Viens Esprit Saint
Frères et sœurs, qui est notre Patron ? L’Esprit Saint est la moins connue et la moins priée des trois Personnes de la Trinité. C’est compréhensible, car il ne s’est pas incarné et Jésus lui-même s’est plutôt adressé à son Père. Alors, comment savoir qui il est ? Comme on connaît n’importe qui : en voyant comment il agit. Aujourd’hui, nous allons méditer sur ses 7 dons, que nous grouperons en 3 ensembles : crainte et piété nous établissent dans une juste relation avec le Seigneur ; conseil et force nous ajustent à sa volonté ; science et intelligence nous permettent de mieux le connaître. Le 7ème don, celui de sagesse, nous unit à lui, parachevant ainsi tous les autres dons. Nous illustrerons chacun des dons par une parole du Christ et par un saint.
Les 2 premiers dons nous établissent dans une juste relation avec le Seigneur. La crainte est le fondement de toute la vie spirituelle, c’est pourquoi elle est très souvent évoquée dans l’Ancien Testament, en particulier dans les livres de sagesse. Craindre Dieu ne signifie pas avoir peur de Lui, mais peur de l’offenser. Quand on aime quelqu’un, on ne veut pas le blesser. La crainte de Dieu implique donc l’humilité, le respect, la pudeur, l’adoration… Elle nous permet de prendre conscience de la distance infinie qui nous sépare de Celui qui le Créateur, le Tout-Autre, le Tout-puissant… Au moment de son agonie à Gethsémani, Jésus dit à son Père : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Lc 22,42) La devise de Blanche de Castille, qu’elle transmit à son fils saint Louis, était : « la mort plutôt que le péché »…
Alors que la crainte nous place dans une juste distance vis-à-vis de Dieu, la piété nous place dans une juste proximité. Le respect et l’admiration qu’un enfant éprouve pour son papa ne l’empêchent pas de se précipiter dans ses bras pour être caressé. La piété est synonyme de confiance, de tendresse, de dévotion. Elle nous rend proche de Dieu mais aussi des autres, tout comme la crainte nous place à la juste distance de notre prochain. La piété de Jésus se manifeste notamment lorsqu’il s’écrie : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11,25) Parmi les saints, nous pouvons penser à Philippe Néri, dont la piété était si grande qu’il entrait en extase à chaque fois qu’il célébrait l’eucharistie, si bien qu’il décida de mettre un chat sur l’autel afin de le distraire suffisamment pour l’en empêcher.
Les 2 dons suivants nous ajustent à la volonté de Dieu. Le conseil, d’abord, nous permet de la connaître. Il n’est pas toujours simple de savoir ce que le Seigneur attend de nous dans telle ou telle situation concrète. Ce don nous aide à discerner non seulement entre le bon et le mauvais, mais aussi entre le bon, le mieux et le parfait : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12,2) Jésus s’est laissé conseiller par le Saint Esprit, notamment lorsqu’il est parti au désert: après son baptême, c’est lui qui l’y « pousse» (Mc 1,12) et qui le « conduit » pendant les 40 jours (Lc 4,1). C’est aussi l’Esprit qui a conduit les premiers disciples, comme saint Luc le souligne dans les Actes des Apôtres : c’est lui qui dit à Philippe de rejoindre le char de l’eunuque éthiopien (Ac 8,29), à Pierre de suivre les envoyés du centurion Corneille qui sont venus à sa rencontre (Ac 10,19), aux disciples réunis pour le culte d’envoyer Barnabé et Saul en mission (Ac 13,2)[i]…
Connaître la volonté de Dieu est une chose, l’accomplir en est une autre. Le don de force nous permet non seulement d’accomplir des actions difficiles voire héroïques, mais aussi tout simplement de réaliser notre devoir d’état. Il nous permet de persévérer dans les épreuves et de résister dans le combat spirituel. Jésus en a fait preuve particulièrement au moment de sa Passion et de sa crucifixion. C’est grâce à lui que les martyrs ont pu donner leur vie à sa suite. Souvenons-nous de Pierre qui, sommé par les autorités juives de ne plus témoigner de la Bonne nouvelle, répond : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Ac 5,29)
Les 2 dons suivants nous permettent de mieux connaître Dieu et ses créatures. La science le fait à travers la Création et l’Histoire. Elle nous permet de reconnaître la beauté de la nature[ii], car elle est l’œuvre de Dieu[iii], mais aussi la précarité, car elle est aussi abîmée par le prince de ce monde (Jn 12,31) et par nos péchés. Grâce à ce don, Jésus ne se fiait pas à tous « parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme. » (Jn 2,24‑25) Grâce à ce don également, certains saints pouvaient lire à l’intérieur des cœurs, comme le curé d’Ars avec ses pénitents.
Mais pour connaître Dieu parfaitement, le livre de la Création et les livres d’Histoire ne suffisent pas, il faut y ajouter le Livre par excellence: la Bible. A travers la Révélation, le don d’intelligence nous permet de pénétrer dans le mystère de Dieu, de comprendre de l’intérieur la foi et les Écritures, de distinguer l’erreur de la vérité. Jésus en a fait preuve dès l’âge de 12 ans, lorsque ses parents le retrouvèrent au temple, « assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » (Lc 2,46‑47) Parmi les saints, Paul et Thomas d’Aquin, chacun à leur époque, ont reçu abondamment ce don d’intelligence pour nous éclairer sur le mystère de Dieu.
En nous unissant à Dieu, le don de sagesse parachève tous les autres. Il nous permet non seulement de tous les recevoir, mais aussi de goûter la présence de Dieu en nous. C’est le don par excellence des gouvernants. Jésus le manifeste notamment lorsqu’il dit sur la Croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) Voici le jugement de Jésus : au lieu de condamner, il pardonne… Parmi les saints, Louis en fit preuve lorsqu’il jugeait son peuple sous le chêne de Vincennes, à la manière du roi Salomon qui avait rendu son célèbre jugement pour départager les 2 femmes prostituées qui se disputaient le même enfant.
Pour conclure, frères et sœurs, rendons grâce à Celui qui nous a offert ses 7 dons le jour de notre confirmation. Ne les laissons pas au placard, mais employons-les au mieux pour accomplir la grande traversée qui nous conduira jusqu’au rivage du Royaume de Dieu. Lorsqu’on navigue en mer, il ne dépend pas de nous qu’il y ait du vent ou non, mais notre responsabilité est de hisser les voiles et de tenir le gouvernail pour que le vent qui souffle nous rapproche du port. Comme les apôtres qui, après « un violent coup de vent » (1° lect.), sortirent du Cénacle pour témoigner partout de la Bonne Nouvelle, laissons le souffle de l’Esprit nous pousser vers nos frères et nous conduire tous ensemble jusqu’au Royaume de Dieu. N’ayons peur ni des réactions hostiles, ni de nos ignorances : le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra au nom du Christ, nous enseignera tout, et il nous fera souvenir de tout ce qu’il nous a dit. AMEN.
[i] Ou encore à ces deux apôtres de ne pas aller dans la province d’Asie (Ac 16,6), ce qui va finalement les conduire jusqu’en Europe, aux disciples réunis en concile à Jérusalem de ne pas imposer aux païens le rite de la circoncision (Ac 15,28), etc.
[ii] « Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres », disait saint Bernard de Clairvaux, qui savait reconnaître Dieu à l’œuvre dans la nature.
[iii] « Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité » écrit saint Paul (Rm 1,20).