« Les scribes et les pharisiens amènent [à Jésus] une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère [et] ils la mettent au milieu » d’eux pour lui parler d’elle.
Comment aurions-nous réagi, qu’aurions-nous ressenti, si nous étions à la place de cette femme au milieu de ces scribes et de ces pharisiens qui l’accusent ? Certes, nous sommes pécheurs, et notre péché se retrouverait en place publique… Cela ne nous arrive pas tous les jours, et j’espère que ça n’arrive que très rarement, parce que l’expérience n’est vraiment pas simple à vivre. Comme pour cette femme, le péché nous entraîne dans des situations que nous ne maîtrisons pas, alors prenons garde… Mais sans forcément être envahis par des accusations publiques, nous pouvons être envahis par la culpabilité, le remords, des sensations désagréables ; parce que le péché est toujours inconfortable. Nous savons bien qu’une ligne a été déplacée, une règle transgressée, un code moral mis à mal, une conscience abîmée… Quelle galère ce péché, parce qu’une fois dans ses griffes, même s’il est petit au départ, il ne nous lâche pas et peut venir nous recouvrir autant que l’eau recouvre le fond des mers… Quelle galère…
À l’approche de la fête de Pâques, nous revivons avec Jésus cette lutte contre la noirceur du péché qui a envahi l’humanité. Dans ce passage d’évangile, la femme adultère à péché, mais les scribes et les pharisiens ont pêché aussi ! Et, face au péché, Jésus est autant miséricordieux qu’exigeant. Le péché est tellement gênant dans la vie de chacun avec des conséquences pour notre prochain, que Jésus nous apprend à lutter, Jésus nous apprend à nous battre avec lui contre ce péché !
Aux scribes et aux pharisiens, Jésus rappelle que pour juger de la moralité de quelqu’un d’autre, il faut déjà être irréprochable… Il les renvoie à leur conscience afin d’apprendre à ne pas chercher le péché d’abord chez l’autre, mais chez soi, en soi-même, dans son propre cœur ! Telle est l’exigence que Jésus donne à chacun. Un seul peut juger, parce qu’il n’a pas péché : c’est Jésus lui-même ! Et nous, alors, que pouvons-nous faire face à notre prochain qui est tout autant englué dans le péché que nous ? Je propose la compassion et l’entraide. C’est bien parce que nous-même sommes pécheurs, que nous pouvons compatir avec notre prochain, et donc l’aider… Comme le dit une hymne du bréviaire : « Nul n’est tendresse à moins d’être blessé. Nul ne pardonne s’il n’a vu sa faiblesse. »1 Par la compassion, ce n’est pas le péché qui grandit, mais l’amour, la miséricorde, la gratitude…
À la femme adultère, alors que ses actes sont objectivement condamnables par la loi, Jésus fait miséricorde. Il ferme les yeux sur son péché et lui offre une nouvelle chance. Il prend un risque en faisant cela, parce qu’il n’a aucune garantie que cette femme ne recommencera pas. Cela dit, il ne ferme les yeux ni par faiblesse ni sans contrepartie : parce qu’il la renvoie, elle aussi, à sa conscience. « Va, et désormais ne pèche plus. » Quelle exigence une fois de plus … Mais quelle compassion et quelle miséricorde : « Moi non plus, je ne te condamne pas. »
L’exigence que Jésus pose tant à la femme adultère qu’aux scribes et aux pharisiens, au fond, c’est l’exigence de l’exemplarité. La sainteté et une grâce que Dieu donne, mais à nous, il revient de la faire fructifier et de la partager dans le monde. Il n’y a que Dieu qui donne la grâce de la sainteté, nous, nous ne pouvons que la faire rayonner en montrant l’exemple. Nous tous, nous sommes des saints en devenir : nous recevons cette grâce par notre baptême, et par notre désir de toujours plus ressembler à Jésus ! Ne perdons pas cela de vue, Chers Frères et Sœurs, parce que c’est cela qui nous sort de l’embourbement du péché… La grâce de la sainteté que Dieu nous donne.
Vous vous souvenez de ce péché qui nous recouvre comme la mer ? Et bien la première lecture que nous avons entendu nous rappelle également ceci, « le Seigneur, […] [fait] un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes » qui nous envahissent.
« Le Seigneur dit » dans cette même lecture du livre du prophète Isaïe : « Ne faites plus mémoire des événements passés, … » [ils sont pardonnés] « … ne songez plus aux choses d’autrefois, … » [allons de l’avant]. « … Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà … » [la sainteté que j’ai mise en vous], « … ne la voyez-vous pas ? »
Frères et Sœurs, nous voici dans la dernière ligne droite avant la fête de Pâques. La noirceur des ténèbres va s’abattre sur notre Sauveur et sur l’humanité, mais lui, il va ressusciter et éclairer le monde de sa lumière. Ne perdons pas espoir, continuons le combat de notre Carême pour que la lumière du Christ rayonne et resplendisse dans le monde. Comme le dit une autre hymne du bréviaire, si nous sentons notre vie recouverte par le péché, rappelons-nous que « l’éclat du Seigneur remplira l’univers mieux que l’eau ne couvre les mers ! »2
Profitons de cette Eucharistie qui nous a été donnée de vivre ensemble pour demander la grâce toute particulière de la sainteté. Demandons cette grâce pour que nous sachions, par notre exemplarité, aider Dieu à agir dans nos vies et dans la vie de notre prochain avec compassion, miséricorde et exigence par amour.
Profitons de ces quelques instants de silence qui nous sont donnés maintenant pour demander tout cela au Seigneur, dans le secret de nos cœurs.
1Hymne « Nul n’est disciple ».
2Hymne « Dieu est à l’œuvre en cet âge ».