Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Frères et sœurs, comment vaincre le mal ? Que nous le voulions ou non, nous y sommes tous confrontés, à un moment ou à un autre. Le Seigneur nous invite à une triple attitude : lutter, prier, et nous entraider. Méditons sur chacune, à partir des personnages que les lectures nous présentent.

 

Pour commencer, nous devons lutter, à l’instar de Josué. Celui qui fera entrer le peuple en Terre promise et engagera de terribles batailles face à ses habitants a d’abord fait preuve de sa bravoure dans le désert, en particulier lors du combat contre les Amalécites. Amalec, dans tout l’Ancien testament, symbolise le mal. Pour le vaincre, il faut être prêt à lutter jusqu’à donner sa vie. Ce mal peut être un ennemi extérieur, comme avec Amalec, mais aussi intérieur : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché » (Héb 12,4). Quand il est extérieur, il faut prendre des armes qui tuent, comme lorsqu’il fallut résister aux nazis qui voulaient asservir le monde. Mais quand il est intérieur, il faut prendre d’autres armes, celles que décrit saint Paul : « prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon. Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu » (Ep 6,13-17) Ce glaive de la Parole de Dieu, Paul en décrit toute la puissance dans sa seconde lettre à Timothée (2° lect.): « Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien ». C’est pourquoi, en tant que disciple du Christ, « proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage ». Comment ? « Toujours avec patience et souci d’instruire ». Et dans quel but ? « Communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ ». Souvenons-nous comment Jésus a résisté à Satan dans le désert : à chacune des tentations, il a répondu par la Parole de Dieu. Au moment de la conquête du Nouveau monde, les conquistadors tuaient avec leurs épées, alors que les missionnaires donnaient la vie avec le glaive de la Parole… Pour éradiquer le mal dans le monde, et d’abord en nous-mêmes, nous devons aiguiser notre glaive, c’est-à-dire approfondir notre connaissance de la Parole de Dieu, qui nous communiquera la sagesse. Notre monde regorge de connaissances, mais manque terriblement de cette sagesse, qui est le don le plus élevé de l’Esprit Saint.

 

Lutter contre le mal est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut aussi prier. Pendant que Josué combattait sur le terrain, Moïse se tenait sur le sommet de la colline avec la main levée. « Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amalec était le plus fort » (1° lect.) L’action et la contemplation doivent toujours aller de pair. Saint Ignace de Loyola disait: « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu ». N’oublions pas que les missionnaires ont deux saints patrons : non seulement François Xavier, qui a parcouru des distances immenses pour évangéliser, mais aussi Thérèse de Lisieux, qui n’est jamais sortie de son couvent. Elle entretenait une belle relation épistolaire avec deux missionnaires, et elle priait pour eux et leurs confrères. Peu après avoir commencé sa mission dans les rues de Calcutta avec ses compagnes, Mère Teresa a demandé à une femme qui n’avait pas pu les rejoindre à cause de sa santé d’œuvrer avec elles pour la mission par sa prière. Celle-ci a un pouvoir  immense, comme Jésus le révèle dans l’évangile. A l’aide d’une parabole, il nous incite à faire preuve de confiance et de persévérance. Si un juge « dépourvu de justice », « qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes », a répondu aux appels d’une pauvre veuve, « comment Dieu ne ferait-Il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit » ? Ce que Jésus ajoute peut nous surprendre et sembler contredire notre expérience : « Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice ». Non seulement il nous semble que le Seigneur n’exauce pas toujours « bien vite » nos demandes et qu’Il nous fait attendre, mais aussi que parfois Il ne les exauce pas du tout. En réalité, « faire justice » signifie que le Seigneur nous donne ce qui est juste, qui n’est pas forcément ce que nous attendions. C’est pourquoi, lorsque nous prions, imitons Jésus qui dit à Gethsémani : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. » (Mt 26,39) Prions pour nous-mêmes, mais aussi pour les autres, sans craindre de demander leur prière pour nous parfois, comme le pape François le fait souvent.

 

Lutter et prier sont nécessaires pour vaincre le mal, mais pas encore suffisants : nous devons aussi nous entraider. Sans Aaron et Hour, Moïse n’aurait pas pu accomplir sa mission jusqu’au bout. « Aaron et Hour lui soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi les mains de Moïse restèrent fermes jusqu’au coucher du soleil ». Lorsque Jésus a accompli sa mission avec ses disciples, ils ont été soutenus par la prière de sa mère, mais aussi par « Jeanne, femme de Kouza, intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les servaient en prenant sur leurs ressources » (Lc 8,3)… Pendant la première guerre mondiale, pendant que tous les hommes en âge de combattre étaient au front, et que les religieux ou religieuses priaient dans leurs couvents, une multitude de femmes servaient à l’arrière, faisant fonctionner les usines et les tracteurs afin que les soldats puissent avoir des armes, des munitions, des vêtements, de la nourriture… Dans les monastères eux-mêmes, alors que les frères de chœur se consacrent davantage à la prière, les frères convers sont plus dirigés vers les taches matérielles (sans être dévalorisés par rapport aux premiers).

 

Ainsi, frères et sœurs, nous ne pourrons vaincre le mal que si nous luttons comme Josué, nous prions comme Moïse, et nous nous entraidons comme Aaron et Hour. Prenons exemple sur le Christ, qui est venu sur la terre pour nous délivrer du mal. Jésus est le nouveau Josué (les 2 noms ont la même racine, Yeshouah, Dieu sauve), il est le nouveau Moïse (qui donnera la nouvelle loi, celle de l’Evangile), et il est le serviteur par excellence, plus grand qu’Aaron et Hour. Durant son agonie à Gethsémani, il a lutté jusqu’à transpirer des gouttes de sang, il a prié son Père, et il a continué de vouloir aider ses disciples en les incitant à la prière eux aussi. Nous aussi, nous pouvons unifier en nous ces 3 dimensions. « Priez sans cesse » nous demande le Seigneur (1Th 5,17). Cette prière continuelle nécessite une lutte parfois très rude, et elle doit naturellement être accompagnée par le service concret de nos frères (même si elle constitue en elle-même une façon de les servir). Ce triple engagement n’est possible que notre foi est vivante et ferme. C’est pourquoi Jésus demande en conclusion de sa parabole : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre » ? Seigneur, donne-nous toujours la foi. Même si elle est petite comme une graine de moutarde, elle nous permettra de lutter contre le mal, en nous-mêmes et dans le monde. AMEN.