Je suis le bon pasteur

Qu’est-ce qu’un prêtre ? Frères et sœurs, en cette journée mondiale de prière pour les vocations, où nous sommes invités à prier le Seigneur pour qu’il donne de nouveaux prêtres à son Eglise, il est important de nous poser cette question. Pour que les chrétiens soient portés à prier pour leurs prêtres, et pour  que des jeunes puissent entendre l’appel du Seigneur, il faut d’abord qu’ils comprennent l’identité et la mission du prêtre. Avant tout, il est un pasteur. Toutes les lectures de ce dimanche nous en parlent : le psaume (« le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien ») ; la 2° lecture (« vous étiez errants comme des brebis;  mais à présent vous êtes revenus  vers le berger qui veille sur vous ») ; l’évangile bien sûr (« celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis ») et même la 1° lecture (« détournez-vous de cette génération égarée », qui rappelle les brebis perdues). Quel est le rôle d’un pasteur ? La réponse tient en trois mots : nourrir, protéger et guider. Pour les brebis, cela signifie : nourrir en allant jusque dans les verts pâturages, protéger des loups, guider à travers les chemins escarpés. Pour nous les hommes, cela signifie : enseigner, sanctifier et gouverner. Enseigner, c’est nourrir les hommes de la parole de Dieu ; sanctifier, c’est les rendre forts contre le mal et contre la mort ; gouverner, c’est les conduire vers leur bonheur, en évitant les chemins de traverse. Ces trois mots correspondent aux trois vocations que chaque chrétien reçoit le jour de son baptême : prophète, prêtre et roi. Chaque fidèle est appelé à enseigner, à sanctifier et à gouverner d’autres personnes. Mais le prêtre le fait d’une manière spécifique, qui correspond à celle du Christ-Tête de son Eglise, le Christ qui a proclamé, comme nous l’entendrons dimanche prochain : « Je suis le chemin, la vérité, la vie »Voyons comment le prêtre enseigne pour faire connaître la Vérité, sanctifie pour transmettre la Vie, et gouverne pour guider sur le chemin vers Dieu.

 

Pour commencer, le prêtre enseigne. Il le fait dès qu’il a reçu le premier degré du sacrement de l’ordre, le diaconat. En grec, diakonos signifie serviteur. Le diacre sert les autres avec ses mains, mais aussi avec son intelligence. Il répond aux besoins matériels (cf Ac 6), mais aussi aux besoins spirituels. C’est pourquoi il proclame l’évangile et peut prêcher. Saint François d’Assise, qui fut ordonné diacre mais refusa par humilité de devenir prêtre,  a laissé des sermons enflammés du feu de l’Esprit.

Pourquoi enseigner ? Parce que l’homme est assoiffé de Vérité. «Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres.» (Jn 8,32) La Vérité n’est pas un savoir abstrait, elle est une Personne vivante qui nous appelle à la suivre. Pour la connaître vraiment, il faut demeurer fidèle à sa parole, ce qui signifie aussi écouter sa voix. « Quand le bon berger a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. » L’enseignement du prêtre n’est donc pas destiné à donner un savoir abstrait, mais à libérer l’homme de toutes ses chaînes en l’invitant à mettre en pratique les commandements du Seigneur. Le prêtre est conscient de communiquer une Vérité qui ne lui appartient pas, et qu’il cherche lui-même à suivre. Il est un semeur, qui espère que son enseignement tombera dans la bonne terre et produira beaucoup de fruit.

