Lc 18, 35-43

Jésus est, à ce moment de l’Evangile selon Luc, proche de la Passion. Dans les synoptiques, Jéricho, ville du bord de la mer Morte, est la dernière étape de la vie publique du Christ avant Jérusalem. Juste avant d’y rentrer, Jésus annonce pour la troisième et dernière fois sa Passion aux disciples, et guérit un aveugle, Bartimée. L’exclusion de l’aveugle (assis au bord de la route en dehors de la ville) est souvent relevée. Pourquoi demande-t-il la pitié ? Parce qu’il est aveugle ou exclu de la vie sociale et citadine, considéré comme impur ? La foule est ici aussi une donnée importante : elle entoure Jésus, si bien qu’on ne peut accéder à lui qu’en passant par elle : elle est comme l’Eglise. Elle informe l’aveugle en lui annonçant Jésus. Mais cette foule est diverse, composite : ceux qui “marchent en tête” prennent la décision autonome de faire taire l’aveugle par prudence : “fils de David”, titre messianique et royal à connotation politique et militaire, ne peut attirer la sympathie de l’occupant romain. Cependant, la tête de cette “Eglise ambulante” semble ici inefficace : Jésus entend malgré elle l’aveugle et l’appelle, mais toujours par ses disciples et non directement. Ainsi, bien que ses disciples soient dans l’erreur, Jésus agit toujours à travers eux – voilà qui devrait nous rassurer pour toutes nos initiatives pastorales… En y regardant de plus près, l’action des disciples était même si mauvaise qu’elle entraînait l’inverse de ce qui était voulu : l’aveugle crie plus fort. Ainsi Jésus est proclamé Messie (très) publiquement avant son entrée triomphale à Jérusalem. Le Christ demande à l’aveugle ce qu’il veut. Ce qui semble évident veut en fait nous montrer que le Seigneur n’agit jamais sans que la volonté de l’homme soit profondément et “officiellement” engagée, formulée par des mots choisis. Le changement opéré dans l’aveugle (image d’une vraie conversion) est un aboutissement du cheminement opéré par Jésus, comme le sera immédiatement après celui de Zachée, pas moins impressionnante. Ce qui a guéri l’aveugle, c’est sa persévérance et même son entêtement devant les disciples, qui paye autant que celui de la veuve insistante, dont on a parlé récemment en Luc 18.

Demandons une volonté ferme d’être guéris afin de pouvoir vraiment suivre le Christ de toute notre force, particulièrement nous les pasteurs : car si un aveugle guide un autre aveugle, ils tomberont tous deux dans un trou !

P. SFV

Illustration: Duccio di Buoninsegna