La semaine dernière, nous commémorions le Baptême du Christ, tout en terminant le temps de Noël. À présent, nous sommes bien entrés dans le temps ordinaire, et en cette année C, nous commençons, dimanche après dimanche, la lecture suivie de l’évangile selon saint Luc. Sauf que si vous avez bien suivi, aujourd’hui, nous avons entendu un passage de l’évangile selon saint Jean, et non pas saint Luc… Rassurez-vous, c’est la seule exception de l’année, une petite bidouille liturgique pour nous permettre d’entendre le récit des noces de Cana au cours de la liturgie. Dans l’Évangile selon saint Jean, ce récit prend place juste après le baptême de Jésus et l’appel des premiers disciples, et juste avant le début de son ministère public. Dans le découpage des textes liturgiques de l’évangile selon saint Luc de l’année C, nous avons entendu la semaine dernière le baptême de Jésus, et la semaine prochaine nous entendrons l’entrée dans son ministère public. Donc, chronologiquement, l’insertion des noces de Cana aujourd’hui n’est pas gênante.

L’évangile d’aujourd’hui nous raconte qu’« en ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage ». Rien d’extraordinaire pour l’instant, on dirait simplement une scène de la vie quotidienne : Jésus et sa mère sont invités à un mariage. Mais nous l’avons entendu, la scène ne va pas rester à cette ordinaire simplicité puisque Jésus va y faire son premier miracle. Nous contemplons ici à Cana la gloire de Dieu qui se manifeste par Jésus et grâce à Marie. Ce couple d’inconnus qui célèbrent leurs noces, ont invité Jésus et sa mère à l’occasion d’un évènement de leur vie, et celui-ci a été transformé. Nous pouvons en prendre exemple pour notre vie de cette attitude spirituelle : inviter Dieu et le laisser vivre avec nous les évènements de notre vie, de la même manière que ce couple a laissé Jésus et sa mère vivre les célébrations de leur mariage avec eux. C’est déjà important de faire entrer Dieu dans sa vie en marquant les fêtes de grands moments comme le baptême, le mariage, etc., mais plus fondamentalement, c’est dans le quotidien, le temps ordinaire de nos vies, qu’il nous faut laisser entrer Dieu.

On peut aller encore plus loin, parce que le texte nous dit que « Jésus […] avait été invité […] avec ses disciples. » On peut y voir cette image de l’Église que nous devons faire entrer dans nos vies tout autant qu’il est important d’entrer dans l’Église par le baptême. Quand on invite Jésus à entrer dans nos vies : Ne pas oublier aussi les disciples de Jésus ! Quelqu’un qui serait chrétien, et qui dans sa vie n’aurait aucune relation avec d’autres chrétiens – avec d’autres disciples du Christ -, il lui manquerait sans doute quelque chose d’important. D’où le drame des chrétiens isolés, que ce soit dans les pays en guerre ou à très faible présence chrétienne, ou que ce soit dans nos sociétés où nous oublions trop facilement les gens qui ne sortent plus de chez eux… Bref, n’oublions pas que le Christ a un corps et que son corps, c’est chacun d’entre nous, en communion.

Le couple, dans le récit évangélique, sans doute comme chacun d’entre nous, a des problèmes. « Ils n’ont pas de vin » s’exclame la mère de Jésus. Il se peut même que le couple de jeunes mariés ne soit même pas au courant de ce problème ! Et Marie, fait office de veilleuse. Elle veille sur la vie de ceux qui l’invitent chez eux. Elle veille, elle regarde, elle comprend, elle qui est dans une prière constante, en relation avec son fils, elle lui confie tout ce qu’elle voit. Quelle grâce ! Quelle chance d’avoir Marie dans sa vie !… Nous pouvons également dégager de cela une attitude spirituelle : Nos problèmes personnels ne sont pas une honte pour Dieu, au contraire, c’est dans la faiblesse de notre humanité qu’il aime manifester sa gloire. Alors n’ayons pas peur, comme Marie, de présenter nos problèmes au Seigneur dans notre prière. Peut-être devrions-nous gagner en sobriété également : la prière de Marie n’est qu’une exposition du problème toute simple. Elle ne dit pas à Dieu ce qu’il doit faire, mais elle l’en informe et elle le laisse décider dans sa grande sagesse ce qu’il convient faire, croyant fermement qu’il fera ce qui est bon en vue du Salut de chacun.

L’œuvre de Dieu arrive au cœur du monde d’abord par le « oui » de Marie et ensuite (et par excellence) par l’humanité de Jésus. Les jeunes mariés du récit ne se doutaient de rien en les invitant ! Nous sommes sans doute à des années-lumières de savoir ce que Dieu peut faire dans nos vies.

Chers Frères et Sœurs, en ce début de temps ordinaire dans notre liturgie, je nous invite à laisser Dieu entrer dans notre quotidien, dans l’ordinaire de nos vies de tous les jours. Pourquoi ne pas avoir une pensée pour Dieu simplement lorsque nous préparons à manger, lorsque nous laçons nos chaussures, lorsque nous allons au travail, lorsque nous jetons un papier à la poubelle, etc. Je ne peux bien sûr pas lister tous les petits moments de la vie quotidienne, mais vous pouvez chacun facilement continuer la liste en fonction de vos propres vies. Laisser pénétrer l’extraordinaire de Dieu dans l’ordinaire de nos vies, c’est bien cela l’exercice que je nous propose pendant ce temps ordinaire. Garder le contact avec lui, que ce soit dans les moments de joie (comme ce couple qui a invité Jésus et sa mère lors de leurs noces), ou bien dans les moments plus difficiles (en expliquant nos problèmes à Dieu dans la prière)…

Finalement, à l’exemple de ce couple qui invite Dieu à son mariage, ne devrions-nous pas comprendre notre relation à Dieu un peu comme un autre mariage ? La prophétie d’Isaïe que nous avons entendu dans la 1re lecture nous dit ceci : « Le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra « L’Épousée ». […] Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »

S’il nous faut laisser entrer Dieu dans l’intimité de nos vies, tous les jours au quotidien, lui confier les hauts et les bas que nous vivons, et en tout avoir une confiance absolue en sa fidélité, finalement : N’est-ce pas, d’une certaine manière, Dieu qui nous demande en mariage ?