Un jour, lors de mes années étudiantes, avant même de désirer devenir prêtre, j’ai découvert la fête du Christ Roi dans le calendrier liturgique. Je me suis dit que c’était tout de même incroyable que la personne de Jésus, cette personne en qui nous croyons en tant que chrétien, cette personne qui nous est présentée comme un frère, un ami, un guide, etc. bref quelqu’un qui fait partie de nos proches, il est incroyable que cette personne soit roi ; et pas n’importe quel roi : le roi de l’univers. Lorsque j’ai pris conscience de cela durant mes jeunes années de croyant, j’ai éprouvé une sensation de joie indescriptible, à en perdre la notion de l’espace et du temps, pendant l’espace d’un instant. La personne avec qui je désire passer ma vie est le roi de l’univers. Ce n’est quand même pas rien comme affirmation.

L’évangile qui nous est proposé par la liturgie cette année, à l’occasion de la solennité de notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers, contient quelques subtilités qui peuvent nous aider à entrer dans la compréhension de ce qu’est cette royauté, la royauté du Christ. Tout d’abord, en relisant le texte avec un peu d’attention, nous pouvons constater que le Christ ne dit jamais « je suis roi » ! En revanche, il parle de sa « royauté ». Même lorsque Pilate lui demande « Alors, tu es roi ? », Jésus répond « C‘est toi-même qui dis que je suis roi. », sous-entendu : « ce n’est pas moi qui le dit ». Cette petite nuance peut paraître quelque peu tirée par les cheveux, mais elle nous aide à voir que Jésus ne revendique pas un statut (celui d’être roi), mais une mission (la royauté). C’est un peu ce qu’il décrit avec la « royauté […] de ce monde » où « des gardes […] se seraient battus pour » celui qui a le statut de roi… Mais non, « [sa] royauté n’est pas de ce monde ». Mais quelle est-elle alors ? En quoi consiste cette royauté, si elle est une mission et non un statut ? Là encore, Jésus nous éclaire avec les dernières phrases qu’il prononce dans le dialogue qui nous est donné à travers ce texte d’évangile. « Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » Et voilà : « rendre témoignage à la vérité »… en effet cela n’est pas un statut mais bien une mission. « Rendre témoignage à la vérité ». La vérité est un thème théologique majeur dans l’évangile selon Saint-Jean.

Bon, c‘est bien joli tout cela, mais en quoi cela nous concerne-t-il ? En quoi cela nous concerne, nous, dans notre vie personnelle, dans notre vie spirituelle ? La royauté du Christ n’est pas simplement un thème théologique, ou une idée dans le vague… non. Je nous rappelle, au cas où nous n’aurions plus beaucoup de souvenirs de notre baptême, que lorsque l’on est entré dans la grande famille des chrétiens, nous avons reçu l’onction du Saint-Chrême en signe de notre participation aux fonctions du Christ prêtre, prophète et roi. Depuis ce jour, le Christ nous offre de participer à sa royauté, et donc il nous invite également à nous joindre à sa mission qui est de « rendre témoignage à la vérité ». Mais qu’est-ce que la vérité ? C’est exactement la question que Pilate pose à Jésus dans le verset qui suit la fin du texte de l‘évangile d’aujourd’hui. À cette question, Jésus ne répond pas et Pilate s’en va. Mais en réalité ce n’est pas que « Jésus n’a pas répondu », c’est qu’il est lui-même la réponse parce qu’il est la vérité. C’est la lecture de l’évangile selon Saint-Jean qui nous révèle cela (vous irez voir en Jn 14,6). Et oui la vérité ne se possède pas, parce qu’elle est une personne : le Christ. La vérité ne nous appartient pas ; en revanche, puisque nous sommes chrétiens, nous appartenons au Christ, nous appartenons à la vérité. Et comme le dit Jésus dans la toute dernière phrase de l’évangile : « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »

Chers frères et sœurs, quelle belle manière de terminer l’année liturgique en faisant honneur à notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers par la proclamation et l’écoute de sa Voix, de sa Parole. Quelle merveilleuse manière de prendre conscience qu’il est au-dessus d’absolument tout dans ce monde. Quelle extraordinaire manière de rendre grâce pour ce don qui nous est fait. Dieu le Père s’est donné à nous en nous donnant son Fils qui est le Christ, la vérité, venu pour nous sauver alors que nous n’avons rien fait pour le mériter. En ce dernier dimanche de l’année liturgique prenons le temps de rendre grâce, et particulièrement au cours de cette Eucharistie que nous célébrons ensemble, pour tout ce que nous avons reçu de Dieu dans nos vies. Demandons également au Seigneur la grâce de faire honneur à sa royauté que nous partageons, en sachant « rendre témoignage » au Christ tous les jours, dans nos vies quotidiennes. Apprenons à nous transformer intérieurement en d’humbles rois et d’humbles reines infusés des dons et des fruits de l’Esprit-Saint : joie, paix, sagesse, bonté, modestie, piété, etc. C’est à cela qu’on nous reconnaîtra comme de vrais chrétiens et que notre « [témoignage] à la vérité » sera crédible. Que l’Esprit-Saint nous donne de faire grandir tout cela en nous, ainsi la royauté du Christ resplendira pleinement dans l’univers.