Viens, Esprit Saint

« Sans l’Esprit Saint, Dieu est loin, le Christ reste dans le passé, l’Evangile est une lettre morte, l’Eglise une simple organisation, l’autorité une domination, la mission une propagande, le culte une évocation et l’agir chrétien une morale d’esclave. Mais en lui, le cosmos est soulevé et gémit dans l’enfantement du Royaume, le Christ ressuscité est là, l’Evangile est puissance de vie, l’Eglise signifie la communion trinitaire, l’autorité est un service libérateur, la mission est une Pentecôte, la liturgie est mémorial et anticipation, l’agir humain est déifié ». Frères et sœurs, ces paroles magnifiques du Métropolite Ignace de Lattaquié nous rappellent la place centrale que l’Esprit Saint occupe dans le dessein de Dieu… Et dans nos vies, occupe-t-il vraiment cette place centrale ? Le jour de notre Confirmation, il nous a été donné, mais le laissons-nous nous mouvoir réellement ? Savons-nous accueillir ses sept dons et en vivre ? En ce 7ème dimanche de Pâques, situé entre l’Ascension du Seigneur et la Pentecôte, l’Eglise nous invite à nous mettre en prière, à l’image des apôtres. Pendant 40 jours, le Christ les a non seulement affermis dans la joie de sa Résurrection, mais il leur a aussi annoncés qu’ils seraient bientôt appelés à témoigner partout de cet évènement, Bonne Nouvelle par excellence. Pour le moment, ils n’en sont pas encore capables, mais ils se tiennent tous réunis au Cénacle, avec  quelques femmes, dont la Vierge Marie. « D’un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière », écrit saint Luc. Quelle est leur prière ? L’évangéliste ne le précise pas, mais nous pouvons être sûrs qu’ils demandent à Dieu de les aider à accueillir le Don que Jésus leur a promis, comme nous l’avons entendu jeudi : « vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1,8)

Nous aussi, prions le Seigneur de nous aider à accueillir à nouveau son Esprit avec ses sept dons. Ces dons, le prophète Isaïe en a d’abord énuméré six dans sa description du Messie à venir, et la Tradition en a ajouté un septième. Ils peuvent être analysés deux par deux, pour aboutir au septième d’entre eux, la sagesse, qui en constitue le sommet. Nous verrons comment chacun se manifeste dans la grande prière de Jésus que saint Jean nous a laissée au chapitre 17 de son Evangile, qu’on appelle la « prière sacerdotale ».

 

Les deux premiers dons de l’Esprit sont la Crainte et la Piété. Ils nous permettent de nous situer de manière juste par rapport à Dieu lui-même. La crainte biblique n’a rien à voir avec la peur de Dieu. « N’ayez pas peur » est un des refrains les plus répandus dans l’Ecriture, et dont saint Jean-Paul II avait fait son leitmotiv. La crainte nous donne le sens de la grandeur et de la sainteté de Dieu, et en même temps de notre petitesse et de notre péché. Nous préservant de l’orgueil, elle engendre en nous une attitude de respect et d’adoration : au fond, elle est la crainte d’offenser un Dieu si grand et si bon. Jésus lui-même éprouvait de la crainte pour son Père. Dans la prière que nous venons d’entendre, il lui demande : « Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie ». Le mot gloire, kavod en hébreu, renvoie au poids d’un être : il ne concerne pas l’apparence, ce qui se voit seulement, mais il touche la réalité même de cet être. Le désir du Fils est que son Père soit reconnu pour ce qu’il est, non dans le rayonnement parfois superficiel qui est celui de la gloire humaine, mais dans son Etre profond.

