Il vous donnera un autre Défenseur

Frères et sœurs, comment nous défendre du mal ? Nous sommes des êtres fragiles, et depuis notre naissance, nous avons eu besoin d’être protégés. Par nos parents et nos grands frères et grandes sœurs, d’abord. Par nos relations, notre avocat, notre syndicat… ensuite. Depuis quelques mois, nous sommes en guerre contre un virus, et ce sont les médecins et les autorités civiles qui cherchent à nous en protéger. Certes, le covid19 est un adversaire à ne pas négliger, mais il n’est pas le pire. En dehors du fait qu’il permettra peut-être à notre humanité de sortir de certains de ses aveuglements, il peut détruire notre corps, mais pas notre âme. Et c’est bien elle qu’il nous faut défendre avant tout. Quel que soit le soin que nous apportons à notre corps, il retournera à la poussière (avant de ressusciter). Ce qu’il nous faut craindre avant tout, c’est la « seconde mort » (évoquée 4 fois dans l’Apocalypse), celle qui concerne l’âme justement. Qui sont ses adversaires ? La Tradition en distingue trois : le diable, la chair, et le monde. Qui va nous défendre face à eux ? Le Christ bien-sûr, mais aussi l’Esprit Saint, que Jésus qualifie d’ « autre Paraclet », qu’on peut traduire par Défenseur, Avocat[i], Consolateur: « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous ». Il ne nous défend pas avec des mensonges, comme un mauvais avocat, car il est aussi « l’Esprit de Vérité ». Voyons comment il nous défend face à nos 3 adversaires, en illustrant son action par la vie de plusieurs saints (i.e. ceux qui se sont laissés sanctifier par lui).

 

Premièrement, l’Esprit nous défend face au diable (diabolos, celui qui divise) que Jean appelle « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44) et aux démons. Lorsqu’il arrive en Samarie, le premier signe qui accompagne la prédication de Philippe est leur expulsion : « Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris » (1° lect.) Jésus a dit à ses disciples : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. » (Mt 10,28) Parmi ses noms divers, il y a Satan (l’adversaire), mais aussi l’accusateur[ii]. Satan cherche sans cesse à nous culpabiliser, à nous faire éprouver du remords, afin de nous désespérer du pardon de Dieu.

Plusieurs saints ont évoqué le terrible combat qu’ils eurent à mener contre lui sur ce plan. Antoine du désert, Ignace de Loyola, François de Sales… crurent pendant un temps qu’ils seraient damnés. La petite Thérèse souffrit pendant plusieurs mois d’une terrible crise de scrupules : « je pleurais d’avoir pleuré » écrit-elle[iii]. Elle a été guérie par un sourire de la Vierge Marie, l’épouse fidèle du Saint Esprit. Alors que Satan accuse, lui console. S’il nous éclaire sur nos péchés, ce n’est pas pour nous écraser, c’est au contraire pour nous en libérer à travers le pardon de Dieu, librement demandé et reçu.

 

Deuxièmement, l’Esprit nous défend face à la chair. Ce terme ne signifie pas le corps, qui est bon parce que créé par Dieu, mais toutes les tendances égoïstes qui nous éloignent du Seigneur. Celui qui se laisse conduire par ses passions en est esclave : « les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez. » (Ga 5,17) Au contraire, « ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses convoitises. » (Ga 5,24)

Saint Augustin a fait l’expérience de l’esclavage de la chair, et de sa libération par l’Esprit. Dans ses Confessions (ch. 8), il décrit la torture qu’il éprouvait lorsque deux volontés se disputaient son cœur, l’une charnelle, l’autre spirituelle. Il en fut délivré lorsqu’il lut dans une une épître de Paul : « ne vous abandonnez pas aux préoccupations de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Rm 13,14) : « À l’instant même, avec les derniers mots de cette pensée, ce fut comme une lumière de sécurité déversée dans mon cœur, et toutes les ténèbres de l’hésitation se dissipèrent ».

 

Troisièmement, l’Esprit nous défend face au monde. Attention là encore, ce terme ne signifie pas tous les hommes, mais seulement ceux qui s’opposent au dessein de Dieu. Si Philippe est parti évangéliser les Samaritains, c’est parce que les disciples étaient persécutés à Jérusalem et en Judée. Comment nous défendre face à ceux qui nous rejettent en tant que chrétiens ? Saint Pierre répond : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ » (2° lect.) Seul l’Esprit peut nous donner de nous défendre ainsi, lui dont le fruit est notamment « charité, patience et douceur » (Ga 5,22). Cette défense concerne encore une fois notre âme et non notre corps : beaucoup de chrétiens sont morts martyrs, mais seulement après avoir témoigné de leur foi.

Songeons à saint Etienne, qui le fit d’une façon si admirable que « ceux qui écoutaient son discours avaient le cœur exaspéré et grinçaient des dents contre lui. Mais lui, rempli de l’Esprit Saint, fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. » (Ac 7,54‑55)

 

Ainsi, l’Esprit Saint est le meilleur des généraux, car il nous défend de nos pires ennemis, ceux qui peuvent faire périr notre âme : le diable, la chair, et le monde. Alors, comment bénéficier de son aide ? Jésus nous répond clairement : c’est en gardant ses commandements. « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous »[iv]. Beaucoup de nos contemporains rejettent la notion de commandements, car ils craignent de ne plus être libres. En réalité, les commandements, s’ils sont justes, nous permettent au contraire d’être libres. Si l’Etat n’avait pas imposé des règles sanitaires strictes pour lutter contre la pandémie, où en serions-nous ? Il existe aussi des règles pour l’amour : s’il peut être commandé, c’est parce qu’il engage non seulement nos sentiments, mais aussi notre intelligence et notre volonté. C’est parce que beaucoup confondent « aimer » et « être amoureux » qu’il y a tant de séparations et de divorces… Garder les commandements du Christ est à la fois simple, car ils nous correspondent parfaitement, et difficile, car nos ennemis cherchent sans cesse à nous en détourner. Mais certaines guerres ne se remportent qu’après de nombreuses batailles. Le combat spirituel est « violent comme le combat d’hommes » (Rimbaud), mais chaque victoire remportée est source à la fois de joie et de force nouvelle. S’il nous arrive d’être vaincus, ne désespérons jamais, ne nous replions pas sur nos remords, mais jetons-nous dans les bras de l’Esprit de Vérité. A sa douce lumière, nous pourrons discerner les causes de notre défaite, en demander humblement pardon, et repartir joyeux pour reprendre le combat qui nous mènera vers la Victoire finale, celle de l’Amour sur la haine et de la Vie sur la mort. AMEN.

P. Arnaud

[i] A l’époque, il ne parlait pas ouvertement, mais il « soufflait » les réponses à l’accusé.

[ii] Saint Jean écrit : « il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu. » (Ap 12,10)

[iii] Ms A, 44v

[iv] Et ensuite : « celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ».