Ne craignez pas

De quoi avons-nous peur, frères et sœurs ? Il est normal que nous ayons peur parfois. L’homme, parce qu’il est fragile, est souvent confronté à des menaces pour sa santé, son bien-être, et même sa vie. C’est encore plus vrai pour les croyants qui témoignent de leur foi, tant il est vrai que les croyances sont au cœur de nos existences, et que ceux qui veulent « bousculer » les ordres établis peuvent rencontrer des oppositions farouches, jusqu’à perdre leur vie. C’est pourquoi l’exhortation « ne craignez pas » est l’une des plus paroles les plus fréquentes de toute la Bible. Malgré toutes les difficultés, le Christ nous appelle aujourd’hui à témoigner de lui. Il nous exhorte pour cela à une triple attitude : courage face au monde, vigilance par rapport à Satan, et confiance en Dieu.

 

Pour commencer, le Christ, juste après avoir annoncé à ses disciples les persécutions qui les attendent, les exhorte au courage face au monde : « Ne craignez pas les hommes… Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ». Maniant « la carotte et le bâton », il promet d’abord : « quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux », avant d’avertir : « celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux »… Le courage est l’une des facettes de la force. Celle-ci est l’une des 4 vertus cardinales, mais elle est aussi,  en tant qu’une certaine fermeté de l’âme, la condition générale de toute vertu[i]. Aujourd’hui, les notions associées à la vertu de force – les convictions et les valeurs pour lesquels on s’engage, la fidélité à ces engagements, les sacrifices qu’impose une telle fidélité – sont dépréciées. Comment parler de convictions dans une société saturée de libéralisme et pour laquelle la vérité n’existe plus ? Comment parler de fidélité quand l’une des principales fidélités, la fidélité conjugale, est ridiculisée et violée à grande échelle ? Comment parler de sacrifice dans un monde voué au bien-être ?

Pourtant, les exemples de courage demeurent. Souvenons-nous du prophète Jérémie, qui a dû affronter aussi bien les calomnies de la foule que la trahison de ses amis (1° lect.). Il est toujours resté fidèle au Seigneur, se souvenant de la parole qu’Il lui avait adressée au moment de sa vocation : « Ne les crains pas, car je suis avec toi pour te délivrer – oracle du Seigneur. » (Jr 1,8) Ensuite, le Christ lui-même n’a pas eu peur de ceux qui voulaient le faire taire : les autorités juives et romaines, mais aussi parfois sa propre famille et ses propres disciples (comme Pierre à Césarée de Philippe). Depuis 2000 ans, les martyrs ont témoigné que leur amour pour le Christ était plus fort que l’amour de leur propre vie. Ils n’ont pas eu peur des empereurs romains qui voulaient les obliger à sacrifier à d’autres dieux, des autorités révolutionnaires qui voulaient obliger les évêques et les prêtres à jurer fidélité à leur constitution plutôt qu’à l’Eglise, des terroristes islamistes qui voulaient les obliger à renier leur foi en Egypte ou ailleurs…

 

Pour témoigner de notre foi, le courage face au monde est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut lui associer la vigilance par rapport au diable. Jésus nous a avertis : « craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps ». Voilà le véritable adversaire. Il peut tout fausser, même ce qu’il y a de plus beau : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Songeons à ces kamikazes qui sacrifient leur vie (mais aussi celles des autres) par fidélité à leurs convictions… Plus grave encore, leur comportement n’est que la partie visible d’un iceberg : combien de personnes, des jeunes notamment, se laissent corrompre le cœur et l’esprit sur les réseaux sociaux par des messages qui colportent le mensonge et la haine ? Les hommes qui choisissent ce chemin ne sont pas entièrement responsables, c’est pourquoi Jésus a dit sur la croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) Ils peuvent toujours se convertir, jusqu’au dernier moment.

Le Christ n’a pas cessé de manifester sa supériorité sur lui, le repoussant au désert, l’expulsant chez les possédés, et finalement le vainquant définitivement sur la Croix. Les saints ont fait de même. Le curé d’Ars et le padre Pio, deux grands confesseurs, ont livré avec lui des combats à la fois physiques et spirituels. Nous-mêmes devons être très vigilants. Souvenons-nous de Pierre, à Césarée de Philippe : alors que Jésus venait de le féliciter d’avoir exprimé sa foi en lui, le Messie et le Fils de Dieu, il a voulu ensuite l’empêcher de répondre à la volonté de son Père, s’attirant comme réponse de Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! […] tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16,23) Souvenons-nous aussi de Judas, ou de ces fondateurs d’ordres (Ephraïm, Marie-Dominique Philippe, le père Marcial Maciel, Jean Vanier, le père Finet…) qui ont sombré dans le mal après avoir été, au départ sans doute, inspirés par le Seigneur…

 

Pour témoigner de notre foi, le courage face au monde et la vigilance par rapport au diable sont nécessaires, mais pas suffisants. En effet, nous sommes de pauvres pécheurs, et il nous arrive de manquer de courage ou de vigilance. C’est pourquoi nous devons cultiver aussi la confiance dans le Seigneur. D’abord, Il nous soutient dans le combat. Jérémie s’écrie : « le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. » (1° lect.) Il en est si sûr qu’il ajoute, comme s’il prédisait son avenir : « Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : il a délivré le malheureux de la main des méchants. » Et Jésus ajoute : « pas un seul moineau ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. »

Mais que se passe-t-il si, malgré l’aide du Seigneur, nous le renions ou le trahissons ? Eh bien il nous est toujours possible de nous repentir. Paul écrit aux Corinthiens : « il n’en va pas du don gratuit comme de la faute » (2° lect.) et un peu plus loin : « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé. » (Rm 5,20) C’est toute la différence entre Judas et Pierre : alors que le premier s’est enfermé dans sa faute, le second a pleuré des larmes de repentir et a finalement témoigné de sa foi jusqu’au martyr… De toute façon, quelle que soit notre façon de vivre, le plan de Dieu sera réalisé : « rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. »

 

Ainsi, n’ayons pas peur de témoigner du Christ devant nos frères. Pour cela, il nous faut du courage pour ne pas craindre les persécutions qui peuvent aller jusqu’à la mort ; de la vigilance pour ne pas nous laisser tromper par le diable qui peut tout fausser, même les plus belles intentions ; et de la confiance, pour être conscients que le Seigneur sera toujours avec nous dans le combat, et que son règne adviendra quoi qu’il arrive. Prenons exemple sur les prophètes, les martyrs et les saints. Malgré leurs limites et même leurs péchés, tous ont été couronnés, à la suite de celui qui a dit : « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » (Jn 16,33) Alors moi, dans quel combat suis-je prêt à m’engager pour témoigner de ma foi ? Pour la défense des plus petits (40 à 50 millions d’avortements chaque année dans le monde) ? Pour la liberté de conscience et la défense des chrétiens persécutés (plus de 260 millions dans le monde, soit 1 chrétien sur 8) ? Pour un meilleur partage des richesses (en France, plus d’un million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté) ? Que le Seigneur nous éclaire et fortifie notre courage. AMEN.

[i] S.T. 2-2, 123, 2