« Après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. » L’ambiance est à l’apocalypse ce dimanche. Et dimanche prochain sera la fête du Christ-Roi pour le dernier dimanche de l’année liturgique, avant de commencer l’Avent. Aujourd’hui est donc le dernier dimanche du rythme habituel de la lecture suivie de l’évangile selon Saint-Marc, avec une péricope du chapitre 13 tiré du discours apocalyptique de Jésus.
Apocalypse : Du grec ἀποκάλυψις (« action d’enlever le voile pour découvrir ce qui est caché », littéralement « dévoilement », donc par extension « révélation »). Ce sens étymologique est étonnant puisque nous savons que le genre littéraire apocalyptique dans les textes anciens est hyper symbolique (symbolique, non pas au sens où ça n’a pas de valeur, mais où l’on emploie beaucoup d’images et de métaphores pour parler des réalités d’en haut). Le dévoilement dont il est question, est bien celui de la foi, celui de la fin des temps, celui du retour du Christ. Cela ne se passera sans doute pas exactement de la manière dont cela est écrit (puisque le genre apocalyptique est métaphorique), mais le fond, l’idée, qui est déployée est celle du retour du Christ ! C’est cela qui va se produire.
Alors comment interpréter tout cela aujourd’hui ? Se risquer à interpréter les évènements du monde, les catastrophes naturelles et humaines, comme étant les signes avant-coureurs du retour de Jésus physiquement dans ce monde, est sans doute une erreur dans laquelle il ne faudrait pas tomber. C’est malheureusement le fond de commerce de beaucoup de sectes et de mouvements religieux extrémistes qui recrutent des adeptes à tour de bras pour servir certains desseins pas très sain(t)s…
C’est vrai que le discours apocalyptique a quelque chose de rassurant et de motivant (il est fait pour ça !), parce qu’il est adressé à des fidèles qui seront sauvés parce qu’ils sont fidèles et les infidèles ne le seront pas.
Mais que pouvons-nous en retenir pour aujourd’hui, nous chrétiens du 21e siècle ? Je nous propose de « [nous laisser] […] instruire par la comparaison du figuier » : « Dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. » L‘été revient régulièrement comme toutes les saisons, sous forme d’un cycle. La temporalité du monde a démenti plusieurs fois les croyances d’une fin du monde imminente. Nous le savons, un jour, la fin du monde arrivera, mais visiblement ce n’est pas pour tout de suite. La science le compte en plusieurs milliards d’années, et les écrits religieux n’en savent rien : « ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. » Plutôt que d’essayer de prophétiser à l’échelle mondiale des choses que même le Fils de Dieu ne sait pas, écoutons cette parole qui a quelque chose à nous dire, à nous, aujourd’hui, dans notre monde, personnellement, notre monde intérieur. Qui ne s’est jamais senti en pleine obscurité dans sa vie personnelle ? (« le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ») Qui n’a jamais eu l’impression d’être dans « une grande détresse » ? (pour reprendre les mots de l’évangile)
Dans ces moments où tout est sombre, où tout est triste, où nous avons l’impression que notre monde intérieur, que notre vie intérieure, est dévasté, elle est là la détresse à laquelle ce discours de révélation apocalyptique de Jésus vient nous faire relever la tête. Il vient nous dire que les jours où nous sommes vraiment embourbés dans des tas de complications et des galères de la vie, « sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ». Nous n’avons plus qu’à ouvrir tout grand les portes de nos cœurs pour le faire entrer ! Et ça c’est beau, c’est bon, c’est bien !
Ça, c’est une bonne nouvelle, un évangile, la Bonne Nouvelle de Jésus qui est venu donner sa vie pour les pauvres, pour les malades, pour les petits : pour nous. Le dévoilement du retour du Christ est aussi pour chacun d’entre nous, pour chacune de nos vies spirituelles, chacune de nos relations avec le Christ. Et le plus beau dans tout ça c’est que cela se reproduira, comme l’été revient chaque année pour le figuier ! Pour chaque difficulté, pour chaque galère, le Christ reviendra pour nous épauler pour nous guider. Et puis, au fond, pourquoi dire qu’il reviendra, puisqu’il est toujours avec nous ? Nous avons l’impression qu’il revient parce que lorsque tout va bien, nous avons du mal à le voir… C’est peut être la grâce que nous pouvons demander à l’occasion de cette Eucharistie : Que Dieu nous donne cette capacité de savoir voir le Christ là, présent, à nos côtés, dans tout notre quotidien et que nous ne nous sentions pas abandonnés, mais toujours accompagnés de cette divine et douce présence qui nous aime. Lorsque nous présenterons les offrandes dans quelques instants à l’autel, déposons cette demande de grâce au pied du Seigneur. Ouvrons grands nos cœurs à tous ses dons et vivons cette Eucharistie dans l’action de grâce amoureuse pour notre Dieu.