Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus

Frères et sœurs, sommes-nous prêts à participer aux noces de Dieu avec son peuple ? Pendant les mariages auxquels nous avons participé, nous avons pu nous réjouir dans une ambiance fraternelle et festive, mais ce n’était qu’un pâle avant-goût de la joie du mariage avec le Seigneur. Isaïe nous décrit l’ambiance : « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages » (1° lect.) Qui d’entre nous n’accepterait pas immédiatement l’invitation à un tel événement ? Eh bien, le Christ nous révèle aujourd’hui que beaucoup d’entre nous la refusent de fait. En plus de cette joie des noces, il évoque aussi « les ténèbres du dehors, là où il y aura des pleurs et des grincements de dents » et il ajoute : « beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. » Cette double vision du paradis et de l’enfer n’est pas une invention du Moyen-âge pour des foules incultes, elle est un choix que le Seigneur offre à notre liberté. Certes, la parabole de ce dimanche revêt  une signification d’abord historique (la Parole de Dieu annoncée d’abord aux Juifs puis aux païens, avec la possibilité pour tous de la refuser), mais aussi spirituelle, pour chacun d’entre nous. Nous pouvons vivre ici-bas de telle façon que nous soyons unis au Seigneur et goûtions la joie de cette union. Ou nous pouvons refuser ses grâces et vivre une sorte d’enfer. Méditons d’abord sur les conditions pour vivre la joie des noces, et ensuite sur les raisons qui peuvent nous jeter dans « les ténèbres du dehors ».

 

Comment être élu et entrer dans la joie des noces de Dieu avec son peuple ? Il faut revêtir le vêtement de noce, nous dit Jésus dans l’évangile. Ce vêtement, c’est lui-même, comme l’écrira saint Paul aux Galates: « vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Ga 3,27). L’apôtre a écrit un peu plus tôt : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20) Pour vivre cette union, il y a certaines conditions qui apparaissent bien dans sa lettre aux Philippiens (2° lect.). Une 1ère condition est la charité. Il écrit au début de sa lettre : « je vous porte dans mon cœur » (1,7) puis « Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus » (1,8) Dans toute cette lettre, on ressent son amour pour cette communauté, la seule dont il a accepté une aide matérielle (4,15).

Une 2nde condition de l’union avec le Seigneur, qui est aussi le second fruit de l’Esprit, est la joie. Dans la lettre aux Philippiens, elle est mentionnée sans cesse (une quinzaine de fois en 4 chapitres), et elle est même présentée comme un commandement : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie » (4,4). Cette joie n’est pas synonyme de bien-être et d’absence de souffrance, puisque l’apôtre écrit dans une prison romaine.

Une 3ème condition de l’union avec le Seigneur, qui est un autre fruit de l’Esprit, est la patience (de patior, supporter). Paul écrit : « J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force » (2° lect.).

Ainsi, en produisant les fruits de l’Esprit – Paul en énumère 9 dans la lettre aux Galates (5,22-23) – l’homme est uni à Dieu, il revêt le vêtement de noce et vit la joie du festin dès ici-bas. C’est ainsi que la petite Thérèse a pu écrire : « Je ne vois pas bien ce que j’aurai de plus au ciel que maintenant,  je verrai le bon Dieu, c’est vrai; mais, pour être avec lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre. »

Revêtir le vêtement de noce qui permet de célébrer les noces de Dieu avec son peuple est une grâce, mais on peut la refuser. Dans l’évangile, Jésus énumère 3 raisons qui portent l’homme à ce refus. Les 2 premières ont empêché les invités d’entrer dans la salle de noces. La 3ème n’a pas empêché celui qui était invité d’entrer, mais seulement de revêtir le vêtement  lui-même.

Pour commencer, l’homme peut faire preuve d’indifférence. Les premiers invités à la noce « n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ». Ils sont trop occupés à gérer leurs propres affaires. Cette indifférence par rapport à Dieu, autre facette de la préoccupation pour les choses matérielles, est très actuelle. Parmi les chrétiens eux-mêmes, combien – prétextant qu’ils n’ont pas le temps –  rejettent les invitations du Christ à prier, à servir, à se former, à célébrer les sacrements et en particulier l’Eucharistie ?

En plus de l’indifférence, une deuxième raison de refuser les appels de Dieu est l’hostilité. Dans l’évangile, certains des invités à la noce « empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent ». Manifestement, ils détestent ce roi qui les a invités. Jésus a fait face à l’hostilité dès le début de son ministère. Et depuis 2000 ans, combien de chrétiens ont été persécutés, et combien sont morts martyrs ? A chaque fois que nous refusons un commandement du Christ (comme celui de pardonner) ou que nous sommes hostiles à notre prochain, nous devenons nous-mêmes des persécuteurs.

Enfin, une dernière raison qui peut empêcher l’homme de faire partie des élus est l’orgueil, qui entraîne d’abord le refus de porter le vêtement de noce et ensuite le refus de dialoguer avec le roi. Notons qu’aucun des invités n’a pu revenir chez lui se préparer, ce qui signifie que le vêtement leur a été sans doute offert par le roi lui-même à leur arrivée. L’homme qui n’en a pas l’a donc sans doute refusé. Parce qu’il était trop riche et préférait son propre vêtement ? Le Seigneur ne demande pas une perfection morale, car alors nous serions tous indignes (il invite « les mauvais comme les bons ») mais l’humilité de revêtir un vêtement qui est celui d’un autre : la charité, la joie, la patience et tous les autres fruits de l’Esprit sont des dons divins. Notons aussi que cet homme qui va être jeté dans les ténèbres du dehors non seulement ne porte pas le vêtement de noce, mais en plus ne répond rien au roi qui l’interroge. Si seulement il avait confessé son indignité, nul doute que le roi aurait fait preuve de miséricorde. Mais parce qu’il refuse la miséricorde, la justice s’applique. Il va en enfer parce qu’il l’a choisi, il s’est enfermé en lui-même.

 

En conclusion, frères et sœurs, n’oublions pas que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4) et participent à ses noces avec nous. Mais Il nous laisse libres, et nous pouvons refuser son appel. « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus», le Christ nous avertit clairement. Sa colère contre ceux qui ont maltraité ses serviteurs nous rappelle que Dieu est miséricordieux, mais juste aussi. Alors, convertissons-nous (en exerçant notamment la charité, la joie et la patience) pour répondre à tous ses appels. Il nous les lance de multiples façons : lorsqu’il nous appelle à prier, à pardonner, à donner (du temps, des biens, des conseils…)… mais aussi à venir à l’église le dimanche. Certes, c’est après notre mort que nous pourrons célébrer pleinement les noces de Dieu avec son peuple, mais il y a des moments où nous pouvons en avoir un avant-goût ici-bas, en particulier lors de chaque eucharistie. La messe renvoie au passé (la mort et la résurrection du Christ), au présent (la communion entre tous les croyants) mais aussi à l’avenir (le festin eschatologique décrit par Isaïe).  Rendons grâce au Seigneur qui nous a rassemblés ici ce matin, et prions pour que tous les hommes et nous-mêmes puissions être réunis autour de Lui au festin de ses noces. AMEN.

P. Arnaud