Croire à la Résurrection avec saint Thomas

Pour être très honnête avec vous, l’interprétation faite au début de cette célébration n’était pas très juste. Je disais que la vidéo est l’outil de tous les Saint-Thomas qui auraient besoin de voir pour croire. Pourquoi n’est ce pas très juste ? Parce que ce n’est pas une question de croire en général qui est préoccupante aujourd’hui dans l’évangile. A l’époque à peu près tout le monde croyait. « Savoir si Dieu existe » n’est même pas la question. La question c’est de croire que le Christ est ressuscité. Thomas, pour l’heure, ne croit pas à la résurrection mais Thomas est bien croyant en Dieu. Il n’a aucun problème avec cela. C’est la résurrection qui lui pose problème. Savez vous qui est Thomas à cette heure là ? C’est un homme « confiné », qui n’arrive pas à croire qu’un autre plus « confiné » que lui, mort en l’occurrence, puisse être « déconfiné » si facilement. Thomas n’arrive pas à croire que Jésus-Christ puisse être « déconfiné » de son tombeau. Déconfiné du tombeau, à la rigueur, n’est pas difficile ; il suffisait de le sortir, comme Marie Madeleine l’a cru. Mais « déconfiné » de la mort, ça c’est une curiosité qui l’interroge, qui questionne son désir. Parce que Thomas c’est un homme de grand désir. Quelques chapitres plus tôt, on l’a vu il aimerait suivre Jésus partout. Et du coup, quand Jésus lui dit « je m’en vais (vers mon père) » (Jn 14), Thomas répond : « attends Jésus on ne sait même pas où tu vas, alors comment pourrait-on savoir le chemin pour te suivre ? ».

Très pratique Thomas ! Et en cela il nous ressemble beaucoup à notre monde pragmatique. Très pratique certes, mais aussi homme de désir. Merci Seigneur d’avoir mis ce caractère là en Saint Thomas. Merci d’avoir creusé, suscité, un grand désir en lui. Il nous faut maintenant un peu discerner.  Il ne suffit pas d’avoir simplement suscité le désir parce que le désir est quelquefois simple curiosité.  On l’a vu avec Hérode pendant le jugement de Jésus. Il était curieux de Jésus, mais il ne désirait pas Jésus. Il désirait voir des miracles pour « amuser sa galerie », mais il ne désirait pas rencontrer le Christ. Le désir de Thomas est plus grand. Il est prêt à mourir pour le Christ, il l’a dit au moment de la mort de Lazare (Jn 11). Il voulait juste suivre Jésus partout, un peu comme Pierre à un autre moment. Et il manifestait par là sa fidélité envers Jésus. La fidélité, c’est le même mot que Foi (de fides en latin). Quelque part, il a déjà la foi, Thomas.  Mais pourquoi ne croit-il pas aussitôt en ce huitième jour de la semaine ?

Il veut croire certes. Son désir est un vrai désir, et non de la curiosité spirituelle. De ce fait on peut reconnaître à Thomas le désir de te rencontrer, Toi le Ressuscité.
C’est notre première étape pour aujourd’hui, la question du désir de voir Dieu Ressuscité.

Deuxième étape : Thomas est comme Eldad et Medad dans l’Ancien Testament (Nb 11, 24-30) qui sont absents du partage de l’esprit de Moïse sur les 70 anciens choisis pour partager la mission de Moise.  Ils sont en dehors du camp, on ne sait pas trop où. Mais quand l’esprit de Moïse est redonné aux 70 anciens,  eux-mêmes,  là où ils sont, se mettent à prophétiser. Et on vient en prévenir Moïse. Thomas n’est pas là le premier dimanche de Pâques. Il n’a donc pas reçu formellement l’Esprit comme les 10 autres apôtres. Mais pourtant Thomas est donc bien rempli d’Esprit-Saint, sinon il  ne serait pas allé porter le nom du Christ jusqu’en Inde. Thomas est un homme rempli d’Esprit-Saint. Et quand on est rempli de l’Esprit-Saint on a aussi une mission.  Elle est très claire là. Jésus nous la donne aujourd’hui, la mission de pardonner les péchés, de remettre les péchés !

Je tiens donc à dire à ce moment-là de l’homélie que la confession n’est pas arrêtée. Ce sacrement est toujours possible.  Il suffit de demander à la Paroisse et les prêtres peuvent vous recevoir. Ce sacrement n’est pas à réserver pour la fin du « déconfinement ».

Reste, après le désir (1er point) et la mission reçue par le don de l’Esprit-Saint (2nd point), la question de la foi en corrélation avec la vue. C’est là où la foi de Thomas butte. Vous connaissez l’évangile avec Marie-Madeleine, vous connaissez l’évangile des deux disciples d’Emmaüs. Dans ces deux évangiles là, Jésus se soustrait à la vue des personnes dès qu’ils le reconnaissent. Il dit à Marie-Madeleine « ne me retiens pas ».  Et, aux deux disciples au moment où ils le reconnaissent, « Il disparaît à leur regard » dit le texte.

