Lc 14, 25-33

Voilà l’Evangile qui a été lu pour la messe de mon ordination diaconale au Saint-Esprit, il y a un peu plus d’un an. Imaginons la tête de mes parents, frères et amis entendant ces paroles : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple »… quels heureux hasards de la liturgie ! Et quelle providence, aussi. Alors que de grandes foules suivent Jésus, celui-ci se retourne pour délivrer un message lumineux : on ne peut être son disciple si on ne le préfère pas à tout et à tous. Cette clause, aussi radicale semble-t-elle, paraît absolument rédhibitoire : le christianisme déploie en effet toute sa force, son sens et ses effets si l’on fait primer le Seigneur Jésus sur toute notre vie. En faisant ainsi, le chrétien se rendra tout d’un coup compte que l’amour du Christ, qui est absolu est premier, n’élimine pas tout ce à quoi nous renonçons pour lui, mais au contraire, le valorise. Notre renoncement pour le Christ n’est donc pas un déchirant abandon mais une amoureuse réappropriation. Avec les choses de la terre, nous avons l’habitude que ce soit toujours le contraire : je renonce à un resto pour un ciné, un manteau pour un téléphone, un voyage pour une voiture… Le choix matériel, par essence, me prive et me donne quelque chose en même temps. Avec Dieu, la relation n’est pas aussi horizontale, mais plutôt verticale. Choisir Dieu en premier, c’est comme si une plante choisissait la pluie par rapport à une autre plante à ses côtés : quand il pleuvra, tout son environnement en bénéficiera, toutes les plantes pourront croître autour d’elle. De même, donner la priorité au Christ dans notre vie, c’est changer de paradigme, de point de vue de ce qui nous est cher et proche. Ces gens et ces biens ne disparaissent pas autour de nous, ils sont vus différemment, à leur juste valeur, à travers le prisme du Christ, c’est-à-dire de l’amour… et l’amour jusqu’à la croix. Ainsi vivait notamment Simone Silva, tuée récemment à Nice par un islamiste. Elle « aimait tout le monde », disent les témoins, et son amour rayonnait de l’amour même du Christ, car elle pratiquait sa foi avec ferveur, charité et détermination. Elle préférait Jésus à tout et à tous, car il était la source inépuisable de son amour pour tout et pour tous. Tant de chrétiens passent à côté de cette réalité essentielle, préférer le Christ à tous, par peur de ce saut de la foi, de ce moment de choix qui fait la part des choses. Mais pour apprendre à nager, il faut toujours perdre pied à un moment donné. Ainsi va la vie.

Demandons la grâce de raviver en nous la confiance et le désir d’aimer Jésus par-dessus tout.

P. Simon de Violet