Notre famille, foyer d’amour ?

Frères et sœurs, quelle place donnons-nous à notre famille ? Dans notre société hyper individualiste, la famille reste un lieu privilégié pour beaucoup, comme en témoignent les fêtes de fin d’année où beaucoup se déplacent pour rejoindre la leur. Pour autant, la famille moderne est fragile, comme le manifeste le nombre de divorces, et elle ne ressemble pas à celles du passé. Les familles homoparentales et celles avec deux parents de même sexe côtoient celles plus « classiques », avec tout autour beaucoup de personnes seules et de couples sans enfants… Ceci signifie-t-il que la sainte famille, qui paraît très éloignée de nous aussi bien dans le temps que dans la manière de vivre, ne peut aider qu’un petit nombre ? Au contraire, Joseph, Marie et Jésus peuvent tous nous aider, car ils forment un magnifique foyer d’amour. Un foyer, parce qu’il en jaillit un feu qui peut  illuminer notre intelligence et réchauffer notre Espérance. A leur école, je vous propose de méditer sur le foyer d’une famille « classique », car je crois que même les autres pourront en tirer profit en transposant certains enseignements à ce qu’elles vivent. Dans ce foyer, plusieurs bûches brûlent : au centre, l’amour des époux l’un pour l’autre ; autour, l’amour du père et de la mère pour leurs enfants; aux extrémités enfin, l’amour des enfants pour leurs parents et les uns pour les autres.

 

Pour commencer, la famille est fondée sur l’amour mutuel d’un homme et d’une femme. Cet amour est premier à la fois dans le temps, mais aussi dans l’ordre des priorités : même lorsque les enfants naissent et grandissent, il doit toujours demeurer au cœur du foyer. Les époux qui cessent de se témoigner de l’amour pour se consacrer exclusivement à leurs enfants mettent en péril à la fois le couple et la famille elle-même. Pour un enfant, rien n’est plus constructif que de voir ses parents s’aimer. C’est pourquoi les couples doivent toujours continuer de prendre du temps pour eux-mêmes. Ils ne seront solides que s’ils s’établissent sur les deux piliers que sont la communication et le pardon. Pour communiquer et se pardonner, il leur faut prendre du temps et du recul par rapport à leurs enfants. Loin d‘être un abandon, ce type de « retraite » sera bénéfique à tous.

Joseph et Marie se sont beaucoup aimés. Avant même que Dieu intervienne directement dans leurs vies, ils s’étaient choisis l’un l’autre. Ils ont mis en pratique les exhortations de saint Paul aux Colossiens : « Vous les femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c’est ce qui convient.
Et vous les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas désagréables avec elle »
(2° lect.). Marie s’est soumise à Joseph non par crainte, mais avec respect et confiance. Joseph a aimé Marie non de manière possessive, mais avec générosité et esprit de sacrifice.

 

Autour de la bûche centrale de l’amour conjugal qui brûle dans un foyer, deux autres bûches se consument : celles de la mère et du père pour leurs enfants. La première est celle de la mère, car c’est elle qui joue le rôle le plus important au départ. Pendant les premiers mois de sa vie, l’enfant vit dans une sorte de fusion avec sa maman. Celle-ci l’a nourri pendant 9 mois dans ses entrailles, et elle peut continuer de le faire ensuite avec son sein. Elle donne à l’enfant la tendresse dont il a besoin. Progressivement cependant, il faut que l’enfant apprenne à connaître le monde qui l’entoure. C’est le rôle du père, à qui la maman prend soin de donner une place dans le cœur de l’enfant, d’ouvrir les horizons de son enfant tout en le protégeant. Alors que la maman est la maîtresse du foyer, le papa est celui qui emmène l’enfant au-dehors et lui apprend à vivre dans la société.

Nul doute que Marie a donné à Jésus beaucoup de tendresse. Il suffit de contempler les icônes appelées justement « vierges de tendresse » pour en être persuadé. Quant à Joseph, il a appris à Jésus son métier de charpentier. Il l’a aussi protégé avec sa mère des dangers qui le menaçaient, en particulier du roi Hérode qui cherchait à le faire périr. Pour accomplir sa tâche, Joseph a su être à l’écoute du Seigneur. L’autorité dont il a su faire preuve envers sa famille, assez grande pour la faire se déplacer dans des conditions qu’on peut imaginer difficiles à chaque fois, il la recevait de Dieu, à qui il se soumettait lui-même. Dans l’évangile, nous pouvons admirer sa docilité et sa simplicité, signes non de faiblesse mais au contraire de force intérieure et de confiance. Il faut en effet être fort et confiant, pour accepter de changer ainsi de vie sans la moindre hésitation à plusieurs reprises.

 

Autour des deux bûches de l’amour parental brûlent deux autres : celles de l’amour filial et de l’amour fraternel. En grandissant, les enfants doivent apprendre à aimer leurs parents. L’Ancien Testament souligne souvent l’importance de cet amour. Dans le Décalogue, il s’agit du 4ème commandement, le premier auquel est assorti une promesse : « Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. » (Ex 20,12) De même, le Siracide insiste sur ce commandement: « Celui qui honore son père obtient le pardon de ses fautes, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor » (1° lect.). Saint Paul le rappelle aussi: « Vous les enfants, en toutes choses écoutez vos parents ; dans le Seigneur, c’est cela qui est beau » (2° lect.). Quant à l’amour fraternel, toute la Bible y exhorte également, depuis le meurtre d’Abel par Caïn.

Jésus lui-même, cependant, n’a-t-il pas failli au commandement de l’amour parental ? Souvenez-vous de l’épisode du Temple, lorsqu’il avait 12 ans. Alors qu’il était parti à Jérusalem avec ses parents, il les avait laissés le chercher pendant 3 jours, s’attirant le reproche de Marie elle-même : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! » Jésus avait alors répondu : « « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être.” Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. » (Lc 2, 48‑50) Jésus n’a-t-il pas manqué de respect envers ses parents ? Ne méritait-il pas d’être puni comme s’il avait fait une fugue ? En réalité, Jésus a agi ainsi par amour de Marie et de Joseph. Il voulait leur permettre de passer d’un amour affectif à un amour plus spirituel, qui tiendrait compte non seulement de son origine humaine, mais aussi de son origine et de sa mission divines.

Par ailleurs, s’il est vrai que Jésus n’avait pas de frère de sang, il avait des cousins, et surtout des frères d’adoption, qu’il a su aimer de tout son cœur, jusqu’à leur donner sa vie.

 

Ainsi, frères et sœurs, rendons grâce pour tout ce que nous avons reçu de nos familles, et prenons Joseph, Marie et Jésus comme un modèle toujours valable. Leur foyer a émis un feu qui continue de nous éclairer et nous réchauffer. Ce feu est celui de l’Esprit Saint : c’est parce que tous les trois étaient habités et mus par l’amour de Dieu qu’ils se sont tellement aimés mutuellement. Lorsque l’amour de Dieu manque dans une famille, et que seuls les liens humains restent, elle est en danger. Lorsqu’il est présent, au contraire, elle peut se fortifier et s’ouvrir aux autres. Au-delà du baptême, c’est aussi cet amour qui fait de tous les chrétiens de véritables enfants du Père, et des frères et sœurs du Christ: « celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère. » (Mt 12,50) Demandons à la Sainte Famille d’intercéder pour nos propres familles, mais aussi pour celle des chrétiens – l’Eglise – afin qu’elles soient des foyers d’amour toujours plus rayonnants. AMEN.