Qui est Jésus ?

Frères et sœurs, qui est Jésus ? Lorsqu’on apprend la naissance de quelqu’un, on commence par se réjouir, se contentant de connaître son prénom, comme nous l’avons fait cette nuit. Mais ensuite, on souhaite en savoir davantage : A qui ressemble-t-il ? Est-il plutôt calme ou turbulent ? Et quelques années plus tard, on cherche à savoir ce qu’il veut nous dire, quand il commence à parler. Cette nuit, nous nous sommes réjouis de la naissance de Jésus, mais ce matin, nous souhaitons en savoir plus. Alors, 3 de ses proches vont nous éclairer. L’auteur de l’épître aux Hébreux, d’abord, nous dit qu’il est « le rayonnement de la gloire de Dieu, l’expression parfaite de son être » (2° lect.). Jean, lui, l’appelle « le Verbe » (év.). Le prophète Isaïe, enfin, nous dit qu’il est « celui qui annonce la paix » (1° lect.) Contemplons et écoutons le Christ afin de devenir comme lui des artisans de paix.

 

Avant tout, Jésus est « le rayonnement de la gloire de Dieu, l’expression parfaite de son être ». Depuis toujours, l’homme a cherché à connaître Dieu. Mais à Moïse qui lui demande de « contempler sa gloire », Il répond : «  tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre. » (Ex 33,20) C’est de cette impossibilité que vient le 2ème commandement du décalogue : « Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. » (Ex 20,4) Ni les Juifs ni les Musulmans ne tolèrent les images de Dieu.

Mais si Dieu est invisible, comment le connaître ? Vous connaissez la parole de Voltaire : « Dieu a créé l’homme à son image, et l’homme le lui a bien rendu ». L’imagination a remplacé la vision, et a généré des erreurs sur Dieu. Heureusement pour nous chrétiens, la naissance de Jésus a tout changé : « Qui me voit, voit le Père. » (Jn 14,9) Plus nous contemplons Jésus à travers les évangiles, et plus nous apprenons à connaître Dieu.

 

Le Fils de Dieu peut être contemplé, mais il doit aussi être écouté. Jean nous révèle qu’il est la Parole de Dieu : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ». Ce Verbe est à la fois « vie » et « lumière » : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ». Or, il n’y a rien que l’homme désire plus que vivre et connaître la vérité, c’est pourquoi Jésus dira un jour : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6) Seul celui qui écoute la Parole de Dieu parvient à la vérité et à la vie éternelle, et il devient alors lumière pour les autres : « vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14). Mais cette écoute, pour devenir obéissance (les 2 mots en latin ont la même racine : ob/audire) exige une conversion.

Sommes-nous prêts à nous laisser transformer par la Parole de Dieu ? Notre société nous abreuve d’informations. Mais ces paroles en tous genres ne touchent pas forcément notre cœur, elles ne font que nous effleurer. La Parole de Dieu, elle, peut toucher notre intelligence et notre volonté de la façon la plus profonde. Pour cela, nous devons imiter Marie qui, après avoir écouté les bergers, « retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » (Lc 2,19)

 

Si nous contemplons le Christ et si nous l’écoutons, il devient alors pour nous « le Prince de la Paix » (1° lect. nuit). Jésus est né au moment du recensement de l’empereur Auguste, qui voulait lui aussi apporter au monde la paix. Comparons ces 2 personnages. Tous les 2 ont prétendu être des dieux. Auguste fut le premier à exiger de ses concitoyens d’être vénéré ainsi, et tous ses successeurs ont fait de même. Et Jésus s’est révélé comme le Fils de Dieu. Tous les 2 ont eu le même objectif : donner la paix aux hommes. Après les affres des guerres civiles du dernier siècle de la République romaine, Auguste fit bâtir à Rome l’Autel de la Paix, un monument colossal en l’honneur de Pax, déesse de la Paix. Et Jésus, au moment de son dernier repas, envoya ses disciples en mission avec comme consigne : « dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.” » (Lc 10,5)… Tous les 2 ont également affirmé que pour obtenir la paix, il fallait d’abord faire la guerre : « si vis pacem, para bellum »  disaient les Romains. Et Jésus déclara : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. » (Mt 10, 34) Mais au-delà de ces points communs, il y a une immense différence, que Jésus a soulignée en déclarant lors de son dernier repas : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27) Quelle est la manière du monde de faire la paix ? C’est l’emploi de la force. Si Auguste ordonne « le recensement de toute la terre » qui oblige Joseph et Marie à aller à Bethléem, c’est parce qu’il souhaite savoir sur quel impôt il pourra compter pour payer notamment ses soldats. Et quelle est la manière de Jésus de faire la paix ? Ce n’est pas d’utiliser la violence, comme il le dit à Pierre qui veut le protéger des soldats qui viennent l’arrêter à Gethsémani : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. » (Mt 26,52) Au contraire, Jésus nous invite à la douceur : « À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. » (Lc 6,29) Cette attitude n’est pas synonyme de faiblesse, bien au contraire. Le glaive de Jésus, c’est sa Parole « énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants » (He 4,12).

Entre Auguste et Jésus, qui a réussi ? A première vue, aucun des deux. La paix romaine, que les manuels d’histoire évoquent pour désigner le calme apparent qui a prévalu aux 1° et 2° siècles ap. JC, était plutôt une absence de guerre, mais elle a été suivie par une avalanche de conflits et finalement la destruction de l’empire. Quant à la paix du Christ, que nous échangeons lors de chaque eucharistie, nous constatons qu’elle ne règne pas non plus sur la terre. Pourquoi ? Parce que le Christ, et nous ses disciples, ne voulons rien imposer, contrairement à Auguste. La paix sur la terre demande la conversion de tous. Et d’abord la mienne. Il ne peut y avoir de paix dans le monde que s’il y a la paix dans mon cœur. St Séraphin de Sarov disait : « Acquiers la paix intérieure et des milliers autour de toi seront sauvés. » Mais après le retour du Christ, la paix de Dieu sera établie définitivement : de leurs épées, les hommes forgeront des socs et de leurs lances des faucilles (Is 2).

 

Ainsi, frères et sœurs, l’enfant de la crèche est aussi l’icône du Père, la Parole de Dieu et le Prince de la Paix. Si nous acceptons de le contempler, de l’écouter et de combattre avec lui pour la paix, nous deviendrons semblables à lui. Voilà la Bonne Nouvelle, l’évangile par excellence : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Cela signifie que nous pouvons être nous-mêmes des icônes du Seigneur, comme Paul qui écrit aux Corinthiens : « Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ. » (1 Co 11,1) Nous pouvons parler en son Nom : « Celui qui vous écoute m’écoute. » (Lc 10,16) Et nous pouvons être des princes de la paix : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5,9) Pendant ce temps de Noël, laissons-nous transformer par le Seigneur chaque jour, et c’est ainsi que la joie de Noël pourra se répandre sur toute la terre, chaque jour de l’année. AMEN.

P. Arnaud