Soyons saints !

Frères et sœurs, voulons-nous devenir des saints ? Spontanément, nous pourrions être tentés de penser que cette question ne nous concerne pas, qu’il s’agit d’un idéal trop élevé réservé à une élite… Pourtant, le Seigneur lui-même nous le demande : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » (Lv 19,2) Pourquoi cette demande ? Saint Jean nous répond : « nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est » (2° lect.). Dieu nous appelle à la sainteté parce qu’elle nous permettra de le voir tel qu’Il est (c’est la vision béatifique) et de lui devenir semblables. Et cette grâce n’est pas réservée à un petit nombre : l’Apocalypse en dénombre 144.000 (12X12X1000), un chiffre symbolique d’une multitude innombrable (1° lect.). Et le martyrologe romain en dénombre environ 7000, sans compter tous les « saints de la porte à côté » évoqués par le Pape François ! Ils ont beau être nombreux, nous pourrions croire qu’ils ont tous accompli des choses extraordinaires et au-delà de nos forces. En fait, ils n’ont pas forcément réalisé des actions extraordinaires, mais ils se sont efforcés de tout réaliser, même les actions les plus ordinaires, avec un amour extraordinaire. Et cet amour ne venait pas d’eux, mais du Seigneur Lui-même. Autrement dit, la sainteté est d’abord une grâce, un don de Dieu. Le saint est celui qui laisse Dieu, le seul Saint, agir en lui. Certes, cette union signifie d’accepter de souffrir comme le Christ a souffert pour nous : les saints « viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. » (1° lect.) Mais leurs souffrances ne les ont pas empêchés d’être heureux, au contraire, c’est pourquoi nous venons d’entendre les béatitudes. Chacun d’entre nous recherche le bonheur. Mais nous savons par expérience que ce but n’est pas facile à atteindre. Notre société nous « dit » : le bonheur consiste à posséder beaucoup d’argent pour pouvoir consommer et du pouvoir pour ne dépendre de personne, et à prendre autant de plaisir que possible afin de ne pas éprouver la souffrance et la solitude. Ces « voix » sont attrayantes, comme celles des sirènes qu’entendit Ulysse pendant son voyage vers Ithaque, mais elles sont illusoires, elles ne conduisent pas au véritable bonheur. La preuve, c’est qu’il y a plus de personnes déprimées dans nos sociétés occidentales que dans les pays les plus pauvres, où les gens se contentent de peu. Écoutons donc une autre voix, celle que le Christ nous adresse à travers les béatitudes. Elles peuvent nous surprendre voire nous rebuter, tant elles semblent loin du bonheur tel que nous le concevons spontanément. Pourtant, il s’agit là du plus beau portrait que le Christ nous a laissé de lui-même, lui qui est le Bienheureux par excellence.  Méditons sur chacune des béatitudes, à la lumière des exemples de saints, qui partagent son bonheur.

 

Les pauvres de cœur reconnaissent leur pauvreté et attendent tout de Dieu. Dans son acte de consécration à l’amour miséricordieux, la petite Thérèse écrivait : « Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice ».

Les doux sont assez forts pour ne pas répondre à la violence par la violence. Saint François de Sales a évangélisé toute une région qui avait rejeté l’Eglise (le Chablais), répondant aux insultes et aux attaques (on a voulu l’assassiner plusieurs fois) avec la douce force de la vérité.

Ceux qui pleurent se laissent toucher par le mal et la souffrance qui accablent leurs frères. Sainte Monique a versé beaucoup de larmes pour la conversion de son fils Augustin. De même saint Dominique gémissait la nuit : « Seigneur que vont devenir les pécheurs ? Seigneur aie pitié des pécheurs ! »

Ceux qui ont faim et soif de la justice veulent de tout cœur que le monde s’ajuste à la volonté de Dieu.  Sainte Catherine de Sienne a plaidé avec force pour la justice dans l’Église et dans la société, exhortant papes et puissants à la conversion. Elle écrivit au pape Grégoire XI : « Soyez un homme viril, et non un enfant peureux : accomplissez la volonté de Dieu, et revenez à Rome ! » Elle écrivit aussi au roi de France Charles V et à la reine Jeanne de Naples, les exhortant à gouverner avec justice.

Les miséricordieux savent non seulement se laisser émouvoir, mais aussi tendre une main secourable à ceux qui sont dans la misère, qu’elle soit matérielle, en leur offrant du pain, ou spirituelle, en leur offrant le pardon. Au moment de mourir, saint Etienne s’est écrié d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » (Ac 7,60), reprenant les paroles de Jésus sur la croix. Sainte Faustine, en faisant connaître au monde la miséricorde infinie du Cœur de Jésus, nous a invités à lui ressembler.

Les cœurs purs cherchent toujours à faire la volonté de Dieu et non la leur. Lorsque l’un juge demanda à sainte Jeanne d’Arc, lors de son procès : « vous sentez-vous en grâce de Dieu ? », elle répondit tout simplement : « Si je n’y suis, Dieu m’y mette… Si j’y suis, Dieu m’y garde. » Sainte Bernadette, à ceux qui doutaient de son témoignage, répondit : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire. »

Les artisans de paix aident les personnes en conflit à se réconcilier. Accusé de lâcheté parce qu’il refusait de combattre, le soldat Martin proposa un geste extraordinaire : « Placez-moi désarmé en première ligne, et j’avancerai au nom du Seigneur, protégé par la seule croix du Christ. » Avant la bataille, une trêve fut conclue, signe que sa prière avait été entendue par Dieu… Quant à François d’Assise, en plein milieu d’une croisade, il alla rencontrer le sultan avec comme seule arme sa parole.

Les persécutés pour la justice vont encore plus loin que ceux qui en ont faim et soif, puisqu’ils acceptent de souffrir pour elle. Saint Maximilien Kolbe fut mis à mort à Auschwitz parce qu’il avait offert de prendre la place d’un père de famille innocent qui allait être condamné. Saint Oscar Romero fut assassiné en pleine messe pour avoir été le défenseur des paysans de son diocèse.

A ceux qui sont persécutés pour lui, le Christ promet la plus grande récompense : n’oublions pas qu’ « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13) ! Saint Tarcisius a été tué parce qu’il refusait d’abandonner l’hostie consacrée qu’il tenait dans sa main à ceux qui voulaient s’en emparer.

 

Alors, frères et sœurs, n’ayons pas peur de devenir des saints. « La sainteté est une aventure, elle est même la seule Aventure » (Georges Bernanos). Unissons-nous intimement à Dieu pour réaliser tout ce que nous avons à faire, même les choses les plus ordinaires, avec un amour extraordinaire. Acceptons de souffrir pour celui qui nous a aimés jusqu’à mourir. Pour y parvenir, laissons ceux qui sont déjà parvenus au bout de leur chemin nous aider à la fois par leurs intercessions, et par leurs exemples. Ne les prenons pour des modèles statiques qu’il nous faudrait imiter « à la lettre », car chacun a mené une vie originale, et chacun d’entre nous doit également trouver son chemin vers le ciel, qui ne peut être qu’unique. Comme disait saint Carlo Acutis, « nous naissons tous comme des originaux, et beaucoup meurent comme des photocopies » ! Mais imitons leur désir d’aimer. Et lorsque nous n’y parvenons pas, ne nous décourageons pas ! Sainte Thérèse d’Avila disait : « la sainteté, ce n’est pas de ne jamais chuter, c’est de toujours savoir se relever ». Durant les prochains mois, lisons la Bible, mais aussi des vies de saints, nos frères et sœurs qui nous accueilleront un jour auprès du Seigneur !

P. Arnaud