« C’est ta face, Seigneur, que je cherche », nous a fait dire le psaume. Chers Frères et Sœurs, prenons-nous vraiment la peine de chercher la face du Seigneur dans notre vie de foi ? Prenons la mesure de l’audace de cette quête spirituelle pour les croyants de l’Ancien Testament ? D’après le livre de l’Exode « un être humain ne peut pas […] voir [Dieu] et rester en vie » (Ex 33,20). Évidemment, le rapport à Dieu de ce peuple antique n’est plus le même que notre rapport à Dieu, aujourd’hui. Dieu a poursuivi la Révélation qu’il faisait de lui-même à son peuple, et cette Révélation de lui-même a culminé en Jésus-Christ, visage de la 2e personne de la Sainte Trinité, le mystère du visage et la face du Père restant sauf.

Mais « chercher la face de Dieu », est-ce vraiment ce que l’on croit au premier abord ? Peut-être pas… Approfondissons avec les textes que nous donne la liturgie aujourd’hui.

  • La quête spirituelle d’Abraham était centrée sur sa confiance en Dieu, autrement dit : sa foi. « « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… […] Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. » Et comment est-ce que cela se matérialise-t-il ? Par un rituel qui nous parait bien étrange à nous, européens du 21e siècle, mais qui (selon l’archéologie récente) était très commun chez les peuples nomades du Proche-Orient ancien. Une manière qu’ils avaient de conclure une alliance entre deux tribus était d’offrir un animal en sacrifice, le couper en deux, écarter les 2 morceaux, et d’aller les traverser en marchant entre les deux. Dans le texte de Genèse, on nous dit que « Abram prit [des] animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre […]. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram ». Avec cette alliance sur une promesse de descendance, Abraham a pu faire rayonner la face de Dieu autour de lui. Il a pu montrer comment Dieu se révèle être : un Dieu fidèle qui s’engage avec son peuple en faisant alliance avec lui.

  • Saint-Paul, contrairement à Abraham, arrive après l’expérience Jésus-Christ. En écrivant aux Philippiens, il parle de l’ultime gloire que nous recevrons dans les Cieux, face à Dieu, fruit de la glorieuse Résurrection de Jésus : « Jésus Christ […] transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». Nous pourrions voir, en cette affirmation, l’ultime étape de notre quête de chercher la face de Dieu. Nous pouvons espérer qu’une fois que nous serons ressuscités, la face de Dieu resplendisse par nous, parce que nos pauvres corps auront été transformés à l’image du corps glorieux de Jésus…

  • Dans l’évangile, enfin, Jésus montre à Pierre, Jean et Jacques un petit quelque chose de la face de Dieu le Père, en sa personne de Christ déjà rayonnant de la gloire de Dieu. Cette gloire est intimement liée à « son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem », comme le dit le texte, donc liée à la Croix, et à sa Résurrection. C’est le sacrifice de la Nouvelle Alliance, parce que Dieu est fidèle et il s’engage avec son peuple en faisant alliance avec lui.
    Cette expérience a dû être extrêmement marquante pour les 3 disciples ! Si bien qu’ils « gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu ». En ces jours-là, ils n’en parlèrent pas… Mais en d’autres jours, ils ont dû en parler, sinon nous n’aurions même pas eu connaissance de l’évènement… Les parallèles dans les autres évangiles disent qu’ils ont gardé le secret jusqu’au jour de la Résurrection. Depuis ce jour, les disciples parlent de la face de Dieu qu’ils ont aperçu par la Transfiguration de Jésus. Depuis ce jour, les disciples répandent la face de Dieu comme un semeur répand ses graines largement. Depuis ce jour, les disciples rayonnent de la face de Dieu autour d’eux et la transmettent de disciples en disciples.

Frères et Sœurs, cherchons la face de Dieu à travers ce que nos Frères et Sœurs chrétiens nous montrent de celle-ci. Laissons nous couvrir de sa nuée comme les disciples dans l’évangile, et pénétrons en elle pour nous retrouver transformés aussi, à l’image de la gloire du Christ, pour faire rayonner la face de Dieu dans le monde.

Pour ces enfants de Dieu qui ne le cherchent pas, que notre présence à leur côté leur manifeste la face de Dieu afin qu’ils trouvent le désir de la chercher à leur tour.
Pour ceux qui pensent l’avoir trouvé dans des idoles, que notre joie de vivre avec la face de Dieu les interroge pour les mener à découvrir le vrai Dieu vivant qui sauve.
Pour ceux qui cherchent la face de Dieu, tout comme nous, soyons les uns pour les autres des modèles de chercheurs de Dieu, pour grandir en sainteté.

Souvenons-nous, pour orienter notre recherche, cette phrase de Jésus : « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9) ; et cette phrase du Père entendue dans l’évangile d’aujourd’hui : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »