Le règne de Dieu est au milieu de vous
Frères et sœurs, le Christ est-il vraiment le Roi de l’’univers, comme nous le célébrons aujourd’hui ? S’il l’est, pourquoi le mal continue-t-il ses ravages ? Est-ce par faiblesse, par indifférence, ou par cruauté qu’il laisse le mal continuer ses ravages dans le monde ? Jésus lui-même nous a enseigné à demander au Père, dans notre prière : « Que ton Règne vienne »… C’est vrai, mais il a aussi déclaré : « le règne de Dieu est au milieu de vous. » (Lc 17,21) Comment est-il présent ? Justement en la personne du Christ, et en tous ceux qui acceptent de lui obéir. Nous avons un combat à mener, comme le décrit l’Apocalypse de saint Jean et comme l’a bien compris saint Ignace de Loyola : nous combattons soit sous les ordres du Fils de Dieu, soit sous ceux de son adversaire, Satan. Certes, celui-ci possède une grande armée, celle des démons et de ceux qui agissent sous leur influence, et c’est pourquoi Jésus l’appelle le prince de ce monde (Jn 14,30) … Mais n’ayons pas peur, car le même Jésus l’a vaincu. Il a remporté une première victoire dans le désert, où il a été tenté pendant 40 jours. Il remporte ensuite la victoire définitive sur la croix. Comme au désert, Jésus résiste aux tentations. Il n’est pas venu pour se sauver lui-même, mais pour nous sauver, comme son nom l’indique : Jésus – Yeshouah – signifie « Dieu sauve ». Mais Jésus ne nous sauve que si nous acceptons qu’il règne sur nous, ce qui signifie aussi que nous combattions avec lui. Avec quelles armes ? La Vérité et l’Amour. Prenons exemple sur le premier canonisé, le bon larron, qui a utilisé ces 2 armes pour être sauvé et régner avec le Christ.
Pour régner avec le Christ, nous devons d’abord faire la Vérité. A Pilate qui lui demande: “Alors, tu es roi ?”, Jésus répond: “C’est toi-même qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la Vérité. Quiconque appartient à la Vérité écoute ma voix. » (Jn 18,37) Plus tôt, il avait dit à ses disciples : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la Vérité, et la Vérité vous rendra libres. » (Jn 8,31-32) La Vérité consiste d’abord à reconnaître que nous sommes pécheurs, et que Jésus est le Seigneur.
Le bon larron bien qu’il soit prisonnier sur sa croix, devient libre lorsqu’il fait la Vérité en s’adressant à son compagnon. « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » La Vérité, c’est qu’ils ne sont pas des justes, et que Jésus l’est.
Le bon larron rappelle le publicain venu au Temple qui « se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis’’ ! » (Lc 18,13). Si nous reconnaissons que nous sommes injustes, le Seigneur lui-même nous justifie et coupe l’herbe sous le pied à Satan, que l’Ecriture appelle aussi « l’accusateur ». C’est pourquoi dans chaque eucharistie, nous reconnaissons plusieurs fois que nous sommes pécheurs : « Seigneur, prends pitié », « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir », « Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, prends pitié de nous »…
Ainsi, la Vérité ou l’humilité puisque « l’humilité, c’est la Vérité » (sainte Thérèse d’Avila) est le fondement de la vie spirituelle. « Connais-toi toi-même » était-il écrit sur le fronton du temple de Delphes. La Vérité nous permet de prendre conscience que nous refusons souvent d’obéir à notre Roi, et que nous avons besoin d’être sauvés. Nous pouvons avouer sans peur nos péchés au Seigneur, nous souvenant de la parole que Jésus a prononcée juste avant celle que nous venons d’entendre, et que saint Luc rapporte également : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Saint Paul se nomme plusieurs fois dans ses lettres : « l’avorton ». Saint Philippe Néri se levait chaque matin en disant : « Seigneur, méfie-toi de Philippe » !
Pour régner avec le Christ, nous devons non seulement faire la Vérité, mais aussi aimer. C’est compréhensible, puisque “Dieu est Amour” (1Jn 4,8) et que “Amour et Vérité se rencontrent” (Ps 84,11). Jésus a laissé comme testament à ses disciples le commandement de l’amour (Jn 13,34). Aimez, même vos ennemis et ceux qui vous ont fait du mal (Lc 6,27) !
Après avoir fait la Vérité, le bon larron fait preuve d’un Amour extraordinaire. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Cet Amour va de pair avec la Foi et l’Espérance. Sa Foi est manifeste: à travers l’homme nu et ensanglanté à côté de lui, il reconnaît Dieu Lui-même. Il reconnaît le Roi de l’univers, puisqu’il évoque la venue de son règne. La croix est son trône et sa couronne est faite d’épines… Son Espérance est grande aussi, puisqu’il demande humblement à Jésus de l’accueillir dans son Royaume, avec une expression qu’on retrouve souvent dans la prière des psaumes : « souviens-toi ». Mais sa Foi et son Espérance sont pleines d’Amour: il est le seul protagoniste des évangiles à appeler Jésus de son prénom. Ce n’est pas un excès de familiarité, puisqu’il a dit auparavant à son compagnon : « Tu ne crains donc pas Dieu ! » Mais le bon larron était probablement un disciple de Jésus, sans quoi on comprend mal sur quoi reposeraient sa Foi, son Espérance et son Amour. Son compagnon aussi, sans doute, mais lui voyait en Jésus un messie temporel, le fils de David qui allait chasser les Romains. Il a été déçu, et c’est pourquoi il tente Jésus en lui criant : « sauve-toi toi-même, et nous avec ». Il reprend la deuxième tentation du désert, quand le diable a dit à Jésus : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. » (Lc 4,6) Jésus n’attend son salut que de Dieu seul, comme le dit un psaume qu’il a dû souvent réciter : « Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. » (Ps 120,1-2) Dans notre société individualiste et fragmentée, nous sommes poussés à chercher notre salut par nos propres forces, parfois au détriment des autres, comme les passagers du Titanic qui cherchaient à tout prix à entrer dans les bateaux de sauvetage sans s’occuper de ceux qui allaient sombrer avec le paquebot…
Ainsi, frères et sœurs, le bon larron règne maintenant sur l’univers avec le Christ et tous les élus. Il a choisi le règne du Christ plutôt que le règne de Satan. Dans la cité de Dieu, saint Augustin écrit : « Deux Amours ont donc bâti deux cités, l’Amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité de la terre ; l’Amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité de Dieu ». Nous-mêmes, pour qui va notre Amour ? Par notre baptême, nous sommes devenus rois. Sommes-nous de bons rois ? Au temps de Samuel, les Israélites avaient demandé un roi. Bien que prévenus par le prophète qu’ils allaient y perdre leur liberté (1Sam 8), ils s’étaient entêtés. Certes, ils eurent quelques bons rois qui gouvernèrent à l’écoute du Seigneur, en particulier David (1° lect.), mais la plupart furent mauvais car ils ne furent ni assez humbles pour obéir à la Vérité, ni assez pleins d’Amour pour le Seigneur et pour leur peuple. Cette semaine, prenons le temps de nous confesser pour reconnaître humblement que nous n’avons pas toujours été justes, et pour prendre des forces afin d’aimer davantage le Seigneur, notre prochain et nous-mêmes. C’est ainsi que nous ferons progresser son règne sur la terre, en attendant qu’il vienne l’établir définitivement. Seigneur, que ton Règne vienne !
P. Arnaud