Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier

Frères et sœurs, en quoi les paroles que nous venons d’entendre sont-elles un évangile, c’est-à-dire une bonne nouvelle ? En quoi diffèrent-elles de celles que nous avons entendues hier soir ou ce matin en allumant notre poste de radio ou de télévision ? En entendant les paroles du Christ, comment ne pas songer à la Californie, au Portugal ou à la Grèce, où le soleil s’est de fait obscurci cet été avec des incendies effroyables… Ou aux innombrables autres catastrophes de ces dernières années. Les images employées par Jésus renvoient à la Genèse, mais pour montrer l’inverse de la création, une sorte de dé-création ou de destruction à grande échelle. Parfois, c’est dans nos vies personnelles que nous avons le sentiment que tout s’effondre, et que ce que Dieu nous avait donné nous est enlevé : la perte d’un être cher, une maladie grave, un échec cuisant, un espoir déçu… Les paroles de Jésus sont apocalyptiques. Mais justement, apocalypse signifie non catastrophe, mais « révélation » : révélation que Dieu est le Maître de l’histoire, et que la vie est plus forte que la mort… Alors que les païens ont toujours considéré le cosmos comme éternel et l’histoire comme cyclique, les Juifs et les Chrétiens ont apporté l’idée d’un commencement et d’une fin. Et contrairement à ce que beaucoup pensaient au XIX°siècle, la science (avec notamment le big bang, le principe anthropique,  le refroidissement de l’univers…) confirme fortement aujourd’hui la Révélation. Les paroles du Christ sont une invitation à l’Espérance[i]. Sur quoi repose l’Espérance chrétienne ? Sur  les promesses de Dieu pour l’avenir, sur les actions qu’Il a accomplies dans le passé, et sur celles qu’Il continue d’accomplir dans le présent.

 

Pour commencer, notre Espérance repose sur les promesses de Dieu. Celles transmises par les prophètes de l’Ancien Testament, d’abord. Daniel, en particulier, après avoir annoncé « un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent » ajoute que « en ce temps-là viendra le salut de ton peuple, de tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu » (1° lect.). Avec ses disciples, Jésus fait de même : après avoir évoqué l’ébranlement des puissances cosmiques, il annonce comme Daniel[ii] la venue d’un mystérieux personnage, le Fils de l’homme, qui viendra « sur les nuées avec grande puissance et grande gloire […] pour rassembler les élus des quatre coins du monde ». Ce Fils de l’homme, c’est Jésus lui-même, qui a préféré cette expression à toutes les autres pour parler de lui. Elle est en effet celle qui manifeste le plus la dimension de combat eschatologique liée à sa mission. Un jour, le mal sera définitivement vaincu. Mais l’homme est libre de choisir son camp et ne doit pas oublier que ceux « qui dormaient dans la poussière de la terre ressusciteront les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles » (1° lect.)

 

Mais comment être sûrs que les paroles divines se réaliseront ? Pour fonder notre Espérance en l’avenir, regardons les actions accomplies par Dieu dans le passé. Toute l’histoire du salut témoigne que le Seigneur est Tout-Puissant d’Amour. Alors qu’Abraham et Sara étaient âgés et stériles, Il leur donna un fils, Isaac. Alors que le peuple hébreu était opprimé par le pharaon, et que les actions de Moïse paraissaient avoir aggravé la situation, Il les délivra « par sa main puissante et son bras étendu ». On pourrait multiplier les exemples. Mais c’est surtout avec son Fils que Dieu révèle que son Amour est plus puissant que le mal. Après avoir vaincu Satan dans le désert, le Christ a guéri les malades et chassé les démons. Et surtout, il a vaincu le mal par sa mort et sa résurrection : « Après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, il s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. » (2° lect.)

