En 1974, un marathon de danse inespéré m’attendait, avec 63 autres participants déjà inscrits à l’événement, chacun avec son partenaire, désirant tous tenir en main le trophée tant désiré.

 

Pour moi, cela s’est passé différemment : Un jour, après une soirée dansante, vers 19h, une vieille amie est venue m’informer qu’un marathon national de danse était sur le point de commencer le lendemain, quelque part dans la Ville … elle connaissait mon amour pour la musique et le chant, aussi je n’ai pas hésité un instant !

 

En effet, j’ai toujours aimé danser et chanter- d’ailleurs ces deux  choses vont bien ensemble- et dans mon école, lorsque j’étais enfant, j’étais souvent sollicitée pour participer aux événements artistiques, que ce soit la danse, le chant ou le théâtre. J’étais donc confortée dans ma décision de participer à cet évènement.

 

Sans trop réfléchir, je me suis presque précipitée pour rejoindre les autres participants, le marathon allait bientôt commencer. En arrivant sur place, je réalise que je n’avais pas de partenaire de danse, et sans le savoir un jeune garçon était dans la même situation que moi, sans partenaire, et nous ne pouvions donc pas y participer. On nous a alors demandé si on voulait bien former un couple pour clôturer les inscriptions et commencer enfin la compétition. Le numéro 64 nous fut attribué et collé dans le dos ; nous étions les derniers dans la liste des participants mais nous n’avions pas dit notre dernier mot….

 

Ce marathon avait été organisé au niveau national en Colombie par la municipalité de Boyacá où j’habitais avec une de mes tantes, je venais de fêter mes dix-sept ans.

Chez nous en Colombie la musique fait partie de notre quotidien ; elle se transmet de génération en génération dès notre plus jeune âge, créant ainsi des liens de partage dans la joie, où chacun s’abandonne pour vibrer à l’unisson en toute liberté.

Sans oublier les plus grands danseurs de mon époque qui m’avaient également fortement inspirée et encouragée à suivre leur exemple.

Le lendemain matin, dès 8h, le marathon démarrait. Tout était bien organisé et encadré : nous étions sous la surveillance de médecins anti-dopage qui nous contrôlaient toutes les six heures lors d’une pause qui ne durait que 20 minutes, sous le regard de quelques pompiers et des services de sécurité en cas de besoin. Nous en profitions pour manger quelque chose et souffler un peu, mais la musique ne s’arrêtait pas. Dès la pause terminée, il nous fallait retourner aussitôt sur la piste de danse.

 

Le marathon avait commencé dans la joie, mais au fur et à mesure que les heures passaient, les faiblesses de certains se faisaient sentir. Malheureusement beaucoup de participants furent disqualifiés pour diverses raisons : certains pour avoir bu de l’alcool, d’autres étaient déjà épuisés, d’autres pour des raisons plus délicates comme s’être dopés pendant la compétition, d’autres se sont endormis tout simplement sans pouvoir se relever pour continuer à danser.

Dieu merci, je ne faisais pas partie de ceux-là, à ce stade de la compétition.

 

« Citius, altius, fortius », qui signifie « Plus vite, plus haut, plus fort »

 

J’étais loin de me douter de ce qui m’attendait une fois sur la piste avec mon coéquipier. J’allais de surprise en surprise car il n’arrivait pas à suivre la cadence, c’est alors que j’ai compris qu’il me fallait redoubler de vigilance pour ne pas être disqualifiée moi-même, car il avait même l’intention d’abandonner la compétition en plein milieu du marathon. C’était terrible pour moi car je risquais d’être disqualifiée à cause de lui !

Mais moi je voulais atteindre le but que je m’étais fixé «Gagner !». Il  s’agissait bien d’une compétition d’endurance  donc nous devions donner tout pour y arriver et pouvoir monter sur le podium et  recevoir  la coupe du vainqueur.

Ce marathon a duré environ une semaine, sans que nous n’ayons pu dormir ou presque, de jour comme de nuit (je sais que pour beaucoup c’est difficile à croire !), mais c’est pourtant ainsi que les choses se sont passées. Pour ma part, le deuxième jour j’ai failli ne pas me réveiller pendant la pause ; c’est alors que j’ai pris la décision de ne pas céder à la tentation de dormir ; j’étais vraiment déterminée mais j’avais aussi beaucoup d’endurance car je pratiquais la danse de manière intensive depuis longtemps!