 

En plus d’enseigner, le prêtre sanctifie. Le jour de son ordination sacerdotale, il reçoit le pouvoir de célébrer les sacrements de l’Eucharistie, de la réconciliation et des malades. L’Eucharistie constitue le cœur de sa journée. Par elle, il nourrit les fidèles pour que chacun puisse offrir sa vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu (Rm 12,1). En même temps, il se nourrit et s’offre lui-même, au point de faire siennes les paroles du Christ : « Ceci est mon corps livré pour vous… ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude». Alors que la première partie de la messe est comme le prolongement de sa mission d’enseignement, qui culmine dans l’homélie, la seconde partie est au cœur de sa mission de sanctification. Celle-ci se prolonge elle-même dans les sacrements de la pénitence et des malades, destinés à guérir les brebis blessées dans leurs âmes et dans leurs corps. Alors que la Vérité est destinée à rendre l’homme libre, la sainteté le rend pleinement vivant : « je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. »

Le saint patron des prêtres, le curé d’Ars, prenait certes du temps pour enseigner le catéchisme aux enfants de l’école qu’il avait créée et pour préparer ses homélies, mais l’essentiel de son ministère était consacré à la célébration de ces trois sacrements. Depuis le début du confinement, c’est une souffrance pour nous de ne pouvoir les célébrer qu’avec parcimonie, ou par écran interposé.

 

En plus d’enseigner et de sanctifier, le prêtre gouverne : « il marche à la tête des brebis, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. » Il le fait en tant que collaborateur de l’évêque, dont c’est la mission propre. Alors qu’il enseigne pour faire connaître la Vérité et qu’il sanctifie pour communiquer la Vie, il gouverne pour indiquer le Chemin qui mène vers le Royaume. Ce n’est pas parce qu’un fidèle connaît bien l’enseignement du Christ et reçoit régulièrement ses sacrements, qu’il connaît forcément le chemin qu’il doit emprunter personnellement pour avancer vers Dieu. Par exemple, n’importe quel jeune devrait se poser la question de sa vocation : « suis-je appelé au mariage ? à la vie religieuse ? au sacerdoce ? »  Même s’il se laisse enseigner et sanctifier dans l’Eglise, il ne saura pas forcément répondre seul à cette question. De même, un homme ou une femme plus âgés peuvent avoir besoin d’aide pour prendre des grandes ou petites décisions. C’est particulièrement vrai dans notre société où de nombreux mauvais bergers, ceux que Jésus qualifie de « voleurs » et de « bandits », cherchent à nous conduire dans des précipices… C’est pourquoi l’Eglise invite les chrétiens à recourir à un accompagnateur spirituel, particulièrement lorsqu’ils sont confrontés à des choix importants. L’accompagnement peut être ponctuel, comme dans le cas d’une retraite, ou suivi dans le temps. Il peut être offert par des laïcs expérimentés, ou par des religieux ou des religieuses, mais il est certain que le prêtre reçoit par son ordination une grâce et par son ministère une connaissance de l’être humain qui peuvent l’aider dans cette mission.

Prenons des exemples parmi les évêques. Saint Charles Borromée et saint François de Sales ont tous deux excellé pour gouverner à la fois les prêtres et les fidèles de leurs diocèses. Quant à notre archevêque, c’est parce qu’il l’a demandé que, ces deux dernières années, nous vous avons proposé comme thèmes pastoraux « la foi » puis « l’appel », qui seront suivis après l’été de « la mission ».

 

Ainsi, frères et sœurs, le prêtre reçoit la mission d’enseigner les hommes pour que la Vérité les rende libres, de les sanctifier pour qu’ils aient la Vie en abondance, et de les gouverner pour leur indiquer le Chemin sur lequel Dieu les appelle. Il conduit au Christ, qui est « la porte » par laquelle ils peuvent sortir des prisons de leurs péchés et de leurs erreurs. Cette mission est difficile, et le prêtre ne peut l’accomplir de manière féconde que s’il est uni au Souverain Prêtre, le Bon Pasteur par excellence, le Christ-Tête de son Eglise. Prions pour tous les prêtres, afin que nous soyons toujours plus unis à Celui que nous représentons et qui nous envoie. Prions aussi pour tous les jeunes qui devront choisir un chemin de vie : que chacun sache entendre l’appel du Seigneur et y répondre avec confiance. AMEN.

P. Arnaud