Que ton Règne vienne

« Que ton Règne vienne ». Cette prière que nous faisons si souvent à Dieu, frères et sœurs, à chaque fois que nous récitons le Notre Père, la faisons-nous avec tout notre cœur ? Désirons-nous plus que tout que le règne de Dieu advienne ? Face aux prouesses extraordinaires de notre humanité, notamment dans le domaine de la technique, nous pourrions être tentés de nous considérer comme tout-puissants et d’oublier tout le chemin qui reste à parcourir jusqu’au Règne de Dieu. Souvenons-nous de la tour de Babel. A l’époque de Jésus, c’était le Temple (que le roi Hérode avait commencé à agrandir et embellir un peu avant sa naissance) qui était l’orgueil des Juifs et le symbole de leur religion, comme il y a quelques années les twin towers étaient l’orgueil de nos amis américains et le symbole du capitalisme. Mais leur destruction, à près de 2000 ans d’intervalle, le premier par les Romains et les secondes par les Islamistes, peut nous permettre de prendre conscience de la fragilité de nos existences. L’incendie de Notre Dame, notre « orgueil » en tant que Français, nous l’a rappelé l’an dernier. Ni le Temple, ni les tours, ni Notre Dame ni même la terre ne sont indestructibles. Quand le monde finira-t-il, nous ne le savons pas, et Jésus lui-même dit que « nul ne connaît l’Heure, pas même le Fils » (Mt 24,36), mettant ses disciples en garde contre les faux messies qui annonceront cette fin. L’important n’est pas de connaître le moment, mais de s’y préparer, car la fin des temps approche inéluctablement, comme en témoignent les signes évoqués par Jésus : les guerres, les désordres, les grands tremblements de terre, les famines, les épidémies, les phénomènes effrayants… toutes des réalités qui peuvent nous anéantir en un instant  et que nous ne connaissons que trop bien. Alors, devons-nous avoir peur et construire des bunkers où nous réfugier en cas de catastrophe, comme certains aux Etats-Unis ? Ou nous affairer sans rien faire, comme les Thessaloniciens ? Non, le Seigneur nous appelle à ne pas nous laisser terrifier et à œuvrer pour que son Règne vienne. Comment ? D’une part en travaillant, à travers notre devoir d’état et dans l’Eglise, et d’autre part en témoignant de la Bonne Nouvelle de ce Règne, qui est déjà au milieu de nous (cf Lc 17,21).

 

Pour commencer, il nous faut travailler à l’avènement du Règne de Dieu. N’oublions pas que la paresse est l’un des 7 péchés capitaux, et que le travail est un bien qui nous permet de développer nos talents, nous met en relation les uns avec les autres, nous permet d’améliorer notre monde… A chaque fois que nous prions notre Père et que nous demandons : « Que ton Règne vienne », pour que notre prière soit sincère, il nous faut y associer nos propres efforts. « Aide-toi, le Ciel t’aidera ». Peu après la mort et la résurrection du Christ, les chrétiens de Thessalonique, que Saint Paul a évangélisés lors de son deuxième voyage missionnaire, se laissent aller. Ils sont tellement sûrs que le retour du Christ est imminent qu’il leur semble inutile de travailler. Paul doit taper des poings sur la table : il leur rappelle qu’ils doivent retrousser leurs manches pour travailler à l’avènement du Règne de Dieu. Pour cela, il leur demande 2 attitudes. Le courage d’abord : il les  appelle  à prendre modèle sur lui, qui a travaillé « dans la peine et la fatigue, nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre » eux (2° lect.). « Le calme » ensuite, fruit de la confiance, et contraire à l’agitation paresseuse de ceux qui « mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire ». Paroles tellement actuelles, dans notre société où certains cherchent avant tout à travailler le moins possible et à prendre avant tout « du bon temps » !