 

Je vais à présent vous raconter quelques aspects de cette incroyable compétition :

 

La  chance nous  souriait dès le commencement, car au moment de participer j’ai pu demander à Madame Carmen propriétaire d’un restaurant où nous allions souvent ma tante et moi, si elle voulait bien devenir notre sponsor dans cette compétition ; elle accepta avec grand plaisir car elle  tenait beaucoup à nous voir gagner. C’est pourquoi, elle nous nourrissait très bien d’ailleurs,  à tel point qu’elle allait tous les jours vers minuit à l’abattoir pour trouver de la nourriture fraiche et elle nous préparait des bons plats comme de l’œil du bœuf , des poules marinées ou de la viande de taureau, réputés pour rendre plus forts.  Elle venait souvent nous encourager un peu après minuit accompagnée de quelques clients de son restaurant car c’étaient les heures les plus difficiles pour nous. En effet, les curieux qui venaient pour nous voir danser en soirée repartaient souvent chez eux à cette heure-là.

 

La musique était le moteur de cette compétition : il fallait enchainer divers rythmes, là aussi je me suis senti forte car je connaissais déjà une large gamme musicale car depuis mon enfance- comme je l’ai déjà mentionné- je dansais dans les fêtes et souvent avec mes amies. J’ai aussi fait partie pendant plusieurs années d’une troupe de danse ou j’ai acquis la maitrise de rythmes divers. La musique que j’aimais particulièrement (notamment la salsa) m’aidait à tenir debout, mais je devais surtout maintenir éveillé mon partenaire. J’ai donc dû redoubler d’énergie pour la lui transmettre et éviter la chute, mais pas sans peine ; mais grâce à Dieu,  cela a fonctionné.

 

Nous étions déjà parvenus au sixième jour du marathon, lorsqu’une situation s’est produite en moi, mais je n’ai jamais vraiment su  ce qui s’était passé à ce moment-là. C’était peut-être par ce que je venais de redoubler d’efforts pour aider mon co-équipier en difficulté que je me suis retrouvée, pendant la pause réglementaire, dans une situation un peu inhabituelle :

Tout à coup,  je me suis mise à nettoyer le sol tranquillement- selon les dires de mes amis- qui me disaient  que c’était comme si je n’étais plus là, mais moi je ne sentais rien de particulier. Ils m’ont raconté avoir lancé de l’eau sur moi, cela m’avait  fait beaucoup du bien,  puis je suis retournée sur la piste en toute hâte, comme si de rien n’était, après que le médecin désigné pour le contrôle ait terminé son examen.

 

La piste commençait à se vider peu à peu, nous arrivions presque à la fin de la compétition. Nous étions encore 5 couples à danser. Mon partenaire et moi devions tout faire pour tenir bon car les quatre autres couples tenaient aussi à gagner. Je l’encourageais continuellement et finalement il réussit à tenir bon.

 

Quelques heures encore nous séparaient de la victoire, mais déjà nous voyions les autres participants flancher et perdre en force jusqu’à ce que finalement, la voix de l’organisateur responsable se fit entendre dans le haut-parleur pour annoncer que mon partenaire et moi-même venions de remporter le marathon, étant les derniers danseurs encore présents sur la piste. Nous étions les « VAINQUEURS DE LA COMPETITION. » Ma joie fut immense lorsque j’entendis mon nom résonner dans la salle ! Quel moment inoubliable !

 

On me demanda alors si je voulais continuer en vue de battre le record du précédent marathon à savoir 5 heures supplémentaires.  Je me sentais encore en forme pour continuer, malheureusement j’ai dû renoncer car à partir de ce moment-là, nous ne serions plus assurés si quelque chose venait à se produire, et je me disais également que mon coéquipier n’allait pas tenir.

 

Un peu plus tard, nous avons été appelés à monter sur le podium pour recevoir le trophée, la coupe du vainqueur ! Nous étions très heureux, c’était formidable car nous avions réussi. Nous avons été très gâtés de la part des commerçants qui étaient venus nous voir, également du public en général, public qui n’a cessé de nous féliciter.