Pourquoi pour Thomas, Jésus se laisse-t-il toucher ?  Ce n’est pas juste. Comprenons bien les choses, Il se laisse toucher, non pour faire des jaloux, mais pour que nous les disciples du 21ème siècle, nous puissions aussi croire sans voir. Reprenez la deuxième lecture qui est magnifique. C’est Pierre qui s’adresse aux premiers chrétiens, des baptisés qui n’ont jamais vu Jésus, et il leur dit « vous L’aimez sans L’avoir vu et, en Lui, sans l’avoir vu, vous mettez votre foi ». Cette première génération de chrétiens a réussi à croire sans avoir vu Jésus alors que les apôtres l’avaient vu.
Donc c’est possible,  de croire sans voir.

Ce qui est important de repérer dans notre texte,  c’est que cette rencontre se passe dans un face-à-face avec le Christ, et le Christ ressuscité. Ce n’est pas parce qu’on ne voit plus aujourd’hui Jésus Ressuscité, j’allais dire  qu’on ne le voit plus « en chair et en os », que pour autant il n’y a pas de face à face avec le Christ. Ce Christ est toujours ressuscité quand il se manifeste à nous. Le face à face est possible encore, il est même nécessaire pour nous aujourd’hui, parce que de ce face-à-face vient la Paix, la Paix du Christ ressuscité. Pas n’importe quelle Paix, celle entendue à trois reprises : « La Paix soit avec vous ».

Si donc le Seigneur Jésus se laisse toucher… si Toi, Seigneur Jésus, tu te laisses toucher, c’est aussi pour nous dire quelque chose de la Résurrection. Elle est bien réelle ta Résurrection Seigneur, il n’y a pas qu’une seule partie de toi qui ressuscite, c’est tout entier que tu ressuscites. D’ailleurs dans l’Évangile de Luc, tu demandes aux disciples (Lc 24) de manger pour bien leur montrer que ton corps aussi a besoin de manger. Il est encore un vrai corps humain, il le sera toujours ! Et tu restes Dieu, pour toujours aussi.  Seigneur Jésus tu veux nous affirmer que si tu es bien mort, tu es  bien vivant aussi, complètement vivant, ‘corps et âme’.  Et celui qui est bien vivant est à la fois dans sa gloire de Ressuscité, dans sa gloire divine, tout en restant le crucifié, l’agneau de Dieu comme égorgé (cf. Apocalypse 5,6) portant et même libérant les hommes du péché, de tous les péchés du monde. Et finalement cela ne suffit pas, avec cette rémission des péchés, tu nous envoies tes sept dons du Saint Esprit.

C’est à cette double réalité de la résurrection que Thomas a cru et à laquelle nous sommes invités à croire. Prions aujourd’hui particulièrement pour ceux qui vont recevoir la confirmation. Dans ce sacrement ils vont recevoir l’Esprit-Saint pour être plus configurés au Christ ressuscité, et le Christ ressuscité c’est le Christ glorieux et aussi le Christ souffrant.

L’évangile de ce dimanche qui commençait bien, j’allais dire, puisque Jésus arrive : « La paix soit avec vous », et Il leur donne l’Esprit-Saint, en soufflant sur eux. Qui refuserait cela ?

Mais ce début d’évangile n’est pas séparable de la reconnaissance de la Passion. « Mets ta main dans mon côté », …le côté transpercé par la lance du centurion. Donc ce dimanche nous présente toute la puissance de la Résurrection. Cette puissance est contenue dans la messe avec ses deux épiclèses, ces deux appels de l’Esprit-Saint sur les offrandes et sur l’assemblée. Elles ne sont pas séparables de la messe qui est aussi le sacrifice du Christ même s’il est non sanglant dans notre rite. Certains n’aiment pas beaucoup que l’on parle de la messe comme ça, mais à force de ne pas en parler,  les jeunes méprisent la messe. Parce qu’ils ne voient plus le côté ‘dramatique’ et puissant de la messe qui est quand même le don de l’amour du Christ sur la Croix,  même s’il est aussi et bien sûr la Résurrection du Seigneur. Au temps pascal, nous fêtons les 2 inséparablement.

Alors moi qui veux proclamer avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu » je Te reconnais, c’est bien Toi le crucifié du Golgotha c’est Toi aussi le Ressuscité du jardin de Pâques.  C’est à Toi que je veux confier ma vie puisque Tu es mon Dieu.  Donne-moi ton Esprit qui m’aidera à proclamer ma foi par toute ma vie.

Voilà ma profession de foi ; Amen.

 

P Bruno Guespereau

Homélie du 19 avril 2020 – Dimanche de la Miséricorde