« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. » (L1) Bonjour l’ambiance… Ce texte est issu du livre d’Isaïe. Et ce livre contient 4 poèmes dits « du serviteur souffrant » dont le passage que nous méditons ce matin fait partie. Le genre littéraire ressemble à un genre apocalyptique au sens où il est un écrit avec des métaphores très fortes et suggestives destinées à réconforter un lecteur dans l’épreuve, dans la souffrance. Et de fait, l’exégèse moderne (c’est-à-dire la science biblique) a pu montrer que le prophète s’adresse à un peuple dans un contexte de persécution, et il cherche à lui redonner des raisons de vivre, de continuer d’espérer. Attention ! Il ne faut pas comprendre qu’il faudrait souffrir pour plaire au Seigneur ! Nous ne sommes ni doloristes ni masochistes ! Mais dans une souffrance subie, le Seigneur ne peut que s’attendrir de compassion pour celui qui souffre. Et de ce mal, d’une manière que Dieu seul connaît, il peut en tirer un bien…

(Et dans le contexte ecclésial qui est le nôtre ces derniers temps, je tiens à préciser que « le Serviteur [qui plaît] au Seigneur » est bien sûr celui qui est « broyé par la souffrance » ! Et non celui qui fait souffrir !)

Dieu ne prend évidemment pas plaisir à la souffrance de son serviteur ! Comment cela se pourrait ? Le serviteur souffrant par excellence, dans la tradition chrétienne : c’est Dieu lui-même ! Nous croyons en un Dieu qui s’est fait Homme en Jésus-Christ et qui a souffert la Passion avant de mourir et de ressusciter… Dieu lui-même connaît dans sa chair, si je puis dire, ce qu’est la souffrance !

La lettre aux hébreux (L2) nous le rappelle : « En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux, […] [qui a été] éprouvé en toutes choses » et qui est « [capable] de compatir à nos faiblesses ». Dans la compréhension juive de l’époque, et comme dans un certain nombre de religions traditionnelles sur cette terre, un prêtre est une personne qui se constitue médiateur entre Dieu et son peuple. Parce que, anthropologiquement, l’idée que Dieu est irrémédiablement lointain, est radicalement présente dans les cœurs des hommes et des femmesLe Christ est venu bouleverser tout cela en se faisant directement proche de son peuple ! Il est devenu le seul médiateur du Salut entre Dieu et son peuple. Ceux que l‘on appelle « prêtres », aujourd’hui dans l’Église, n’ont rien à voir avec ça. Nous n’avons aucun pouvoir sur le Salut ! Nous ne sommes là que pour rappeler que le seul grand prêtre est Jésus-Christ, et c’est vers lui qu’il faut se tourner pour être sauvé. Nous ne sommes là que pour signifier, au sens très fort du symbolisme, et rendre visible certaines grâces que sont les sacrements. Nous ne sommes pas des médiateurs entre vous et Dieu, mais nous sommes en chemin avec vous, pour nous guider à l’aide de la Parole de Dieu et pour marcher tous ensemble vers le Christ, qui lui est le médiateur qui nous mène vers le Père !

Nous sommes un peuple que Dieu connaît bien, puisqu’il est venu partager notre condition humaine. Nous sommes un peuple qui connaît la souffrance. Et nous avons un Dieu qui accueille cette souffrance pour la porter à notre place… Tout à l’heure, lorsque nous présenterons tous ensemble, par mes mains, le pain et le vin sur l’autel pour le sacrifice eucharistique, ce sera le moment de présenter à Dieu, chacun dans son cœur nos fardeaux, nos souffrances, nos faiblesses, mais aussi nos joies et nos louanges… Ainsi, notre Eucharistie, notre action de grâce ce matin, sera enrichie de tout ce qui fait notre humanité. Ce petit morceau de pain présenté à Dieu portera le poids de nos vies et il sera consacré par le Christ lui-même, seul grand-prêtre, grâce à notre prière à tous que je présiderai et dont j’ai la mission de dire à haute voix pour nous tous. Ainsi, Jésus, prenant sur lui nos fardeaux, nous donne sa vie à manger afin de communier à sa divinité et à son corps que nous formons.

Chers Frères et Sœurs, nous voici une fois de plus réunis à la messe, profitons-en pour redéployer dans notre pratique personnelle ce beau geste de l’offertoire. C’est offrir le fruit de la terre et de la vigne, mais également du travail des hommes et des femmes de ce temps. Alors, si on laisse le prêtre présenter tout seul le pain et le vin il manque, d’une certaine manière, la moitié des offrandes. C’est mon espérance et ma prière aujourd’hui :

Que notre prière soit unie, Frères et Sœurs, que notre unité fasse de nous un corps et que notre corps fasse resplendir le Christ dans le monde !

Amen !