 

Vous pouvez apprécier sur la photo ci-dessus « le trophée tenu entre nos mains » mon partenaire et moi : coupe que nous avons décidé d’offrir immédiatement à notre sponsor en guise de gratitude pour son dévouement.

Quelques semaines plus tard, je recevais une invitation pour participer au prochain marathon qui allait avoir lieu dans une autre ville de Colombie, mais je n’ai pas pu y participer, car je partais pour un long voyage.

Aujourd’hui, lorsque les souvenirs me reviennent je me dis que si je pouvais refaire la même expérience je n’hésiterais pas un seul instant. Ce fut un moment merveilleux, fort en émotions, mélangé d’un fort désir de donner tout ce que cette occasion me demandait de moi-même, en tant que marathonienne.

C’était un combat, non pas une  guerre mais un combat dans la joie, et dans la persévérance sans jamais perdre l’objectif : Gagner ! Mais il y avait plus que cela, une joie profonde m’envahissait et m’a fait comprendre que ma persévérance avait été le moteur qui avait permis la victoire, devant soixante-trois autres participants que j’ai respectés et admirés. Je me suis dit alors que la vie nous offre plein de belles surprises qu’il faut savoir saisir quand elles se présentent à nous et les recevoir en toute confiance.

 

Conclusion

 

Cette merveilleuse expérience m’a révélé mes capacités de résistance tant physiques que mentales. Dès ma décision de participer, quelque chose de profond en moi me disait avec persévérance « Tu vas y arriver ! », et ces mots ne m’ont jamais quittée tout au long de la compétition, ils m’accompagnent encore aujourd’hui tous les jours de ma vie dans l’Espérance.

 

Une Anecdote

 

Ma mère me raconte que lorsqu’elle était enceinte de moi il y a eu la fête des rois mages, entre le six et le sept janvier, date à laquelle je devais naitre. Enceinte de neuf mois déjà, ma mère dansait comme à son habitude lorsqu’elle fut prise de contractions. Il fallut alors appeler la sage-femme d’urgence qui amena ma mère dans une autre chambre de notre maison : c’est là que je suis née.  C’est ainsi que je venais d’hériter du don de danse que Dieu avait fait à ma mère.

 

 

Enseignement tiré de mon expérience vécue en lien avec les bienfaits de la compétition :

 

La compétition fait partie de notre vie, dès le moment de notre conception.

 

Rappelons-nous qu’au moment de la conception dans le ventre de notre mère, la compétition s’exerce déjà entre les spermatozoïdes pour savoir qui arrivera le premier à féconder l’ovule. Ils doivent partir en compétition pour qu’au final un seul d’entre eux remporte la course et donner lieu à une vie humaine. C’est un mystère de la nature crée par Dieu.

 

De cette formidable compétition (marathon de danse) je fus désignée gagnante parce que nous possédons tous des dons qui s’exprimeront tout au long de notre vie. A cela viennent s’ajouter les qualités professionnelles acquises par chacun d’entre au cours de notre existence grâce aux efforts fournis.

 

Dans mon cas : la persévérance, le goût pour la danse, la rencontre avec son prochain et l’amour de Christ sont les forces majeures de mon existence qui me conduisent sur mon chemin.

 

A présent que la France s’apprête à accueillir les Jeux Olympiques Paris-2024, j’aimerais pour finir, faire un parallèle avec mon histoire pour nous immerger pleinement dans les valeurs universelles que représentent le sport et la compétition.

Une autre forme de marathon « de course à pieds » se tiendra pendant les J .O, discipline qui fut instaurée officiellement en 1894 par Pierre de Coubertin mais selon la légende, l’origine du marathon remonterait à l’antiquité , en 490 av J.C  lorsqu’un messager parcouru en courant une longue distance entre la ville de Marathon en Grèce et la ville d’Athènes. Mais ce qui ressort de cette expérience de marathon, quelle qu’elle soit, c’est la dimension d’efforts, de persévérance dans la durée, d’endurance et de compétition. Ce fut mon vécu et cela continue de l’être pour des milliers de sportifs encire aujourd’hui.

 

Ecrit par VIEDMA Maria

Paris, le 18 juillet 2024