Dieu veut que tous les hommes soient sauvés

Frères et sœurs, voulons-nous, comme notre Seigneur,  « que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (2° lect.) ? La vérité nous rend libres et nous sauve. Mais notre société ne nous aide pas dans ce sens. Elle a érigé un culte à la déesse tolérance, sur l’autel de laquelle on préfère souvent sacrifier la vérité. D’autres sociétés ou communautés ont sombré dans l’excès inverse, et sont devenus des essaims de fanatiques fondamentalistes, avec lesquels la vérité est tout autant sacrifiée. Nous-mêmes sommes conscients de ne pas posséder la Vérité, car elle est une Personne, le Christ, qui nous veut au contraire nous saisir. Comment pouvons-nous le faire connaître ? D’abord avec notre cœur, par la prière. Ensuite avec notre intelligence, par une charité inventive. Enfin avec nos mains, par le bon emploi de notre argent et de tous nos biens.

 

Pour commencer, nous pouvons prier de tout notre cœur. Jésus prenait régulièrement des temps de prière, parfois pendant des nuits entières. Pas étonnant donc qu’avant d’envoyer ses disciples en mission, il leur dise : « La moisson est abondante, et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.» (Mt 9, 37‑38) De même, saint Paul était un homme de prière. Celle-ci est tellement au cœur de cet homme d’action infatigable qu’il demande aux Thessaloniciens : « Priez sans cesse. » (1 Th 5,17)

Comment prier ? Saint Paul nous répond dans sa lettre à Timothée : « J’insiste avant tout pour qu’on fasse des prières de demande, d’intercession et d’action de grâce pour tous les hommes » (2° lect.). Demander pour soi l’Esprit Saint, intercéder pour mes frères et sœurs dans le besoin, rendre grâce au Seigneur pour tous ses bienfaits, voilà autant de manières de prier. L’essentiel est de le faire avec le désir que ma prière serve au salut de tous les hommes…

Peut-être doutons-nous parfois de l’efficacité de la prière ? Alors souvenons-nous de la petite Thérèse de Lisieux : après un triple assassinat qui avait défrayé la chronique le 17 mars 1887, elle commença de prier pour le salut du meurtrier, Henri Pranzini, qui fut condamné à mort. Jusqu’au dernier moment avant son exécution le 31 août, il refusa de rencontrer un prêtre pour recevoir les derniers sacrements. Mais juste avant d’être guillotiné, il demanda in extremis à baiser un crucifix… Thérèse se sentit « récompensée » de ses 5 mois et demi de prière confiante et elle décida alors d’entrer au Carmel « pour sauver des âmes ».

 

Prier avec notre cœur est essentiel, mais pas suffisant. Le Seigneur nous appelle à nous servir de toutes nos autres facultés, et en particulier de notre intelligence. Dans l’évangile, le maître fait l’éloge de son gérant, non parce qu’il a été malhonnête, mais parce qu’il a été habile… une sorte d’Arsène Lupin avant l’heure ! L’homme a reçu de son Créateur un cerveau plus développé que celui des animaux, mais il oublie parfois de s’en servir. Einstein lui-même disait que nous ne nous servons que de 10% de nos facultés. Le drame, c’est que ce ne sont pas forcément les chrétiens qui se montrent les plus habiles. Jésus est explicite : « les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ». Il suffit d’observer notre monde : sur un plan purement technologique, les armes d’aujourd’hui sont de véritables « merveilles », fruits du génie humain. Dans le domaine économique aussi, que de créativité déployée pour créer de nouveaux produits et acquérir de nouveaux marchés ! C’est parce qu’il développa l’idée du travail à la chaîne et qu’il donna aux ouvriers un salaire proportionnel au prix de ses voitures qu’Henry Ford parvint à les vendre comme des petits pains. Songeons aussi au sport : les champions sont toujours forts physiquement, mais aussi capables des meilleures stratégies.

Pour que tous les hommes soient sauvés, nous aussi devons faire preuve d’une charité inventive. Prenons exemple sur les saints et notamment sur François de Sales. Il avait été chargé par son évêque d’évangéliser le Chablais, une région du diocèse d’Annecy qui était passée du catholicisme au protestantisme. Mais comment faire, sachant que personne ne voulait ou n’osait venir l’écouter lorsqu’il allait sur les places publiques ? François eut l’idée géniale de rédiger et glisser sous les portes des tracts sur lesquels il exposait les points fondamentaux de la foi catholique et répondait aux objections de ses adversaires. En quelques mois, il parvint à convertir les cœurs de la majorité des habitants de la région, qui redevint essentiellement catholique.

 

En plus de notre cœur avec lequel nous pouvons prier, et de notre intelligence avec laquelle nous pouvons nous montrer inventifs, le Seigneur nous a aussi donné des mains pour partager notre argent et nos autres biens matériels. Les employons-nous pour le salut de tous les hommes ?  Jésus nous met en garde : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. » Ce n’est pas l’argent en tant que tel qui est mauvais, il a même représenté un immense progrès dans l’histoire de l’humanité, c’est l’amour de l’argent qui est «la racine de tous les maux. » (1 Tm 6,10) Autrement dit, l’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître. Lorsqu’on lui est asservi, on devient comme ces gens du temps d’Amos qui, dans une des périodes les plus prospères de l’histoire d’Israël,  écrasaient les pauvres et anéantissaient les humbles du pays (1° lect.).

Alors, comment en faire un bon serviteur ? Trois choix me sont offerts : le donner, l’investir, ou le dépenser. En donnant mon argent, je peux me faire des amis, qui m’accueilleront un jour dans les demeures éternelles.  D’une manière mystérieuse, les pauvres que j’aide ici-bas, sans même les connaître, me reconnaîtront lorsque j’arriverai au ciel. Deuxièmement, je peux aussi investir mon argent. Souvenons-nous de la parabole des talents : tout ce que j’ai reçu, je dois le faire fructifier. Saint Maximilien Kolbe, qui n’avait aucun bien personnel, investit des sommes énormes pour construire une usine et diffuser un journal à la gloire de la Vierge Marie. Enfin, je peux également dépenser une partie de mon argent. N’oublions pas que nous sommes appelés à jouir de la création, comme le Seigneur l’avait dit à Adam : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin » (Gn 2,16). « Ne sois pas trop sévère pour toi-même » déclare aussi le Siracide (Si 4,22). La vertu de tempérance nous donne de jouir de la Création sans la détruire, pour pouvoir en rendre grâce au Seigneur et mieux servir notre prochain.

 

Frères et sœurs, ne laissons personne se perdre, sachons nous laisser émouvoir comme saint Dominique qui priait la nuit en pleurant : « que vont devenir les pécheurs ?» Imitons saint Paul qui s’est fait « tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns » (1Co 9,19). Servons-nous au mieux de notre cœur, de notre intelligence et de nos mains. Cette semaine, prenons des temps de prière pour confier à Dieu nos demandes, nos intercessions et nos actions de grâce. Prenons des temps de réflexion pour inventer de nouveaux chemins pour évangéliser notre monde, et d’abord nos proches. Et prenons le temps de discerner comment utiliser au mieux nos biens. C’est ainsi que, malgré toutes nos fautes, le Seigneur fera notre éloge dans le Ciel !

P. Arnaud