« Edmond Michelet–La hantise des autres »

Mgr Jacques Perrier. Édition Salvator 2020

 

La notoriété d’Edmond Michelet (1899–1970) est déjà bien établie–de nombreux livres lui sont consacrés–Quel est l’intérêt de ce nouvel ouvrage ? L’auteur, retiré en Limousin, a pu consulter les archives du « Centre Michelet» de Brive et les correspondances détenues par sa famille. Cette biographie est émaillée de citations de ses lettres envoyées à sa femme qui font mieux connaître sa personnalité. De plus le livre est suivi de 90 pages de documents. Les messages envoyés à son épouse depuis la captivité ou encore les notes de celle-ci consignées à certains moments.

Le cœur de l’ouvrage est le récit de son attitude héroïque durant sa déportation au camp de Dachau : « Michelet s’efforce de prendre contact avec tout nouvel arrivant… Il était passé maître dans l’art « d’organiser » au profit des uns et des autres pour que le voisin ne meure ni faim ni de froid.»(p. 124)

Alors que toute activité religieuse était interdite dans le camp il s’arrangeait pour porter la communion à ceux qui le désirait. « Plus tard quand on lui conseillera de ne pas communier quand il était en représentation officielle, il rétorquera : « J’ai risqué ma vie à Dachau pour l’Eucharistie. Je me suis ainsi acquis le droit de communier où je veux et quand je veux.» » (p. 133)

Auparavant, lors de sa captivité à la prison de Fresnes, l’abbé Franz STOCK lui portait la communion. Une relation s’était établie avec l’aumônier qui l’avait soutenu. Il le retrouvera à la libération comme supérieur du« séminaire des barbelés» où sont les séminaristes allemands prisonniers. Michelet les visitera à plusieurs reprises et il disait : « c’est ma revanche de Dachau» (p.152). D’ailleurs il sera attentif au sort des prisonniers allemands et tout au long de sa vie il sauvera de la mort bien des adversaires. À ceux qui ne comprenaient pas cette attitude clémente il a pu dire : « Aucun de ceux que j’ai vu mourir ne m’a chargé de le venger. » (p. 149)

Dès lors se pose la question : Qu’est-ce ce qui a préparé cet homme à adopter une telle attitude ? On découvrira sa famille, ses origines, ses nombreux engagements dans la société et l’Église–Membre de « l’Action catholique » il a participé à de nombreux organismes et en a fondé dès qu’il décelait un besoin- C’est un bel exemple, toujours actuel de laïc actif et responsable. « Michelet a toujours eu horreur du cléricalisme, tout en professant sans ambiguïté, son respect pour le ministère du prêtre. » (p. 78)

Il exerçait le métier le courtier en alimentation : « Je me sens rattaché à un métier, preuve que je ne serai jamais un politicien professionnel». Ce qui ne l’a pas empêché d’y mettre de la passion. Profondément attaché et fidèle au Général de Gaulle, il détestait la IVe République et ses institutions. Plusieurs fois ministre, il agit toujours dans le même esprit de service et un grand respect pour les hommes, fussent-ils ses adversaires.… Il traverse, dans les allées du pouvoir, une période agitée : la guerre d’Algérie, les événements de mai 1968…À cet égard il déclare : « trop de jeunes ont le sentiment qu’une société exclusivement marquée par le profit et par l’argent ignore ou méprise un désir d’engagement et de participation. »

« Que Michelet ait été un homme engagé, nul ne le contestera. Mais il fut tout autant un homme de prière, un fervent de l’Eucharistie.» Et Mgr Perrier de conclure son ouvrage avec ce mot d’un de ses camarades de déportation : « il réussissait à entraîner ses compagnons à ne pas exercer la seule liberté qu’il leur restait, celle haïr.» (p. 301)