Goûtez et voyez : le Seigneur est bon !

« Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! » Frères et sœurs, comment goûter la bonté de Dieu, comme le psaume de ce dimanche nous y invite ? En ce moment dans notre pays, beaucoup sont déçus de leur existence. Les manifestations qui se succèdent depuis quelques années, au-delà des revendications diverses qui sont exprimées, manifestent surtout un ras-le-bol d’une vie qui ne comble pas. Dans les stades de foot ou des jeux olympiques, ou dans les salles de concert, les spectateurs sont en quête d’une forme d’extase et de communion. Ils expérimentent sans doute quelque chose de divin, mais il s’agit d’un pâle reflet ou d’une saveur médiocre par rapport à ce qu’ils pourraient goûter. En réalité, comme le dit saint Augustin : « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ». Tous les hommes, parce qu’ils sont créés à l’image de Dieu, le cherchent. Le problème, c’est que nous le cherchons souvent là où Il ne se trouve pas. Ou plutôt, puisqu’Il est présent partout, nous nous mettons nous-mêmes dans des dispositions qui ne nous permettent pas de goûter pleinement sa présence. C’est l’expérience que le prophète Elie a faite : alors que les hommes de son époque croyaient que Dieu se manifestait avant tout dans les évènements grandioses, il a goûté la bonté de Dieu qui n’était présent ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans « le murmure d’une brise légère » (1R19,12). Alors, comment faire nous-mêmes cette expérience ? Suivons les traces d’Elie, premièrement, en laissant le Seigneur nous donner des forces lorsque nous sommes abattus. Deuxièmement, en marchant avec courage dans les déserts de nos vies quotidiennes. Troisièmement, en rencontrant le Seigneur dans le cœur à cœur de la prière.

 

Pour commencer, le Seigneur veut nous guérir de nos déprimes, comme Il a guéri Elie (1° lect.). Dans son cas, on pourrait même évoquer une dépression, tant il est abattu. Il est poursuivi par la reine Jézabel, et accablé par la chaleur du désert, dont seul un buisson va le protéger. Quelque temps plus tôt pourtant, il était sur la montagne, celle du Carmel, et le Seigneur s’était manifesté à lui et à tout le peuple en agréant son sacrifice plutôt que celui des 450 prophètes de Baal. Mais emporté par son zèle, il avait alors ordonné de les massacrer tous, sans que le Seigneur le lui ait demandé. Résultat : la reine Jézabel qui les protégeait lui en veut à mort, et il est obligé de fuir. Après avoir marché toute une journée dans le désert, il atteint ses limites physiques et psychologiques : « il demanda la mort en disant : “Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères.” » Il se croyait invincible, protégé par Dieu et meilleur que les autres, et il se sent maintenant abandonné, écrasé par sa faiblesse.

Comment a-t-il retrouvé ses forces ? D’abord en dormant et en mangeant, ce qui nous rappelle la place que nous devons donner à nos corps, « temples de l’Esprit Saint », comme nous l’avons rappelé dimanche dernier. Cependant la nourriture qu’Elie a prise, « un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau », préfigure aussi l’eucharistie. Elle lui a été donnée par « un ange », c’est-à-dire un envoyé de Dieu. Cela signifie que pour sortir de nos déprimes ou dépressions, nous avons besoin des autres, et le Seigneur nous envoie parfois des « anges » pour nous réconforter : une parole tirée de notre lecture de la Bible, ou exprimée par le prêtre lors de la messe, ou par un membre de notre famille pendant un repas, ou par un collègue près de la machine à café…

 

Après avoir repris des forces dans le Seigneur, nous devons marcher vers la montagne, qui symbolise le lieu de la rencontre avec Lui. Pour sa part, Elie « marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu ». Pas mal pour un homme qui voulait mourir ! Le prophète a su faire preuve de résilience. Il y a quelques jours, un de nos meilleurs athlètes, Kevin Mayer, qui était blessé au dos et tenté d’abandonner les jeux olympiques après un début de décathlon très médiocre pour lui, a su se faire soigner efficacement et ensuite, il a remonté la pente et obtenu la médaille d’argent. Nous-mêmes, il peut nous arriver de nous laisser aller après des échecs ou des épreuves douloureuses. Le Christ, lui aussi, aurait pu se sentir découragé bien des fois. Après son discours dans la synagogue de Capharnaüm, non seulement il est toujours en butte aux récriminations des chefs des Juifs parce qu’il avait déclaré : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel » mais bientôt beaucoup de ses disciples vont l’abandonner. Pourtant, Jésus ne se laissera pas abattre et reprendra ensuite sa marche vers Jérusalem et sa Passion. Nous aussi, marchons avec lui chaque jour avec courage puisqu’il est le chemin qui mène vers le Royaume. En particulier, ne restons pas embourbés dans des sentiments mortifères : « Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté ». Au contraire, « soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ » (2° lect.). Quelle belle invitation en cette période où les clivages sont si forts dans notre société !

 

Après avoir marché cependant, il nous est bon de savoir nous arrêter pour rencontrer le Seigneur, comme l’a fait Elie sur le mont Horeb. L’activisme est une des tentations les plus fortes de notre époque, à l’origine d’une multitude de problèmes (le burnout, l’éclatement des familles, l’incapacité à rentrer en soi-même pour mener une vie intérieure…). Mais si le Seigneur s’est reposé le 7ème jour de sa création, c’est pour nous inviter à faire de même. Alors que sur le Carmel, Elie était tombé dans une forme d’activisme, il a compris son erreur et sur l’Horeb, il est dans une attitude d’humilité pour accueillir le don de Dieu. C’est cette attitude que le Christ demande à chacun d’entre nous : « personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ». Il nous suffit de nous laisser guider par le Saint-Esprit, au lieu de l’attrister par notre refus de lui obéir: « n’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance » (2° lect.). Seule une Foi humble permet de reconnaître le Seigneur dans le murmure d’une brise légère ou dans un morceau de pain consacré. Cette Foi consiste avant tout à écouter Dieu: « Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. » N’oublions pas que le premier commandement est : « Ecoute Israël » (Dt 6,2) ! Le Seigneur veut instruire tous les hommes, mais certains refusent de l’écouter, et nous aussi parfois.

 

Pour conclure, frères et sœurs, le Seigneur nous invite à goûter et voir comme Il est bon en toutes circonstances. Mais parfois, nous sommes tentés de récriminer comme les Hébreux dans le désert, ou de dire comme Elie : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Lorsque nous sommes dans ces situations d’épreuve, sachons accueillir les grâces que Dieu nous fera pour reprendre des forces, en particulier dans l’eucharistie, marchons avec courage sur les chemins de nos vies quotidiennes, et prenons aussi des temps de prière pour rencontrer humblement le Seigneur dans le murmure de la brise légère.

 

P. Arnaud