« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et nous ouvrait les Écritures ? »
Frères et sœurs, si certains profitent positivement de ce temps de confinement, soit pour ranger leurs affaires ou soit pour prendre du temps avec leurs familles, ou pour se mettre au service de leur prochain, d’autres par contre, vivent douloureusement cette épreuve. Mais en vérité, pour tous, et particulièrement pour vous chrétiens réguliers, le confinement commence à être un poids d’autant plus lourd à porter qu’il vous prise de l’essentiel, je veux dire, les sacrements, tels le sacrement de la réconciliation et le sacrement de l’Eucharistie, qui sont des ressources spirituelles indispensables pour une authentique vie chrétienne. Cela vous rend tristes, et nous aussi avec vous. Aussi, comme vous, sommes-nous impatients de voir enfin le bout du tunnel.
Mais, fort heureusement, si le confinement nous prive de beaucoup de choses essentielles, voire indispensables pour notre vie de foi, ce dont il ne peut nous priver, c’est le fondement de notre foi : la Parole de Dieu. La Parole de Dieu n’est jamais confinée. C’est pour nous l’occasion de la redécouvrir d’un regard nouveau, et de l’approfondir en l’écoutant, en la méditant et en la partageant en famille. Elle est ce sans quoi tout le reste serait vide et sans consistance. C’est elle qui donne sens et assise à notre vie de foi. Elle est comme une lampe dans la nuit qui nous éclaire et guide nos pas. La foi naît avant tout de l’écoute de la Parole de Dieu. C’est elle qui nous prépare aux sacrements et nourrit notre vie de prière. L’écouter et la mettre en pratique, c’est, comme dit le Christ dans l’évangile de St Mathieu, construire sa maison, c’est-à-dire notre vie, sur le roc ; de sorte qu’aucune force, pas même cette crise sanitaire que nous vivons, ne puisse la démolir (Cf. Mt 7,24-27). Notre situation de confinements, telle une retraite spirituelle, est pour nous l’occasion de refonder notre vie et notre foi sur ce Rocher indémontable de la Parole de Dieu.
L’évangile de ce 3ème dimanche de Pâques, nous invite à redécouvrir, en dehors de l’Eucharistie l’importance de la Parole de Dieu dans notre de vie de tous les jours.
En effet, en ce dimanche, nous sommes reconduits au soir du jour de Pâques où Jésus rejoint deux de ses disciples qui, descendant de Jérusalem, rentraient chez eux, à Emmaüs. L’un d’eux s’appelait Cléophas ; le nom de l’autre nous est inconnu, mais chacun de nous peut être ce second. Ils sont déçus dans leur attente du Messie. Car ils avaient espéré en Jésus et les événements semblaient leur avoir donner tort. Ils sont complètement bouleversés et tristes. Celui en qui ils avaient tout miser, cet « homme bon », ce « Prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple », a été livré, puis condamné à mort et crucifié. Pour ces deux hommes, l’espérance est morte et enterrée avec Jésus dans le tombeau. Ils parlent d’elle au passé : « Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ! » C’est l’avenir qui se ferme ainsi pour eux, et par conséquent, plonge le présent dans l’absurde. Le passé et toutes ses promesses restent lettre morte. Tout s’écroule. La vie n’a plus de sens. Le témoignage des femmes qui ont trouvé le tombeau vide et reçu l’annonce de la Résurrection du Sauveur par l’ange, n’a pas suffi pour les faire entrer dans la joie de Pâques. Ils sont tristes comme beaucoup d’entre nous dans les moments les plus sombres de notre vie.
Mais Jésus Ressuscité vient les rejoindre au cœur de leur tristesse et de leur désarroi. Cependant, ils ne le reconnaissent pas, d’abord parce que leurs yeux sont remplis de tristesse, mais aussi et surtout parce que, par sa résurrection le Christ, tout en étant le « même » est aussi devenu le « Tout Autre », reconnaissable désormais par les yeux de la foi. Comme un étranger, il semble ignorer les événements survenus à Jérusalem, car lui, n’est pas mordu par le virus du désespoir. Par contre, il s’intéresse à leur discussion. Il se met tout d’abord à leur écoute, à l’écoute de leur tristesse et de leurs angoisses. Puis, patiemment, reprenant tout depuis le début, il les enseigne longuement. Dans les Écritures, il puise les ressources nécessaires pour leur montrer que tout ce qui s’est passé à Jérusalem n’est que l’accomplissement des mêmes Écritures. Soudainement, pour ces deux compagnons d’infortune, le passé et ses promesses prennent progressivement sens dans le présent qui s’ouvre vers un avenir désormais possible. L’écoute de la Parole de Dieu expliquée par le Christ ressuscité ranime leur cœur qui reprend vigueur. « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et nous ouvrait les Écritures ? », diront-ils après l’avoir reconnu à la fraction du pain. C’est finalement dans le pain eucharistique que le Christ ressuscité se dévoile et leur donne de contempler en un instant sa gloire, avant de disparaître instantanément.
Eh bien frères sœurs, si l’Eucharistie reste pour nous le lieu par excellence de notre rencontre intime avec le Christ et avec nos frères et nos sœurs chrétiens, il faut aussi reconnaître qu’on y accède par une longue écoute de la Parole de Dieu. Ainsi notre temps de confinement est comme une longue méditation de la Parole de Dieu. C’est notre route d’Emmaüs, où pèlerins, le Ressuscité nous rejoint et fait route avec nous. Sa Parole réchauffe nos cœurs. Oui le Christ est avec nous. Ce n’est pas nous qui le découvrons, c’est lui qui vient à notre rencontre. Nos questions, nos soucis et nos angoisses l’intéressent. Il est venu précisément pour cela, y répondre. Il nous donne les Écritures, elles contiennent tout, c’est-à-dire tout ce que Dieu a à nous dire. Elles nous introduisent dans la communion intime avec le Christ. Mais, cette communion est réservée à ceux qui auront su dire à Jésus, après l’avoir longuement écouté : « Reste avec nous Seigneur ».
L’épisode d’Emmaüs procure à nos cœurs un réconfort incomparable. Nous le savons désormais : lorsque nous écoutons la liturgie de la Parole et participons à la liturgie eucharistique du pain rompu, même à distance, le Christ vient réellement à notre rencontre, et nous retrouvons foi et espérance. Rendons grâce au Seigneur pour ce qu’il nous donne de vivre chaque jour en sa présence. Amen !
P; Thomas