Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité

Frères et sœurs, sommes-nous prêts à célébrer Pâques ? Pâques signifie « passage ». Sommes-nous prêts à passer des ténèbres à la lumière,  de la mort à la vie? A ressusciter avec le Christ ? Certes, ce n’est qu’après notre mort que nous pourrons ressusciter dans un corps glorifié. Mais c’est dès maintenant, alors que nous avons été « marqués par la mort à cause du péché » (Rm 8,10), que nous pouvons mener une vie nouvelle, comme saint Paul vient de nous le dire (épître). Ce passage de la mort à la vie n’est pas évident. Seuls, nous ne pouvons l’effectuer, car « elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent » (Mt 7,14). C’est pourquoi nous avons besoin du Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6) et qui a vaincu la mort. Mais sa victoire, définitive et totale, a été préfigurée par un grand nombre de petites victoires qui furent remportées par ceux et celles qui préparèrent sa venue : les patriarches, les prophètes et les sages de la Première Alliance. Ce soir, nous avons réécouté les paroles de plusieurs d’entre eux. Ils sont pour nous des guides qui peuvent nous aider à vaincre dans nos propres combats et à effectuer nos propres passages de la mort à la vie, unis au Ressuscité. Revenons sur les grandes étapes de cette magnifique Histoire Sainte dont ils furent les acteurs avant nous, et voyons comment chacune d’elles a été un passage important vers plus de Lumière et plus de Vie.

 

La première étape, c’est la Création (1° lect.). Dieu a créé selon deux modes. Le premier est le passage de « rien » (ex nihilo), à « quelque chose » : « Dieu dit… et cela fut ». Le second est le passage du désordre à l’ordre : alors que « au commencement, la terre était informe et vide… Dieu sépara la lumière des ténèbres » puis « il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament et les eaux qui sont au-dessus ». Dieu a créé l’être humain à son image, homme et femme, pour vivre en communion avec Lui et entre nous et  pour garder et faire fructifier les autres créatures. « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » mais nous Lui avons désobéi et au lieu de protéger et d’embellir la création, nous l’avons abimée. Alors, sommes-nous prêts à effectuer ce premier passage auquel le Seigneur nous invite et à vivre davantage en communion les uns avec les autres et avec les autres créatures, que saint François d’Assise appelait ses frères et ses sœurs ?

La deuxième étape fut franchie grâce à Abraham, le « père des croyants » (Rm 4,16). Il fut le premier à croire au Dieu unique, au point qu’il quitta sa terre pour répondre à l’appel de Celui qu’il ne connaissait pas encore (Gn 12,1). Mais ce premier passage en avant fut suivi de plusieurs retours en arrière, notamment lorsque Abram mit son épouse Sara dans les bras de Pharaon, par peur, puis lorsqu’il manqua de patience et de confiance en Dieu qui lui avait promis un fils et qu’il décida de prendre la servante Agar pour lui en donner un. Mais ces reculs furent largement compensés par le magnifique saut en avant qu’il effectua lorsqu’il accepta de sacrifier Isaac (2° lect.), le fils tant attendu que Dieu lui avait donné et le  « dépositaire des promesses » (He 11,17). Il le fit parce qu’« il pensait que Dieu est capable même de ressusciter les morts » (He 11,19) Le deuxième passage que le Seigneur nous invite à effectuer avec Lui et Abraham, c’est celui de la foi. La nôtre est-elle assez forte pour que nous lui offrions ce que nous avons de plus cher ?

La troisième étape de l’histoire du salut fut franchie grâce à Moïse. Avant de faire passer son peuple à travers la mer Rouge (3° lect.) puis à travers le désert, et de lui transmettre la Loi reçue de Dieu sur le Sinaï, lui-même avait effectué plusieurs passages intérieurs. Il avait d’abord accepté de prendre fait et cause pour son peuple opprimé, alors qu’il aurait pu demeurer dans le confort et la gloire des princes d’Egypte. Puis il accepta, certes non sans hésitations et réticences, de quitter le bien-être de sa famille et de sa vie de pasteur du désert, et d’aller affronter Pharaon pour délivrer son peuple de l’esclavage. Et nous, sommes-nous prêts à répondre aux appels du Seigneur, lorsqu’Il veut nous envoyer vers nos frères et sœurs qui souffrent ?

