Avec toute l’Eglise, en ce jour, nous célébrons l’institution de l’Eucharistie par Jésus. La veille de sa mort il donne son Corps en nourriture. Il donne à son Eglise la mission de refaire ce geste par le ministère des prêtres dont c’est la fête aujourd’hui. Enfin il appelle ses disciples à la charité fraternelle.

 

Mais d’abord, lorsque nous accueillons la première lecture nous voyons que tout commence par une expérience de délivrance : « Ce sera pour vous le commencement » dit Dieu à Moïse. Vous ferez mémoire de ce jour. C’est la Pâques. Le passage de l’esclavage à la liberté. Ce jour permet au peuple de renouer avec l’Alliance. La joie de la délivrance  éclaire cette fête du Jeudi-Saint. Le sang d’un agneau immolé accompagne ce passage, rend visible la libération : « D’âge en âge vous le fêterez ».

 

Nous avons bien entendu le témoignage de l’apôtre Paul. Il a reçu lui-même de l’Eglise les paroles de Jésus la veille de sa mort : « cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. » C’est toujours pour un passage, une délivrance que son sang nous accompagne. Passage, entrée dans la vie avec le Christ. Non plus passage de l’esclavage à la liberté mais passage de l’infidélité à l’Alliance, à la vie du Royaume déjà présent : « quand vous mangez ce pain, quand vous buvez à cette coupe vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » C’est la communion à la vie du Christ, mort est ressuscité.

 

Cette communion au Corps du Christ n’est pas possible aujourd’hui. Pour beaucoup, vous ne pouvez pas recevoir en nourriture ce Corps livré pour nous par amour. Quand nous communions d’habitude c’est bien le Christ vivant que nous recevons, Celui qui ne cesse d’aimer les siens. Ce que nous recevons d’habitude c’est sa vie, c’est son mouvement d’amour. Dans la célébration de l’Eucharistie, c’est Jésus qui nous prend par la main pour nous conduire à son Père. C’est ce mouvement-là qui est important. Si nous ne pouvons pas réellement communier au Corps du Christ nous pouvons à tout moment nous associer de tout cœur à l’amour que le Christ offre à son Père. Nous pouvons, si j’ose dire, nous prendre par la main, dans la prière, avec Jésus, nous présenter à Dieu, notre Père.

 

Il s’agit de lui présenter ce que nous vivons aujourd’hui, lui parler de ceux avec qui nous sommes confinés. En un mot lui offrir notre vie dans la ferveur de notre prière. Faisons-le de tout cœur. C’est bien ce que veut dire le psaume : Dieu ne refuse pas d’écouter un cœur brisé, c’est-à-dire un cœur qui s’ouvre.

 

La veille de sa mort, Jésus a offert ce repas à ses disciples. Dans le récit, l’évangéliste souligne comment Jésus sait ce qu’il fait. Il maîtrise les événements. Ce ne sont pas les disciples qui se sont rassemblés. C’est Jésus qui les a convoqués. Il a l’initiative. Il les rassemble et construit son Eglise. Et il leur dit « vous ferez cela en mémoire de moi. » Le ministère des prêtres consiste, entre autres, à refaire ce qu’a fait Jésus à cet égard. C’est-à-dire convoquer, appeler les disciples à se rassembler car c’est le Christ qui construit son Eglise. Il est toujours à l’initiative. La présidence du prêtre signifie que c’est le Christ qui nous rassemble et fait de nous son peuple.

 

Rappelons que le mot de ministère signifie service. Et l’esprit du ministère est bien illustré par le geste du lavement des pieds. Ce geste de Jésus nous rappelle qu’il a vécu lui-même dans cet esprit tout au long de sa vie terrestre : le fils de l’Homme est venu pour servir et donner sa vie. Il dit lui-même qu’il nous donne l’exemple. Il nous invite à le suivre sur ce chemin. Dans la situation du confinement qui est la nôtre, nous ressentons plus vivement les contraintes qui nous empêchent de nous mettre au service les uns des autres. Du coup il est plus vif, le souvenir de tous ces moments où nous avions la pleine liberté de le faire et ne l’avons pas fait. Ce temps est, peut-être, propice pour nous laisser appeler à mieux concrétiser cet appel du Seigneur. Loin de cultiver la culpabilité, l’exemple de Jésus nous fait comprendre que la condition du chrétien c’est de vivre cette intranquilité évangélique. Que cette parole de Jésus ne cesse pas de nous ouvrir le cœur. Elle nous rendra plus disponibles à nos frères. Et plus inventifs dans la charité avec la grâce de Dieu.

P. Christophe