Nous devons nous souvenir de l’action de Dieu pour le peuple élu et pour le monde mais aussi pour nos vies personnelles. Il nous arrive parfois de ressasser nos erreurs et de frotter continuellement nos blessures. Le Seigneur nous invite à relire notre histoire pour y reconnaître ses interventions, des personnes ou des évènements qui nous ont permis d’avancer, même si nous n’en avons pris conscience que plus tard, comme Jacob à Béthel : « Dieu était là, et je ne le savais pas ! » (Gn 28,16)

 

Notre Espérance dans les promesses de Dieu pour l’avenir repose sur les actions qu’Il a accomplies dans le passé, mais aussi sur celles qu’Il accomplit dans le présent, avec notre collaboration. A travers la comparaison de la nature, le Christ nous appelle ainsi à lire les signes des temps. Il prend ici la comparaison du figuier, dont l’apparition des feuilles prélude à la venue de l’été[iii]. Ailleurs, il parlera de l’aspect du ciel qui nous permet de prédire le temps du lendemain[iv]. Lorsque nous regardons la réalité d’aujourd’hui, avec toutes ses guerres et toutes ses catastrophes, prenons d’abord conscience qu’elles constituent le prélude au retour du Christ et à l’établissement définitif de son Règne. Par ailleurs, observons aussi tous les signes de vie qui ont déjà commencé à germer. Dans l’Eglise, le rapport de la CIASE a amplifié une prise de conscience qui doit permettre de rejeter le mal avec plus de fermeté. Et dans la société, de nombreux combats sont en cours contre des injustices criantes comme la destruction de l’environnement, ou l’exploitation de certaines catégories d’êtres humains. Ces combats sont loin d’être gagnés, et ils engendrent parfois des excès pires que les maux qu’ils dénoncent, c’est pourquoi nous devons les faire nôtres. Comme le disaient les pères du Concile, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ »[v].

Dans nos vies personnelles aussi, sachons discerner les signes des temps. Plutôt que de nous plaindre de ce qui ne va pas aujourd’hui dans nos existences, demandons-nous quels sont les domaines où nous pouvons progresser en ce moment, et où le Seigneur nous invite à augmenter nos efforts ?

 

Ainsi, frères et sœurs, lorsque nous sommes dans la détresse, ne désespérons pas. Toutes les épreuves auxquelles nous sommes confrontés personnellement ou auxquelles nous assistons autour de nous sont comme les préludes de la Parousie. « Le mal qui ne nous tue pas nous rend plus fort », écrivait Nietzsche. Mieux encore pour nous croyants, Dieu peut tirer le bien du mal[vi]. Alors, au lieu de nous désespérer de tous les signes inquiétants que nous voyons autour de nous, signes de la fin des temps qui a commencé avec la mort et la résurrection du Christ, nous devrions nous redresser et  relever la tête « car notre rédemption approche. » (Lc 21,28). Quand aura lieu cette rédemption ? Jésus répond : « quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père »… Ce qui importe donc, c’est d’être prêts et de veiller, comme il nous le redira plusieurs fois pendant l’Avent dans lequel nous allons bientôt entrer. Alors, lorsque nous serons éprouvés jusqu’à la détresse, tournons-nous vers le Fils de l’homme, le vainqueur de toutes les formes de mal, et combattons avec lui, dans l’Espérance d’être un jour accueillis par lui dans son Royaume. AMEN.

P. Arnaud

[i] Le Catéchisme de l’Église Catholique la définit  comme « la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit » (§1817).

[ii] Dn 7

[iii] « Que la comparaison du figuier vous instruise : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ».

[iv] « Quand vient le soir, vous dites : “Voici le beau temps, car le ciel est rouge.” Et le matin, vous dites : “Aujourd’hui, il fera mauvais, car le ciel est d’un rouge menaçant.” Ainsi l’aspect du ciel, vous savez en juger ; mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables. » (Mt 16, 2‑3)

[v] Gaudium et Spes §1

[vi] « Vous aviez voulu me faire du mal, Dieu a voulu le changer en bien, afin d’accomplir ce qui se réalise aujourd’hui : préserver la vie d’un peuple nombreux. » (Gn 50, 20)

« Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Rm 8, 28)