Quel travail devons-nous accomplir ? Avant tout, notre devoir d’état. Que nous soyons écoliers, étudiants ou travailleurs professionnels, nous pouvons accomplir notre devoir d’état de manière à faire progresser le Royaume. Les efforts que je déploie à l’école me permettent de mieux comprendre le monde que j’aurai à transformer.  Les efforts que je déploie à la fac ou en grande école me seront utiles dans ma future activité professionnelle. Les efforts que je déploie dans mon métier me permettent d’offrir un bon produit ou un bon service aux autres. Que je sois médecin ou vendeur de vêtements, aucun métier n’est inutile et chacun peut contribuer à l’amélioration de la société.

En plus de son devoir d’état, tout chrétien peut aussi travailler à l’avènement du Royaume de Dieu dans l’Eglise, dont c’est le but premier. Que ce soit par des services réguliers ou ponctuels, chacun peut y  apporter sa contribution. Et si une personne est trop occupée ou trop âgée pour accomplir une mission visible, elle peut au moins prier pour ceux qui œuvrent sur le terrain. C’est pourquoi  tous les grands ordres religieux ont à la fois une branche apostolique et une branche contemplative.

 

Le travail est nécessaire à l’avènement du Royaume de Dieu, mais pas suffisant : même si nous travaillons d’arrache-pied, nous savons que le Royaume nous sera donné in fine par le Seigneur, comme la Jérusalem nouvelle, qui descendra du ciel, d’auprès de Dieu (Ap 21,2). C’est pourquoi nous devons aussi témoigner de notre Foi. Témoignons de la Bonne Nouvelle du Règne qui viendra et qui est déjà au milieu de nous. Voilà le paradoxe de la vie chrétienne, ce Règne que nous attendons et pour lequel nous travaillons, et qui pourtant est déjà présent, en la personne du Christ et de tous ceux qui le suivent. Là encore, le courage et la confiance sont nécessaires. Elles sont entrelacées l’une dans l’autre. Le Christ l’avait annoncé à ses disciples: « Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. » Les martyrs, comme les 12 apôtres ou comme Cécile que nous fêterons le 22 novembre, ont versé leur sang pour témoigner de leur foi. Comme Jésus le leur avait annoncé, on porta la main sur eux, ils furent livrés aux synagogues et jetés en prison, et comparurent devant des rois et des gouverneurs, à cause de son Nom. En 2019, on estime que 245 millions de chrétiens, soit un sur 9 dans le monde, sont fortement persécutés, que plus de 4000 ont déjà été tués depuis le début de l’année, et que des dizaines de milliers sont en prison ou dans des camps de travail, comme en Corée du Nord. En France, nous n’avons pas à craindre des persécutions sanglantes. Mais nous pouvons craindre d’être mal perçus, dans notre société déchristianisée où la laïcité a été érigée par certains comme une nouvelle religion.

D’autres peuvent avoir peur de témoigner parce qu’ils ne connaissent pas suffisamment bien le contenu de leur Foi. Le Christ leur répond : « C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer ». Prenons exemple sur les apôtres qui n’étaient pas des savants – les pharisiens les méprisaient même comme des gens « quelconques et sans instruction » (Ac 4,13)… Jeanne d’Arc, elle aussi, avait peu d’instruction, mais lors de son procès, elle sut pourtant répondre avec sagesse à tous ses accusateurs, des théologiens chevronnés. Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ne devons pas approfondir notre Foi, notamment grâce aux différentes formations que nous proposent la paroisse et le diocèse ! C’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait eux-mêmes en suivant Jésus jour après jour…

 

Ainsi, frères et sœurs, le Seigneur nous rappelle aujourd’hui que nos vies, comme le monde lui-même, sont fragiles. En même temps, il nous assure de sa présence continuelle à nos côtés, avec son Esprit. Puisque le temps nous est compté, travaillons à l’avènement du règne de Dieu, et témoignons du Christ et de son Règne. Ne sombrons jamais dans la paresse ou dans le désespoir car le Christ nous a prévenus: « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie ». Notre Père, que ton Règne vienne !