La 4ème étape de l’histoire sainte fut franchie grâce aux prophètes. Leur rôle fut double : d’une part de conforter dans l’espérance le peuple découragé par les épreuves ; d’autre part de le corriger et le redresser lorsqu’il se détournait de la Loi que Dieu lui avait donnée au Sinaï. Réécoutons quelques paroles que nous avons entendues ce soir, comme autant de perles précieuses à conserver précieusement sur un collier proche de notre cœur. Vous doutez de l’amour de Dieu pour vous, il vous semble que vos péchés vous ont éloignés de Lui ? Le Seigneur vous dit par Isaïe: « Même si les montagnes s’écartaient, si les collines s’ébranlaient, ma fidélité ne s’écarterait pas de toi, mon alliance de paix ne serait pas ébranlée, – dit le Seigneur, qui te montre sa tendresse. » (4° lect.) Vous ne comprenez pas ce qui vous arrive, ou pourquoi le Seigneur vous appelle à telle ou telle mission ? Il vous répond, toujours par Isaïe: « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées » (5° lect.). Vous êtes parent ou catéchiste et vous avez l’impression que l’enseignement de la foi que vous vouliez transmettre à vos enfants n’a servi à rien ? Dieu vous déclare : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ;ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission » (5° lect.) . Vous êtes en quête de sagesse, et vous avez lu tous les philosophes pour la trouver ? Baruch vous annonce que « la Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes. Elle est le livre des préceptes de Dieu, la Loi qui demeure éternellement » et il ajoute : « Heureux sommes-nous, Israël ! » Heureux sommes-nous, les chrétiens ! « Car ce qui plaît à Dieu, nous le connaissons ». (6° lect.) Vous désespérez de l’humanité, qui s’entredéchire en Ukraine et ailleurs et agit de façon parfois  tellement perverse ? Ou peut-être vous désespérez de vous-même ? Le Seigneur vous annonce par Ezéchiel : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, « je vous donnerai un cœur de chair » (7° lect.). Toutes ces paroles pourraient nous sembler des illusions ou des mensonges si n’avions pas expérimenté chez nos frères et sœurs les saints, et en nous-mêmes parfois, à quel point elles sont vraies.

La 5ème et ultime étape de l’histoire du salut, c’est le Christ qui nous invite à la franchir en ressuscitant avec lui. Mais tout comme Adam et Eve ont désobéi au Seigneur, tout comme Abraham eut du mal à lui faire entièrement confiance, tout comme Moïse rechigna plusieurs fois à accomplir sa mission, tout comme Israël rejeta souvent les prophètes, les premiers disciples eurent du mal à croire en sa résurrection. Les femmes parties au tombeau furent « saisies de crainte ». Quant aux Apôtres, leurs propos « leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas ». Même leur chef, à qui Jésus avait confié les clés de son royaume, après avoir vu les linges, « s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé », c’est-à-dire sans croire encore ! Et nous, combien de fois avons-nous fermé nos cœurs par peur, par dureté, ou par incompréhension ?

 

Ainsi, frères et sœurs, le Seigneur nous appelle à ressusciter avec lui et à passer de l’homme ancien à l’homme nouveau qui est en nous. des sacrements de l’initiation que nous avons reçus, et  qu’Ahmed-Alexandre va recevoir dans quelques minutes. Le passage que tu vas effectuer est immense, puisque tu vas devenir fils de Dieu, mais tu devras continuer de marcher tous les jours de ta vie. Tous les Hébreux ont traversé la  mer rouge, mais beaucoup n’ont pas su traverser le désert et entrer en Terre Promise, à cause de leurs péchés. « Chrétien, deviens ce que tu es » disait saint Augustin, nous enjoignant ainsi à poursuivre toujours notre passage des ténèbres à la lumière et de la mort à la vie. Ce passage prend du temps, alors soyons patients avec nous-mêmes et les uns avec les autres. Il a fallu du temps pour entendre les 9 lectures de cette nuit. Il a fallu du temps pour que le Seigneur nous crée, Il ne l’a fait que le 6ème jour et ce n’est qu’à l’issue de ce jour qu’Il put dire de tout ce qu’il avait fait que « cela était très bon » (1° lect.) Après la libération d’Egypte, il a fallu du temps, 40 ans, pour que le peuple soit prêt à entrer en terre promise. Il a fallu du temps pour que les patriarches, les prophètes et les sages préparent les cœurs à accueillir le Sauveur. Il a fallu du temps pour que les disciples croient en la résurrection, et comprennent les paroles de leur Maître. Il a fallu du temps, un peu plus que d’habitude, pour écrire et entendre cette homélie .Désormais, après que le Seigneur nous a donné 40 jours pour nous convertir par la prière, le partage et les privations, Il nous en donne 50 pour nous laisser envahir de plus en plus profondément de la joie de sa résurrection. Et c’est pourquoi nous avons besoin de l’entendre et de le réentendre : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, alléluia, alléluia. Joyeuse fête de Pâques à tous !

P. Arnaud