Il les envoya en mission

Frères et sœurs, notre cœur est-il semblable à celui du Christ, brûlant d’Amour ? Sommes-nous prêts à répandre partout la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs et qui veut nous combler des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ ? (2°lect.) En cette période estivale où beaucoup d’entre nous vont voyager, notre foi va-t-elle rester chez nous dans un placard, « au repos », ou allons-nous l’emmener avec nous pour en témoigner auprès de ceux et celles que nous rencontrerons ? Comme le pape François l’a écrit, nous ne pouvons pas être disciples du Christ sans être en même temps missionnaires. Toute la vie chrétienne ressemble aux battements de notre cœur, qui reçoit le sang avant de l’envoyer dans tout l’organisme: sans cesse, nous devons nourrir notre foi, mais aussi en témoigner. Ce double mouvement est particulièrement visible dans la messe que nous célébrons : après nous être nourris de la Parole et du Corps du Christ, nous serons appelés à les communiquer autour de nous lorsque nous entendrons : « allez dans la paix du Christ ». Dans la célébration en latin, le prêtre disait : « ite, missa est ; allez, vous êtes envoyés », d’où le mot de « messe ».  D’où vient ce double mouvement ? Du Christ lui-même : au début de son évangile, saint Marc note qu’il en « institua douze pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher » (Mc 3, 14) Depuis ce moment, il les a formés par sa parole et par ses actes. Il décide maintenant de les envoyer à leur tour. Le Seigneur ne veut pas transformer le monde sans nous, il nous propose de collaborer à sa mission. Comment pouvons-nous y parvenir, alors que, comme les apôtres eux-mêmes, nous sommes souvent lents à croire et à comprendre ? Le Christ nous donne d’abord trois conditions pour que la mission puisse être féconde, avant de nous en dévoiler les trois principaux objectifs.

 

Pour être féconde, la mission doit s’appuyer sur trois piliers : la charité, la pauvreté, et la liberté. Pour commencer, la charité doit régner. C’est pourquoi Jésus envoie ses apôtres « deux par deux ». L’intérêt est double : d’une part il permet de se soutenir mutuellement : « Mieux vaut être deux que seul […] En cas de chute, l’un relève l’autre ; mais qu’en est-il de celui qui tombe sans personne pour le relever ? […] Là où un homme seul est renversé, deux résistent, et le fil triple ne rompt pas facilement. » (Qo 4,9‑12) D’autre part, le compagnonnage permet de vivre la charité « en actes et en vérité » (1Jn 3,18): « ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jn 13,35)

Le second pilier de la mission est la pauvreté : « il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. » (Mc 6,8) La pauvreté du disciple atteste qu’il fait confiance à la Providence de Dieu, et que celle-ci est bien réelle. Si saint Dominique, au XIIIème siècle, a pu convertir de nombreux cathares, c’est parce qu’au lieu de venir à eux avec des habits rutilants et dans un magnifique carrosse, comme le faisaient d’autres hommes d’Eglise, il s’est approché d’eux avec sa seule bure et avec des sandales pleines de la poussière du chemin.

Enfin, la mission implique la liberté, celle du témoin du Christ et celle de ses auditeurs: « Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. » (Mc 6,11) Contrairement au prosélyte qui cherche à convaincre à tout prix, le disciple du Christ ne fait que témoigner de son Maître, conscient que c’est Dieu seul qui peut toucher les cœurs et les convertir. Il a une obligation de moyens, mais pas de résultat. C’était déjà vrai pour les prophètes, tels qu’Amos que le prêtre de Béthel cherche à faire taire : « J’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël’ » (1° lect.)  De même, lorsqu’on cherchera à l’empêcher de témoigner des paroles de la Vierge Marie, la petite Bernadette répondra : «Je suis chargé de vous le dire, pas de vous le faire croire ».

 

Après avoir analysé les trois conditions de la mission, voyons maintenant ses trois objectifs : appeler à la conversion, chasser les démons, et guérir les malades. Tout d’abord, les apôtres « partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. » (Mc 6,12) C’est bien le premier ministère que Jésus a accompli : « Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : “Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle.” » (Mc 1,14‑15) Le mal le plus terrible qui ravage le cœur de l’homme, c’est le péché. Et la première grâce qu’un croyant reçoit, c’est de se reconnaître pécheur : « Jésus leur déclara : “Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs.” » (Mc 2,17)

Cependant, l’homme ne souffre pas seulement du péché, mais aussi de ceux qui l’y poussent, à savoir les démons. Jésus n’a pas connu le péché, mais il a été tenté par Satan. Après son appel à la conversion et l’appel des premiers disciples, son premier acte public à Capharnaüm fut de chasser un esprit mauvais, acte qu’il accomplira très souvent ensuite. Le jour de notre baptême, nos parents ou nous-mêmes avons répondu au célébrant qui nous interrogeait, avant même de professer la foi de l’Eglise : « Pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu, rejetez-vous le péché? » et ensuite, après une question intermédiaire : « Pour suivre Jésus Christ, rejetez-vous Satan qui est l’auteur du péché? », et nous avons répondu trois fois « je le rejette ». Mais comment le rejeter, si nous ne sommes pas prêtres exorcistes ? D’abord, en refusant toute compromission avec ses tentations dans notre cœur, et ensuite en combattant le mal sous toutes ses formes dans le monde.

Enfin, l’homme souffre non seulement du péché et des démons, mais aussi des maladies, qui peuvent ravager son corps mais aussi son âme. Juste après avoir chassé le démon dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus a guéri la belle-mère de Pierre. Les disciples doivent faire de même. Mais comment effectuer des guérisons, si nous n’en avons pas le charisme, comme jadis le Père Tardif ou d’autres dans l’Eglise ? D’abord en cherchant à guérir de nos propres maladies -ce qui n’est pas évident, si bien que Jésus demande souvent aux malades : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Ensuite en aidant les malades autour de nous : par des visites, des sourires, des attentions…

Ainsi, frères et sœurs, le Seigneur nous envoie nous aussi en mission. Ne croyons pas que nous en sommes incapables : les douze n’étaient pas parfaitement formés lorsque Jésus les a envoyés, et ils ont parfois manqué de foi et de courage ensuite. Mais l’important est de faire confiance au Seigneur lui-même, qui a promis à ses disciples : « ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. » (Mt 10,20) Alors, témoignons partout de ce Dieu dont le cœur brûle d’Amour pour chacun de ses enfants et qui veut nous combler de ses bénédictions, au ciel, dans le Christ !

P. Arnaud