Homélie 01/12/2024 – Entrée dans l’Avent

Frères et sœurs,

Vous avez entendu ? Il arrive, il vient, il est sur la route ! Tous les textes nous le disent ce matin… Le Seigneur vient ! Autrement dit, ça y est, nous sommes dans l’Avent. Un temps qui nous est donné pour nous préparer à la venue du Seigneur. Une venue, certes, que nous fêterons à Noël, en contemplant le mystère de l’Incarnation : Dieu qui vient à l’homme en se faisant lui-même homme. Mais aussi une venue plus eschatologique, celle dont nous parle l’Evangile du jour, celle dont nous avons déjà entendu parler les dernières semaines : une venue à la fin des temps, dont nous ne connaissons ni le jour ni l’heure… Pour nous y préparer, je vous propose de dégager une mise en garde et deux pistes des textes du jour.

Tout d’abord une mise en garde issue de l’Evangile. Tenez-vous sur vos gardes, Restez éveillés. Cette mise en garde vient du Seigneur pour nous éviter de sombrer dans une lassitude, dans une accoutumance, voire une sorte d’ennui. Ne nous habituons jamais au Seigneur et à la nouveauté de ce qu’il nous propose. C’est là un risque, en particulier aujourd’hui, alors, que nous commençons une nouvelle année liturgique. Nous allons à nouveau célébrer tous les événements de la vie du Christ, toutes les solennités habituelles qui ponctuent notre vie liturgique. Noël, Epiphanie, Pâques, la Pentecôte… Pour autant, ne nous imaginons pas que nous sommes revenus au point de départ, que nous recommençons tout exactement comme l’an dernier. Nous ne les vivrons pas de la même manière que l’année dernière. Ni que la précédente. Ni que l’année prochaine. Penser cela, ce serait s’imaginer le temps liturgique comme un cercle fermé, où l’on reviendrait sans cesse aux mêmes étapes, sans progresser. Nous devons plutôt la voir comme une spirale : on ne revient pas au même point, on a avancé. En repassant par les mêmes fêtes, nous ne devons pas les revivre « comme » la fois précédente, mais « mieux » que la fois précédente, en ayant opéré un petit pas, un décalage. C’est là tout l’enjeu de notre progression, qu’elle soit spirituelle ou morale, dont nous parle saint Paul aujourd’hui. Il écrit aux Thessaloniciens: vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons. Il nous redit bien que nous sommes toujours en chemin, en progrès. Alors, ne nous arrêtons pas ! Restons donc éveillés, ne nous assoupissons pas, ne faisons pas comme si tout recommençait exactement de la même manière !

Ça, c’était la mise en garde. Restons éveillés. Pour cela, ce temps privilégié de l’Avent nous réinterroge sur notre manière de vivre, de prier, d’être, pour non seulement nous préparer à Noël mais progresser de manière durable. Et c’est l’avantage de ce temps long : plus d’une vingtaine de jours, pour ancrer profondément cette progression dans notre vie. Dégageons alors deux pistes possibles pour avancer.

La première, à partir de la consigne du Christ : priez en tout temps. Peut-être que cette nouvelle année liturgique est l’occasion de prendre des bonnes résolutions, mais de manière décalée par rapport à celles du monde. Optons pour une bonne résolution spirituelle : celle de mettre Dieu un peu plus dans nos vies. Cela n’est pas forcément compliqué, et peut d’ailleurs être mis en place de manière très pratique ; il suffit de pas grand-chose. Par exemple, puisque nous avons la chance cette année de commencer l’Avent un premier décembre, les calendriers de l’avent du commerce coïncident exactement avec la période liturgique. Alors, pourquoi pas, chaque jour, avant d’ouvrir la case correspondante, prendre un temps petit temps de prière, confier quelqu’un en particulier à Dieu ou se confier soi-même à Dieu ? Pourquoi pas, chaque jour, consacrer un petit instant de notre journée pour dire une courte prière, très simple, et nous remettre ainsi pleinement à Dieu ? Par exemple, en ce jour anniversaire de la mort de Saint Charles de Foucauld, nous pouvons faire nôtre sa prière d’abandon : « Père, Je remets mon âme entre Tes mains, Je Te la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur». Donnons un peu plus de notre temps à Dieu pendant cet Avent, lui qui vient se donner à nous à Noël. Priez en tout temps, nous exhorte le Christ. C’est une manière de toujours mettre Dieu au cœur de cette spirale dont je vous parlais, pour toujours progresser vers lui.

Mais les textes du jour comportent aussi une seconde invitation. Puisqu’il vient, le Christ, il s’agit de lui offrir un juste cadre pour l’accueillir. De lui préparer une place non seulement dans notre cœur mais aussi dans notre monde. En ayant répondu à la première invitation, celle de la prière, nous pouvons alors accueillir ses dons pour, comme le dit Saint Paul, vivre d’un « amour de plus en plus intense et débordant entre nous et à l’égard de tous les hommes ». Cet amour est donc à deux échelles : un certain amour de proximité, envers ceux qui font partie de ma communauté. Ma famille, mes amis, ma paroisse… – et la kermesse paroissiale est un lieu particulier où se matérialise cette proximité. Mais aussi un amour à l’égard de tous les hommes : il s’agit bien de ne pas m’enfermer dans un cercle de relations, mais de toujours rester ouvert à celui qui n’en fait pas tout à fait partie. Il y a là une invitation, là encore, à raisonner en spirale et non en cercle fermé. Comment, durant cet Avent, je permets à mon cercle de proximité de ne pas être fermé sur lui-même, mais d’intégrer, toujours plus largement, des personnes qui en étaient absentes ? Comment je fais pour rester ouvert sur le reste du monde ? Ce n’est que si je parviens à rester dans cette dynamique d’une ouverture permanente aux autres que je me rendrai capable d’accueillir celui qui est le Tout Autre. Le Christ arrive. Trouvera-t-il ma porte ouverte, ou devra-t-il se frayer un chemin dans un cœur fermé, inhospitalier ?

Si je récapitule, pour passer du cercle fermé à la spirale, il s’agit

  • de ne pas s’assoupir, s’habituer à Dieu, dans une certaine monotonie (premier point) ;
  • mais de le mettre toujours un peu plus au cœur de nos vies, pour toujours plus nous approcher de lui (Dieu au centre de la spirale – deuxième point),
  • en restant ouvert aux autres, et ainsi au Tout-Autre qui vient (une spirale qui intègre – troisième point).

Le Seigneur vient ! Il vient à Noël, il viendra à la fin des temps. Mais il vient aussi d’une manière encore plus immédiate, dans l’eucharistie que nous célébrons ensemble. Qu’il nous accorde de l’accueillir ainsi de manière toujours renouvelée, sans jamais nous habituer à ce mystère de sa venue.

Amen.