Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?

Sommes-nous prêts à propager le feu, frères et sœurs ? C’est ce que nous avons fait en entrant dans cette église, comme un signe de notre mission de baptisés, disciples missionnaires. Le feu que nous avons allumé devant l’église est l’un des symboles de notre patron, l’Esprit Saint. Il y a 2000 ans, par sa mort et sa résurrection, le Fils de Dieu a allumé un feu puissant que rien ne pourra éteindre. C’était le but ultime de son incarnation parmi nous, comme il l’avait annoncé : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12,49) En soufflant son Esprit sur les disciples au soir de la résurrection, et à nouveau le jour de la Pentecôte, il a attisé ce feu. Frère feu, comme l’appelait saint François, a 3 effets : il détruit, comme nous l’avons vu impuissants il y a quelques jours à Notre Dame, mais aussi il éclaire et il réchauffe. C’est exactement ce que l’Esprit Saint fait en nous pour nous donner de vivre nous-mêmes comme des ressuscités. Les spirituels parlent ainsi des trois voies par lesquelles le Seigneur nous transforme : purgative, illuminative, et unitive. C’est ainsi que le Christ nous ressuscite dès ici-bas, en nous rendant semblables à lui. Comme l’écrit saint Paul : « Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts » (épître). Voyons maintenant comment le Ressuscité nous rend semblables à lui par le feu de son Esprit.

 

Premièrement, le feu détruit. Dans la vallée de la Géhenne, à Jérusalem, il brûlait sans cesse pour éliminer tous les détritus de la ville. En nous-mêmes, il peut détruire les vices. Le Seigneur ne cesse de vouloir nous purifier par son Esprit. C’était l’un des buts principaux du Carême qui vient de s’achever. Mais il le fait d’une façon qui, si elle peut être douloureuse comme le fait de cautériser une plaie, est en même temps pleine de douceur. Le buisson ardent que Moïse a vu sur le mont Horeb brûlait sans se consumer. De même, le Seigneur nous purifie sans nous détruire. C’est l’inverse de Satan, qu’on appelle aussi l’accusateur. Dans le film Seven, référence aux 7 péchés capitaux, un homme pervers tue ses victimes pour les punir, au lieu de les guérir. Le feu de l’Esprit, au contraire, agit à la façon d’une eau pure. Par le prophète Ezechiel, le Seigneur révèle ainsi à son peuple qui a profané son Nom au milieu des nations : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. » (7° lect.) Cette proximité entre frère feu et sœur eau, elle aussi symbole de l’Esprit Saint, apparaît dans l’Ancien testament, où le Seigneur renouvelle d’abord la terre par l’eau du déluge, puis détruit Sodome et Gomorrhe par le feu. Rassurez-vous, chers catéchumènes, c’est dans l’eau que vous serez baptisés ce soir, et non dans le feu J. Tant que nous serons sur cette terre, notre purification ne sera jamais achevée. Sans cesse, nous devrons nous convertir car nos penchants mauvais sont tenaces, comme les mauvaises herbes d’un jardin. Mais l’important est que nous ne nous découragions pas, car nous pouvons progresser. Et après que le feu a détruit, nous pouvons reconstruire, comme nous le ferons à Notre Dame.

 

Deuxièmement, le feu illumine. Avant que nous entrions dans l’église, l’obscurité était totale. Puis elle s’est illuminée progressivement, d’abord grâce à nos cierges, puis grâce à l’électricité. De même, l’Esprit Saint nous illumine progressivement. Durant l’exode, une colonne de nuée se tint « entre le camp des Égyptiens et le camp d’Israël. Cette nuée était à la fois ténèbres et lumière dans la nuit » (3° lect.), symbole de l’Esprit Saint qui nous éclaire tout en demeurant mystérieusement caché. Le Christ a dit : « je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. » (Jn 8,12) Comme la guérison de l’aveugle-né nous l’a rappelé lors du 4ème dimanche de Carême, nous sommes tous frappés de cécité. L’évangile nous le révèle d’une façon saisissante. Alors que les femmes rapportent aux Onze les paroles des deux hommes « en habit éblouissant » qui ont annoncé la résurrection de Jésus, comme lui-même l’avait fait trois fois solennellement, « ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. » Et Luc souligne que Pierre, le chef des apôtres, après avoir couru au tombeau et avoir vu les linges seuls, « s’en retourna chez lui tout étonné de ce qui était arrivé », ce qui signifie sans y croire encore. Ce n’est que progressivement que l’Esprit Saint va ouvrir les yeux des disciples, comme Jésus l’avait annoncé : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière.» (Jn 16,13)

 

Troisièmement, le feu réchauffe. Il est souvent utilisé comme un symbole de l’enfer, mais celui-ci devrait pourrait plutôt être comparé à un univers de glace, comme Dante l’a décrit dans sa divine comédie, et comme Walt Disney l’a repris dans la Reine des neiges. On parle à juste titre de « relations glaciales » ou de « briser la glace » entre deux personnes, ou encore de la « guerre froide » qui a opposé les États-Unis et l‘Union soviétique. L’évangile qui sera lu demain soir sera celui des pèlerins d’Emmaüs qui, après avoir écouté le Ressuscité, «se dirent l’un à l’autre : “Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ?” » (Lc 24,32) Depuis la Pentecôte 1544, la flamme intérieure de la dévotion brûlait si intensément en saint Philippe Néri que son cœur était brûlant lui aussi, et que ses côtes s’écartèrent l’une de l’autre, comme l’autopsie l’établit.

 

Ainsi, frères et sœurs, le Ressuscité souhaite nous transformer par le feu de son Esprit. Il veut nous purifier, nous éclairer, nous unir à lui. Cette transformation nécessite du temps, comme une bûche ne s’embrase pas entièrement d’un coup. Elle commence par fumer pour laisser l’humidité s’évaporer, puis elle s’embrase. La lecture des textes de cette nuit a pris du temps, et elle en aurait pris davantage encore si nous avions pris les 7 passages de l’Ancien Testament proposés avant l’épître et l’évangile. Le Seigneur a pris du temps pour nous créer, Il ne l’a fait que le 6ème jour et ce n’est qu’à l’issue de ce jour qu’Il put dire de tout ce qu’il avait fait : « cela était très bon » (1° lect.) Après la chute d’Adam et Eve, Il a pris aussi du temps pour nous relever, en nous faisant participer à notre relèvement par le moyen de la Foi, qu’Abraham fut le premier à embrasser, d’une façon tellement forte qu’il était prêt à sacrifier son fils bien-aimé (2° lect.) Après la libération d’Egypte, il a fallu encore du temps, 40 ans, pour que le peuple soit prêt à entrer en terre promise. Il a fallu près de 100 ans pour bâtir Notre Dame, sans compter tous les travaux de rénovation et d’embellissement. Il en faudra sans doute moins pour la reconstruire, grâce aux techniques modernes, mais nous devrons être patients malgré tout… Désormais, après que le Seigneur nous a donné 40 jours pour nous convertir par la prière, le partage et les privations, Il nous en donne 50 pour nous laisser envahir de plus en plus profondément de la joie de sa résurrection. Paraphrasant une parole de Jésus à sainte Catherine de Sienne, saint Jean Paul II avait dit aux jeunes à plusieurs reprises : « Soyez ce que Dieu veut que vous soyez, et vous mettrez le feu au monde. » Chers frères et sœurs, chers nouveaux baptisés, soyons ce que nous devons être, et nous mettrons le feu dans nos cœurs, dans notre quartier, et dans le monde entier. AMEN.

P. Arnaud