« Heureux les affligés, car ils seront consolés » (Mt 5, 4)

(Crédit photos : Bruno Parnaudeau)

Dans cette toile, la plus grande des quatorze stations de notre église, et dans une mise en scène à la composition serrée, G. Desvallières offre le témoignage de sa souffrance de père, et de sa foi. Il propose son propre chemin de croix mis en abîme dans celui de Jésus.

Symétriquement placées, la vie et la mort. Sous l’arcade ouverte de droite, la vie se dessine par la couleur, le mouvement de la foule qui avance, la jeune femme portant son enfant sur le dos. Pour représenter la mort, G. Desvallières a utilisé un espace clos abritant des soldats en uniforme (dont sans doute son fils tué au front à dix sept ans) et des infirmières, elles aussi victimes des combats. Néanmoins le buisson de végétation colorée symbole de renouveau et la lumière vive derrière les fenêtres sont signes de vie et de Résurrection.

Au premier plan, dans ce contexte, comment ne pas penser au désespoir d’un père, en observant cet homme agenouillé humblement au pied du Christ vivant portant sa croix. Quelle tendresse a mis le peintre dans le regard de Jésus qui se penche et semble protéger cet homme prostré dans sa douleur, lui, l’artiste-soldat. Son ami Robert-Vallery Radot écrit « Dans cet abandon de tout l’être, ce chrétien a vu l’Homme de douleur lui montrer son visage couronné d’épines » (1).

Un peu plus loin, dans le groupe de deux femmes éplorées, n’a-t-il pas représenté Marie affaissée sur le sol en tant qu’image de toutes les mères affligées par les deuils et les chagrins, et dont l’âme est traversée d’un glaive ? Étonnant, de plus, qu’ aucun regard ne se croise entre les personnages que le peintre a mis en présence dans ce premier plan, en effet aucun évangéliste ne parle directement d’une rencontre entre Jésus et Marie.

Le regard, passant d’un groupe à l’autre est conduit, par la lumière et les teintes claires, au centre du tableau où un prêtre célèbre la messe et présente l’hostie consacrée auréolée de lumière, véritable soleil. L’artiste exprime ainsi sa foi dans la proximité avec le Christ à travers la liturgie et les sacrements. De Gustave Moreau son maître, G. Desvallières retient cette élévation totale (physique et spirituelle) rendue visible dans une parfaite verticalité (communiante, prêtre, bras, hostie, croix). Dans un raccourci visuel saisissant, G. Desvallières relie le Christ souffrant sa Passion au premier plan, au Christ présence réelle dans l’hostie, et l’Église des origines à celle de notre époque par la représentation symbolique des communiantes.

 

Martine

 

(1)   Robert Vallery-Radot, « Desvallières », l’Art et les artistes, n° 100, octobre 1929