L’Esprit Saint associe au don de crainte celui de piété. Alors que le premier met en place une juste distance entre Dieu et sa créature, le second les rapproche comme un père et son enfant. La piété n’est pas une attitude de dévotion purement extérieure, mais un sentiment de tendresse qui nous protège de l’égoïsme et nous invite à la confiance envers Dieu et envers nos frères. Le mot de « Père », qui revient sans cesse dans la bouche de Jésus, révèle son intimité avec Lui.  Et il appelle ses apôtres ses « amis »

 

Les deux dons de l’Esprit suivants nous aident à accomplir la volonté de ce Dieu qui est notre Créateur et notre Père. Le Conseil nous montre le chemin, et la Force nous permet de le suivre quels que soient les difficultés. Au moment du dernier repas, Jésus dit à son Père : « l’heure est venue ». L’Esprit de Conseil lui a fait comprendre que le moment de donner sa vie était enfin arrivé, et Il va lui donner la Force de ne pas reculer face à la souffrance. « Père, glorifie-moi », cela signifie « fais que je sois vainqueur du mal et de la souffrance, afin que ton Amour tout-puissant rayonne sur le monde ». Dans sa première lettre, saint Pierre veut réveiller ce don de force chez les chrétiens persécutés à cause de leur foi: « si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, heureux êtes-vous, puisque l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous. » (2° lect.)

 

Le Seigneur nous appelle à accomplir sa volonté pour que son Règne vienne, mais aussi à contempler son œuvre déjà accomplie. Pour cela, l’Esprit nous offre la Connaissance et l’Intelligence. La première concerne le monde créé, et la seconde les Ecritures. La connaissance ne nous donne pas un savoir livresque et abstrait, mais elle nous permet de voir l’invisible dans le visible. Elle nous permet de comprendre la vanité de ce monde visible, et d’espérer en même temps la venue du Règne de Dieu. L’intelligence, quant à elle, nous fait pénétrer le sens de l’Ecriture. C’est le don que Jésus a fait aux disciples d’Emmaüs : « Alors ils se dirent l’un à l’autre : “Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ?” » (Lc 24,32)

C’est parce qu’il possède le don de connaissance que Jésus dit : « ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés ». Est-ce que Jésus manque d’amour pour ceux qui ne croient pas en lui ? Non, mais il sait qu’il ne pourra les toucher que par le témoignage de ses disciples. On peut dire de lui ce que Paul VI dira de l’Eglise, il est « expert en humanité ». Quant au don d’intelligence, c’est grâce à lui que Jésus a établi des synthèses prodigieuses de l’Ecriture, comme par exemple celle-ci : « la vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ ».

 

Finalement, l’Esprit Saint nous offre le plus grand de tous les dons : la Sagesse. Grâce à elle, qui nous unit à Dieu, nous pouvons goûter et juger de toutes choses avec son regard d’amour. Le mot « sapere », en latin, signifie d’ailleurs à la fois goûter et avoir du jugement. La sagesse est donc l’attribut par excellence de ceux qui gouvernent. Jésus rappelle qu’il est le Roi de l’univers lorsqu’il dit à son Père: « comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. » C’est ensemble que les trois Personnes de la Trinité ont créé l’univers « avec sagesse et par amour » (prière euch. n° 4).

 

La pandémie du covid, frères et sœurs, ressemble aux tempêtes de l’évangile, comme le pape François l’avait fait remarquer lors de sa bénédiction urbi et orbi le 27 mars, seul sur la place Saint Pierre. Heureusement, l’Esprit Saint nous offre des dons très précieux pour nous aider à nous diriger malgré tout vers la Terre Promise. La crainte est l’ordre de mission qui nous indique notre destination. La piété est la radio qui nous permet de rester en communication constante avec le Seigneur. Le conseil est notre boussole qui nous indique la direction. La force est notre voile ou notre moteur, qui nous donne d’avancer malgré toutes les difficultés. La connaissance est notre expérience de capitaine, qui connaît l’océan et ses dangers, notamment les chants des sirènes. L’intelligence est notre carte, grâce à laquelle nous avons une vision globale de notre parcours. La sagesse, enfin, est notre gouvernail, qui nous permet de tenir le bon cap. Cette semaine, cherchons à mieux utiliser tous ces instruments, et voguons joyeusement vers la Terre Promise !

 

P. Arnaud