa prison «Et voici que survint l’ange du Seigneur, et une lumière brilla dans la cellule» (Actes des Apôtres 12, 7) ? Mais pourquoi serait-ce Saint Pierre ?

. Une première piste se trouve dans l’organisation de l’image. L’artiste a pris soin de situer sur une même verticale Saint Pierre et Saint Paul l’un au-dessus de l’autre, sous la Sainte Vierge à qui Jésus a confié l’Église. On ne peut séparer Saint Pierre et Saint Paul. Ils nous ont transmis l’Évangile du Christ et l’Église s’appuie aujourd’hui encore sur leur enseignement. Ils sont les deux piliers de l’Église, ils sont les témoins de la vie du Seigneur. Et jamais la Tradition ne les a fêtés l’un sans l’autre (solennité commune le 29 juin). De plus, les ordinations dans l’Église ont lieu à proximité de cette fête. Or, ce sacrement est ici représenté de chaque côté du prisonnier, avec l’ordination des prêtres par Mgr Verdier et Mgr Crépin.

. Autre piste, Jésus a dit à Pierre « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18).  Regardons maintenant ce personnage : il est en-dessous de la structure portant les Pères de l’Église et, avec les paumes de ses mains, il semble porter les Églises d’Occident et d’Orient.

 

Alors, dans le doute, tournons-nous vers Maurice Denis, qu’en dit-il ? Rien ! Car il a représenté une scène pour laquelle il n’a laissé aucun écrit, aucun renseignement. C’est donc à chacun de la décrypter, et de choisir l’interprétation qui lui semble la plus juste ou de les retenir toutes ensembles……. ou d’en trouver une autre.

 

BONNE FÊTE DE PENTECÔTE

 

Martine et Olivier

 

* Croix « fourchue » : 2 pointes recourbées aux extrémités de chaque bras x 4 bras = rappel des 8 Béatitudes du Sermon sur la Montagne (Mt 5,3-10)

 

** Pline l’Ancien note que l’oiseau perd sa majestueuse parure pendant l’hiver et la retrouve renouvelée au printemps suivant. Le magnifique plumage qu’il retrouve au printemps a été perçu comme un symbole de renaissance par les Anciens et comme celui de la résurrection par les premiers chrétiens.

 

*** Saint Augustin écrit («De civitate Dei», 21, 4) que la chair de l’oiseau était incorruptible, comme le corps du Christ au tombeau. Le paon est ainsi associé à l’immortalité.