Gloire à Dieu au plus haut des cieux !
Frères et sœurs, puisque le Royaume appartient à ceux qui ressemblent aux enfants, quel cadeau désirons-nous recevoir ce soir ? Le père Noël n’a plus rien pour nous dans sa hotte, mais le Père des Cieux veut nous offrir le plus beau de tous les cadeaux : son Fils bien-aimé, qui a deux noms : Jésus – Dieu sauve – et Emmanuel – Dieu avec nous. Autrement dit, Dieu veut nous offrir avec son Fils le salut et sa présence continuelle. Puisqu’Il nous a déjà offert ce cadeau pour toutes il y a 2000 ans, pourquoi le désirer à nouveau chaque année ? Pour deux raisons, liées à notre condition de créatures et de pécheurs. Parce que nous sommes des créatures, nous sommes toujours en devenir et nous avons besoin de temps pour nous laisser diviniser, c’est-à-dire nous laisser transformer à l’image de l’Emmanuel (nous méditerons davantage sur cet aspect lors de la messe de demain qui nous donnera d’entendre le prologue de saint Jean). Et parce que nous sommes pécheurs, nous devrons jusqu’à notre mort nous convertir et lutter avec Jésus contre le mal sous toutes ses formes. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » (1° lect.) Les ténèbres sont le symbole du mal que la lumière du Christ est venue chasser. De quel mal Jésus nous sauve-t-il ? De tout ce qui nous empêche de vivre divinement, et en particulier de 7 fléaux (en référence aux 7 fléaux de l’Apocalypse) : l’angoisse de la solitude, l’absence de sens et le manque de repères, qu’il guérit par la foi ; la peur de l’avenir et la croyance dans le néant, qu’il guérit par l’espérance ; la haine et l’indifférence envers notre prochain, qu’il guérit par l’amour.
Pour commencer Jésus nous sauve par la foi de la solitude, de l’absence de sens et du manque de repères. Sur la route de la vie, nous avons besoin de compagnons, de lumière pour nous diriger dans la nuit, et de panneaux indicateurs pour connaître la direction à prendre et les chemins à éviter. Dans notre société, beaucoup de personnes se sentent seules et perdues. En s’incarnant, le Fils de Dieu s’est fait notre compagnon, et il demeure avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Et il nous a donné une lumière (sa parole et ses gestes) et des repères (ses commandements) pour notre vie. A des moments troublés de l’histoire, certains ont estimé que Dieu nous avait abandonnés, mais en fait, c’est nous qui le laissons seul, comme Jésus fut abandonné par beaucoup de ses disciples au moment de sa Passion. Et il ne s’impose pas, comme avec les disciples d’Emmaüs lorsqu’il fit « semblant d’aller plus loin » (Lc 24,28) pour leur laisser la liberté de l’accueillir ou non. Même un ermite comme le fut saint Charbel, dont c’est la fête aujourd’hui (il est mort la nuit de Noël), n’est jamais seul car il sait que Dieu est avec lui. Dans nos maisons, c’est l’étoile placée au sommet du sapin qui symbolise la foi, une lumière qui nous guide vers le Seigneur comme elle a guidé les mages.
Ensuite Jésus nous sauve par l’espérance de la peur de l’avenir et de la croyance dans le néant. Beaucoup ont peur du lendemain et beaucoup croient que tout s’arrête avec la mort. Commençons par la peur du lendemain. Nous vivons dans un monde désenchanté, qui a abandonné l’illusion du progrès continuel qui animait les hommes des siècles précédents, et qui a pris conscience que notre planète est de plus en plus abîmée et risque finalement d’être détruite. Mais le Seigneur nous redit, comme Il n’a cessé de le dire aux hommes tout au long de l’histoire : « N’ayez pas peur ! » (la parole qui revient le plus souvent dans la bible) ! Il nous a promis qu’il reviendrait un jour pour le jugement final et pour établir définitivement son Règne. Comme le prophète Isaïe l’a annoncé : « Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice » (1° lect.) Et d’ici là, il ne permettra pas que nous soyons éprouvés au-delà de nos forces. Mais avec les épreuves il nous donnera le moyen d’en sortir et la force de les supporter (1Co 10,13). En plus de la peur de l’avenir, le Christ nous sauve par l’espérance en la résurrection de l’idée que tout s’arrête avec la mort, un fléau qui en engendre d’autres (matérialisme, consumérisme, immoralité…) : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1Co 15,32) ! Dans nos maisons, le sapin (dont les feuilles ne tombent jamais) est le symbole de notre espérance en la vie éternelle. Les guirlandes, avec leurs couleurs chatoyantes, et les boules, qui rappellent des fruits savoureux, complètent l’image du jardin d’Eden, du paradis dans lequel nous désirons tous entrer.
Enfin, Jésus nous sauve par l’amour de la haine et de l’indifférence. Ces deux fléaux sont comme les deux faces, « chaude » et « froide », d’une même médaille (l’enfer est représenté parfois comme un océan de feu, et parfois comme un univers de glace). Notre société est fragmentée par de multiples conflits et communautarismes. D’un côté tant de guerres déchirent notre humanité. D’un autre côté, des milliards de personnes vivent dans la misère, parfois la famine, dans l’indifférence générale… L’Enfant de la crèche ne fait rien pour le moment, mais un jour, il se laissera clouer sur une croix car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15,13). Sur les icônes orientales, ses langes représentent déjà les bandelettes du linceul. Et dans nos églises, la couronne de l’Avent a symbolisé sa couronne royale, qui est aussi la couronne d’épines… Le roi Hérode craignait qu’il lui prenne son pouvoir, c’est pourquoi il a fait tuer tous les enfants de Bethléem, mais en fait, le Roi de l’univers ne veut régner que par l’amour. Notre humanité deviendra une seule famille lorsque nous accepterons de vivre dans l’amour, c’est-à-dire dans la grâce de Dieu : elle « nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété (un des noms de l’amour et un des dons de l’Esprit) » (2° lect.) La crèche avec tous ses personnages est un symbole de la fraternité à laquelle Dieu nous appelle : Marie et Joseph renvoient au peuple juif, les bergers aux pauvres et aux exclus, les mages aux riches, aux savants et aux étrangers, l’âne et le bœuf aux animaux… et tous les autres santons à notre humanité dans sa diversité, rassemblée avec les anges autour de Jésus.
Ainsi, frères et sœurs, Dieu nous a offert son Fils non près d’un sapin mais dans une mangeoire (peut-être en bois de sapin ?) pour nous sauver du mal par la foi, l’espérance et la charité. Depuis, il ne cesse de nous lancer deux appels. D’abord il nous appelle à l’accueillir : Dieu nous a créés sans nous mais Il ne veut pas nous sauver sans notre coopération. A Bethléem, il n’y avait pas de place pour lui et ses parents, qui étaient des étrangers venus de Nazareth. Il dérangeait. Nous aussi, il nous dérange parfois. L’accueillir, c’est parfois accepter de se décentrer, de s’ouvrir à l’inconnu. Deuxièmement, le Christ nous appelle à nous offrir à notre tour. Il y a 2000 ans, « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes… Jésus Christ s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. » (2° lect.) Cela signifie que le cadeau que nous recevons de lui, nous devons le partager avec tous les hommes. Nous devons leur témoigner de notre foi, de notre espérance et de notre amour. Soyons ardents à témoigner de la Bonne Nouvelle. A la suite des anges et des bergers, proclamons par nos paroles et nos actes que « dans la ville de David, nous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » et louons Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime ! »
P. Arnaud