Chers frères et sœurs,

Vous n’avez pas pu le rater : les textes nous invitent à la joie ! Dans les deux premières lectures et le psaume, cette invitation est flagrante : Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Eclate en ovations, Israël ; Jubilez, criez de joie, habitants de Sion ; Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur… Mais qu’en est-il de l’Evangile ? Dans ce passage autour de la figure de Jean Baptiste, où est la joie ? Il me semble la conclusion de l’Evangile nous en donne un indice : par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. Il nous revient alors de comprendre en quoi ce que Jean-Baptiste proclame aujourd’hui est effectivement une Bonne Nouvelle. Je vous en propose trois aspects.

Tout d’abord, dans la première partie de l’Evangile. Les foules interrogent Jean Baptiste : Que devons-nous faire ? Cette question correspond à une angoisse profonde. Juste avant ce passage, Jean Baptiste a encouragé tout le monde à la conversion. Il les a alertés en particulier sur la nécessité de porter du fruit qui puisse témoigner de cette conversion. D’où cette question des foules : que faire ? Quel fruit porter qui serait « suffisant » ? La question peut être angoissante. Les publicains par exemple, c’est-à-dire des collecteurs d’impôts, méprisés parce que vus comme des collaborateurs de l’occupant romain…  Jean va-t-il leur demander de tout quitter, de se reconvertir intégralement, professionnellement  -en admettant que la communauté soit prête à les recevoir?  Il y a de quoi avoir peur… Et si Jean disait qu’il fallait renoncer à tout cela? Et si les efforts à faire étaient trop grands ? Mais ce n’est pas sa réponse. A chacun, il répond que la conversion envers Dieu est possible sur son lieu de vie, sur son lieu de travail ; qu’elle consiste d’abord et avant tout à mettre en œuvre la justice dans ses rapports avec autrui. C’est aussi une manière de souligner que la réponse à ce « que devons-nous faire ? » est toujours une réponse singulière…. Nous sommes uniques, et notre chemin de conversion est aussi unique. C’est là la première Bonne Nouvelle annoncée par Jean Baptiste : c’est au sein même de notre état de vie, de notre vie quotidienne, que nous sommes appelés à porter du fruit. Nous n’avons pas à nous déraciner, mais à porter du fruit sur place.

Mais il y a une deuxième Bonne Nouvelle, qui surpasse et éclaire la première : il vient, celui qui est plus fort que Jean Baptiste. Le peuple est en attente, depuis très longtemps, de l’arrivée du Sauveur. Une attente tellement forte que l’impatience se fait sentir, de sorte que l’on veut voir dans le moindre prophète, dans la moindre personne charismatique, le Messie. Alors, évidemment, devant la vie, les actes, les prédications, de Jean Baptiste, les foules espèrent. Et si c’était lui ? La deuxième Bonne Nouvelle arrive alors : l’attente va prendre fin. Et surtout, celui qui vient sera encore plus grand, encore plus fort que Jean Baptiste, que tout ce que le peuple a pu connaître.

C’est comme si nous n’avions jamais connu le soleil, mais que nous en avions entendu parler. En voyant Jean Baptiste, nous avons un premier rayon de soleil qui nous parvient… Mais ce n’est pas encore le Soleil. Lui, il arrive bientôt, et il est bien supérieur à ce tout premier rayon. De sorte qu’avec le Christ, le Sauveur, avec ce soleil, nous sommes capables de porter encore plus de fruit qu’avant sa venue. Parce que nous profitons maintenant de la lumière et de la chaleur du Soleil, parce qu’il se fait connaître pleinement à nous, et nous permet alors d’aller beaucoup plus loin. C’est pourquoi Jésus nous exhorte à aller plus loin que la simple justice sociale : il nous pousse à la charité : il nous dira non pas de donner notre manteau supplémentaire, mais de laisser notre manteau à celui qui veut nous prendre la tunique !  Ce qui n’est possible que parce que Jésus celui qui vient –et qui est déjà venu ! – est bien plus grand que Jean-Baptiste… Et il vient jusqu’à nous, pour nous baptiser dans l’Esprit Saint: donc nous donner la force de Dieu directement ! Deuxième bonne Nouvelle donc : il vient, et nous donne les moyens d’aller encore plus loin que la justice sociale…

Il nous reste une troisième Bonne Nouvelle, annoncée par Jean. Plus difficile à décrypter. Celui qui vient tient à la main la pelle à vanner, il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. C’est encore une Bonne Nouvelle. Cela veut dire que le Messie saura trier le grain et la paille, il saura donc préserver ce qui doit l’être. Il ne va pas tout brûler d’un coup, ou « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Le Messie, Jésus, le Christ, sera en mesure de discerner ce qui est bon de ce qui ne l’est pas, de repérer le grain (c’est-à-dire le fruit de la conversion) et le séparer de la paille. Autrement dit : le Messie sauve, sauvegarde, protège, ceux dont la conversion porte du fruit ; conversion qui, nous l’avons vu, est loin d’être irréalisable. Encore une fois, elle a lieu dans notre vie quotidienne. Et on peut lire cela au sein même de nos vies. En chacun de nous, le Messie saura identifier tout le bien que nous avons posé (le grain), et brûler au feu le reste. Autrement dit, il saura purifier notre vie, pour qu’elle puisse être parfaitement ajustée, adaptée à Dieu. Le mal ne l’emporte pas, le bien est sauvegardé.

Troisième Bonne Nouvelle, donc : le Messie qui vient saura distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais. Il vient purifier ce qui, dans nos vies, ne porte pas de fruit, et sauver ce qui en porte. Le Christ vient enlever les branches mortes et stériles de nos vies, pour nous permettre de porter encore davantage de fruit…

Si je récapitule, Jean Baptiste annonce ainsi une Bonne Nouvelle déclinable sous trois aspects :

  • La conversion à laquelle nous sommes appelés a lieu d’abord et avant tout dans notre état de vie. Pas besoin de nous déraciner.
  • Le Messie arrive, il est bien plus grand que ce que nous connaissons, il vient transformer nos vies en nous baptisant dans l’Esprit. Le Soleil va bientôt se lever, nous donnant sa lumière et sa chaleur pour porter encore plus de fruit..
  • Il vient pour nous sauver. Il ne vient pas tout détruire, mais sauver ce qui est bon, et purifier ce qui est appelé à l’être. Il vient ôter nos branches stériles pour nous permettre de croître encore mieux.

C’est donc bien là une Bonne Nouvelle. D’où cet appel à la joie, appel peut-être plus discret dans l’Evangile mais pourtant pleinement réel. Nous sommes appelés à la joie ; à une joie profonde ; divine. Le baptême, par lequel nous recevons l’Esprit, nous donne pleinement les moyens de répondre à cet appel? Alors, à cette question « que devons-nous faire », la réponse la plus juste serait peut-être tout simplement de vivre de notre baptême ? Amen.