Je suis le chemin, la vérité et la vie
Frères et sœurs, quel est notre désir le plus profond, notre but dans la vie ? Est-ce seulement de réussir à survivre, sous la forme « métro boulot dodo », avec un travail qui paie suffisamment pour bien vous nourrir, vous vêtir, vous loger, et prendre de temps en temps des vacances ? Ou sommes-nous habités par un grand désir, semblables aux grands hommes qui ont marqué l’histoire de l’humanité ? « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va », disait Sénèque. Alexandre voulait conquérir l’ensemble du monde pour le découvrir et pour lui apporter les bienfaits de la civilisation grecque. Christophe Colomb voulait parvenir jusqu’aux Indes. Napoléon Bonaparte voulait répandre les idées des Lumières et de la Révolution française… Même si nous pouvons admirer ces grands hommes pour les nombreuses vertus qu’ils ont dû exercer pour atteindre leurs objectifs, prenons plutôt exemple sur Philippe, qui dit à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Philippe a compris l’essentiel, à savoir que nous ne pouvons trouver le bonheur qu’en atteignant Celui qui nous a créés. Plus tard, saint Augustin dira : « notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ». Et sainte Thérèse d’Avila s’écrira : « Dieu seul suffit ». Mais ce que Philippe n’a pas compris, c’est que nous ne pouvons l’atteindre qu’en Jésus Christ : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. » Le Christ est donc à la fois « le chemin », puisqu’il est homme, et le but, puisqu’il est Dieu, c’est-à-dire qu’il est « la vérité et la vie ». Les moyens (le chemin) sont aussi importants que la fin (la vérité et la vie). Voyons ce que ces 3 mots signifient.
« Je suis le chemin ». La tentation de l’homme, c’est de se concentrer sur la fin et de négliger le chemin pour l’atteindre. Machiavel a eu tort d’écrire que « la fin justifie les moyens ». En réalité, « le but est déjà dans le chemin » (Lao Tseu). Les pèlerins de Compostelle ne partent pas pour aller découvrir cette ville, qui n’a rien d’extraordinaire, mais pour marcher vers elle, jour après jour. La Fontaine l’exprime dans la fable du laboureur et de ses enfants. Le vrai trésor n’est pas un coffre caché dans le champ, mais le travail acharné qui permet de le labourer en profondeur et de le rendre fertile. Certes, la vérité est fondamentale, nous allons le voir ensuite, mais la façon d’y parvenir et de la communiquer l’est tout autantii. Socrate est devenu célèbre non pas tant par ses maximes que par sa façon de les amener, qui était une véritable maïeutique. Lui qui était le fils d’une sage-femme connaissait l’importance du temps et excellait dans l’art du dialogue et du questionnement.
Alors, quel chemin le Christ nous invite-t-il à parcourir avec lui ? Celui de l’amour, qui s’exprime par le service des autres et par l’acceptation de la souffrance. Autrement dit, c’est celui de la croix : « elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s’y engagent. Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent. » (Mt 7,13-14) Ces paroles contrastent avec celles que nous avons entendues il y a un instant : « dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ». Certes, Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité », mais « il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus » (1 Tm 2,4-5). Le chemin sur lequel il nous invite à marcher n’est pas le plus facile, il est parfois raide et sinueux, mais il est le plus beau et le seul qui nous conduise au but. Et surtout, il le parcourt avec nous ; comme avec les disciples d’Emmaüs, il est un bon compagnon qui nous écoute et rend notre cœur tout brûlant par ses paroles. Quelle bonne nouvelle, en particulier aujourd’hui où tant d’hommes et de femmes souffrent à la fois de la solitude et d’une absence de sens qui les entraîne soit dans le désespoir, soit dans les bras du premier gourou venu !
« Je suis la vérité ». Par nature, les hommes sont désireux de connaître la vérité. La pollution des fake news nous en fait mieux prendre conscience. La vérité peut être recherchée dans la bible, mais aussi dans la création et dans l’âme (les 3 livres fondamentaux dont parlaient les théologiens du Moyen Age). Certains savants ont passé toute leur vie et consacré tous leurs efforts à percer les secrets de la nature, de l’être humain, de l’histoire. Louis Pasteur, grâce à ses découvertes sur les microbes, a permis à la médecine du XIX° s. de faire un immense bond en avant… De fait, les vérités scientifiques existent, et même des croyants non-chrétiens peuvent connaître des bribes de la vérité sur Dieu. Les Pères de l’Eglise évoquaient les « semina verbi », les semences de vérité disséminées dans toutes les cultures. Mais seul le Christ possède toute la Vérité ; mieux, il est la vérité elle-même. Elle n’est donc pas un savoir abstrait, mais une Personne vivante. C’est pourquoi nous ne pourrons jamais saisir toute la vérité, mais nous pouvons nous laisser saisir par elleiii.
« Je suis la vie ». Toutes les créatures cherchent à préserver leur vie. Mais l’homme ne veut pas seulement éviter de mourir, il aspire à la vie éternelle. C’est ce désir qui a poussé les Egyptiens à momifier leurs morts, et toutes les civilisations à les enterrer avec respect et souvent avec des objets ou même des compagnons pour l’au-delà.
Mais dans toutes les croyances, l’homme après la mort est amputé de son corps. Le christianisme, pour sa part, annonce avec force la résurrection des corps. Mieux encore, il déclare que nous, les croyants, nous pouvons participer à la vie divine. Tout comme Jésus qui nous dit : « je suis dans le Père, et le Père est en moi », nous pouvons entrer en communion avec les trois Personnes divines. C’est si vrai qu’il nous dit d’une manière solennelle : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. » Quelle humilité du Fils de Dieu ! Quelle magnanimité ! Il nous laisse accomplir des œuvres plus grandes que lui ! Lui-même n’a accompli son ministère sur la terre que pendant trois années, et dans un petit coin de la planète, la Palestine, mais c’était pour laisser à ses disciples la possibilité de poursuivre son œuvre, comme saint Paul, qui a évangélisé tant de peuples. Aujourd’hui, grâce aux prouesses de la technologie, on peut évangéliser des milliards d’êtres humains.
Alors, notre plus grand désir est-il de suivre le Christ, qui est « le chemin, la vérité et la vie » ? Lui seul peut nous combler, mais nous ne le serons pleinement qu’au ciel. En attendant, nous devons cheminer, avec le risque de parfois nous tromper. « Qui n’avance pas recule » dit le proverbe. Ou tombe par terre, quand il est à vélo. En cette période de grandes incertitudes, ne nous laissons pas paralyser par la peur. Il est dangereux de rester immobiles. Être en mouvement avec le Christ, paradoxalement, nous rend solides comme des pierres, malgré toutes nos faiblesses. Saint Pierre nous a dit : « il est la pierre vivante. » (1° lect.) Et il nous a exhortés ensuite : « Vous aussi, soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel ». N’oublions pas que le mot « amen », « je crois » en hébreu, est de la même racine que le mot « rocher ». Par notre foi, marchons à la suite du Christ. Il nous rendra solides comme des pierres et nous guidera jour après jour vers la vérité et vers la vie, et avec lui nous accomplirons de grandes œuvres pour aider nos frères et sœurs à le suivre eux aussi.
P. Arnaud