Homélie 17 novembre – Apocalypse et espérance
Quand on vous parle d’apocalypse, qu’imaginez-vous ? Des scènes catastrophes, de détresse, de fin du monde ? C’est peut-être la première image qui nous vient à l’esprit. Mais en fait, l’apocalypse, c’est d’abord et avant tout la « levée du voile », la révélation pleine et entière de mystères connus imparfaitement. L’apocalypse, c’est ce moment où le voile est enfin levé. Ce n’est donc pas la catastrophe, mais la révélation. Ces récits nous poussent à l’espérance, que nous pouvons comprendre comme une connaissance de ce qui est « au-delà » du voile qui vient soutenir notre vie présente. Alors, avec vous, je voudrai souligner trois aspects de l’espérance, à partir des textes du jour.
Tout d’abord, l’espérance ne consiste pas à se voiler la face quant à la réalité et aux difficultés que nous rencontrons. La première lecture nous dit bien: ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent. L’auteur du livre de Daniel sait parfaitement de quoi il parle avec ce terme de détresse : le peuple hébreu est alors exilé à Babylone, en captivité, loin de la terre promise, incapable d’assurer son culte… Mais alors même que les temps peuvent être durs, et que l’on peut être tenté de baisser les bras, des motifs d’espérance sont pourtant présents. Chez Daniel, un premier motif s’appelle Michel, cet ange qui se tient auprès des fils du peuple de Dieu. Oui, même dans cette situation abominable, Dieu reste présent, d’une manière ou d’une autre, aux côtés de son peuple.
Cette présence de Dieu dans nos détresses peut être difficile à percevoir tant nos souffrances peuvent nous brouiller la vue. Dieu est pourtant là, dans nos peines comme dans nos joies. Un premier aspect de cette espérance est donc bien d’avoir confiance dans le fait que Dieu ne nous abandonne jamais. Mais pour rester conscients de cette présence de Dieu à nos côtés dans ces difficultés, il faut peut-être déjà s’exercer à repérer cette présence quand tout va bien. Le voir et le savoir avec nous dans nos joies – pour continuer à la voir et le savoir avec nous dans nos peines. La Bible utilise l’image biblique de l’ancre pour qualifier cette espérance. Toutes deux, l’ancre comme l’espérance, aident à ne pas se laisser submerger par les flots, par les tempêtes. Mais si je n’ai pris l’habitude de jeter l’ancre quand la mer est calme, en serai-je capable quand elle est déchaînée ? 1er point, donc : Dieu reste présent dans la tourmente, peut-être de manière voilée, mais il est bien là.
Ce n’est là qu’un premier niveau de l’espérance. L’espérance est bien plus profonde : elle assure un lien profond entre notre présent et notre avenir ultime. En 2007, Benoit XVI dans son encyclique « Sauvés dans l’espérance » écrivait : « le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s’il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les efforts du chemin ». Quel est ce terme?
Le prophète Daniel nous en donne la clé : les gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront… Cette espérance, c’est celle de la résurrection, c’est l’espérance de participer pleinement à la vie éternelle. Celle-ci n’est pas une vie semblable à la nôtre mais sans fin ; non, c’est une vie plus parfaite, plus pleine, en présence directe de Dieu… dans laquelle le temps n’a alors plus de sens puisque nous sommes dans une béatitude, un bonheur total.
Notre espérance en la vie éternelle est rendue possible par Christ s’offrant lui-même sur la croix. La Lettre aux Hébreux, que nous suivons depuis quelques dimanches, présente un long développement complexe pour expliquer cela. Pour le résumer grossièrement, elle fait un parallèle entre l’Ancienne Alliance (avant Jésus), et la Nouvelle Alliance, inaugurée par Jésus. D’un côté, il y a les prêtres de l’Ancienne Alliance, qui offrent des sacrifices d’animaux quotidiennement pour leurs péchés et ceux du peuple. Ces sacrifices ne parviennent pas à enlever vraiment les péchés. De l’autre, il y a Jésus, qui s’offre lui-même –et non un animal–, une fois pour toutes –et non quotidiennement- pour les péchés du peuple – non pour ses péchés à lui, puisqu’il n’en a pas. Ce sacrifice du Christ enlève pleinement nos péchés, il est parfaitement efficace. Par ce don du Christ sur la croix, nous sommes pleinement pardonnés de nos péchés, ajustés parfaitement à Dieu… C’est cela, l’espérance : la conviction que la vie éternelle nous est ouverte, grâce au Christ. Bien sûr, si le pardon nous est accordé par le Christ, il faut que nous acceptions de recevoir ce pardon… Dieu sauve l’homme mais pas sans lui. D’où l’importance de notre vie ici-bas : elle nous dispose à accueillir –ou non- ce pardon.
Revenons à l’image de l’ancre : cette ancre, qui nous permet de tenir bon à la surface, traverse toute la hauteur des eaux, pour s’accrocher au fond marin, à la terre retrouvée… De même, l’espérance traverse la mort, et vient s’accrocher à cette vie retrouvée et perfectionnée, la « vie éternelle ». C’est en ce sens que cette espérance nous permet de tenir bon dans notre vie, en ayant cet « ancrage » dans cet à-venir. Elle traverse le voile de la mort.
Premier aspect donc : discerner Dieu avec nous dans nos épreuves. Deuxième aspect de l’espérance : elle concerne l’entrée dans la vie éternelle, par le salut accompli en Jésus.
Troisième aspect maintenant. En évoquant sa venue, Jésus dit : « Après une grande détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa clarté, les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées. On verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire ». Remarquons que l’obscurcissement du soleil et la chute des astres sont postérieurs à la détresse, et ne sont pas cette détresse. Ils sont les marqueurs de la fin des temps. Ils accomplissent exactement l’inverse de l’acte de création, dans le livre de la Genèse, où Dieu sépare la lumière et les ténèbres, et crée les astres. Jésus nous parle donc bien de la fin des temps. Que se passe-t-il alors ? Les anges viennent « rassembler les élus des quatre coins du monde ». C’est là une dimension fondamentale de l’espérance : elle n’est pas individuelle, mais pleinement communautaire. Nous espérons être sauvés ensemble, être rassemblés en un seul peuple, dans cette commune union au Christ. L’espérance ne peut donc rester une espérance « pour moi », elle est nécessairement plus large : j’espère non seulement que j’entrerais dans cette vie éternelle, mais que nous y entrerons tous. Et je me dois peut-être de l’espérer pour ceux qui n’y parviennent pas. Je ne suis pas seul sur le bateau, et j’espère bien que cette ancre que je jette permette à tout l’équipage d’être sauvé de la tempête…
Nous avons donc 3 aspects de l’espérance : Dieu est avec moi, quand tout va bien comme dans la tempête ; c’est une espérance en la vie éternelle, par le Christ Jésus ; c’est une espérance communautaire.
Ces 3 aspects seront parfaitement réalisés à la fin des temps… et viennent soutenir notre vie présente, quelles que soient les tempêtes que nous traversons. Que cette eucharistie renforce notre espérance, pour que nous puissions en rayonner auprès de tous ceux qui en manquent. Amen.