Aujourd’hui (Jn 6, 1-15) la foule suit Jésus ‘parce qu’elle a vu des signes, et elle va en voir un magistral : la multiplication des pains ! Immédiatement elle avoue : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Cette foule de disciples pouvait-elle aller plus loin avec des ‘signes’ ? Elle le suivait pour les signes. Sans doute ‘le signe’ était le tout du prophète ?

La multiplication des pains n’est pas encore l’eucharistie. Elle en est peut-être un signe préliminaire ? Et l’eucharistie en elle-même est plus qu’un signe.

Pour le comprendre, il faut faire comme Jésus qui reprend les choses depuis le commencement. En Gn 2, quand Adam s’endort et que Dieu forme une femme pour lui donner un vis-à-vis, Dieu lui a ouvert le côté, lui a pris une côte, et a refermé les chairs à sa place. En ce vendredi du temps pascal, on est invité à se replacer au pied de la croix. On y voit le centurion ouvrir le côté du Christ ! Certes il ne lui prend pas de côte, mais il ne referme pas non plus le côté. Il y a donc depuis ce vendredi Saint une opération chirurgicale en cours… et elle n’est toujours pas finie. Le Linceul nous indique que le côté est encore ouvert. A Thomas, le Christ propose de mettre la main dans le côté… visiblement encore ouvert. Aurions-nous donc quelque chose à saisir ?

Le Christ nous dit pourtant : « Ma vie nul ne la prend c’est moi qui la donne » ! Plus que saisir il faut recevoir. Revenons donc au Jeudi saint, au moment où Jésus donne sa vie. Le Christ ne nous donne pas une côte, ni une entrecôte, pour que nous soyons son épouse comme en vis-à-vis, mais il nous donne le pain eucharistique. Ce pain là est son corps, et tout son corps ! « Ceci est mon corps ». Jésus n’a pas dit : voici le signe de mon corps, et encore moins le symbole de mon corps !

Après Pâques, il nous faut en prévision de l’évangile de dimanche, sortir d’une logique de disciple qui suit les signes de Jésus, mais pas vraiment Jésus lui-même. Il nous faut entrer dans une sequella Christi, une suite du Christ, pour lui-même, même en l’absence du signe du pain. En ces temps de jeûne eucharistique, nous sommes invités à passer au-delà du voile des apparences du pain, pour reposer l’acte de foi qu’Il est présent à chaque messe. Quand nous disons (un peu vite certes) que nous célébrons « pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde », je crois que le Christ se donne à l’autel de la crypte, et rejoint tout le monde… et en premier ceux qui Le désirent, L’attende, et Le supplient de venir à eux.

Au-delà du signe, il y a donc la foi en la Présence Réelle. Tellement réelle, qu’elle transcende le réel visible, et nous rejoint où que nous soyons… où que nous en soyons.

Bien uni par l’Eucharistie !

 

Père Bruno +