2ème Dim. TO, année C

Nous sommes encore un peu dans l’Epiphanie aujourd’hui… La tradition veut en effet que l’Epiphanie regroupe trois passages d’Evangile : les mages qui viennent rendre hommage à l’enfant Jésus –il y a  deux semaines -, le baptême de Jésus –fêté dimanche dernier – et les noces de Cana, que nous venons d’entendre. Trois manières d’évoquer la manifestation au monde du Sauveur. L’Evangile du jour signale explicitement cette manifestation : Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

Mais les épiphanies, les manifestations du Sauveur, ne sont pas uniquement des événements du passé. Nous vivons une épiphanie à chaque messe ; Jésus s’y manifeste, s’y révèle pleinement à nous. Le texte des noces de Cana peut nous aider à comprendre cette épiphanie que nous vivons à la messe, je voudrais donc en souligner trois aspects.

Tout d’abord, ce texte des noces de Cana nous fait bien comprendre que cette manifestation du Christ n’est pas réservée à une élite ou un petit groupe d’initiés. L’épisode se passe à Cana, en Galilée, c’est-à-dire au carrefour des nations, dans un lieu où Israélites et païens se mêlent… Et où tous ont donc à recevoir de ce qu’il se passe dans ce mariage. C’est aussi une des raisons pour lesquelles la quantité d’eau transformée en vin est gigantesque: six jarres de pierre contenant chacune deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres), et le texte insiste bien sur le fait que les six jarres sont remplies à ras bord. 600 litres de vin, soit 800 bouteilles de vin, ou 4800 verres de vin ! Bref, la quantité de vin est astronomique, et c’est là une manière à la fois de souligner la surabondance de l’amour de Dieu, mais aussi de nous montrer que l’invitation à la noce est très large. Il y a de quoi faire…

De même pour la messe : l’invitation à la messe est très large, tout le monde y est convié… Nous ne pourrons jamais épuiser l’amour de Dieu qui s’y répand particulièrement. C’est là le premier éclairage sur l’eucharistie : l’invitation est large, toute célébration eucharistique est un événement pleinement ouvert où chacun est convié. A nous de transmettre cette invitation !

Non seulement tout le monde est convié, mais chacun y est important, à la place qui est la sienne. C’est là un deuxième enseignement que nous pouvons tirer de cet épisode. La diversité des personnages impliqués dans l’épisode des noces de Cana et leur rôle propre est formidable. Il y a bien sûr Jésus, mais aussi ses disciples – qui ont l’air plutôt discrets, qui peuvent sembler en retrait, mais qui vivent là quelque chose de profond : leur foi est nourrie. Ses disciples crurent en lui. Il y a la mère de Jésus, qui signale humblement à son fils qu’ils n’ont plus de vin, sans lui imposer quoi que ce soit, offrant comme un modèle de la prière où l’on laisse la main à Dieu après avoir signalé nos besoins. Il y a le maître du repas, qui vient témoigner de ce qu’il vit en goûtant ce vin délicieux. Il y a les serviteurs, obéissants à ce que dit Jésus, et aux premières loges de l’événement; les petits mis ainsi en avant par Jésus… Il y a les invités réunis à la noce. Et les mariés, sur lesquels je reviendrai un peu plus tard. Beaucoup de personnages, chacun avec son rôle, sa partition à jouer, qui font que toute la scène prend sens.

Cela vient nous dire quelque chose de l’Eglise, du peuple de Dieu, de la manière dont chacun a sa place, son rôle à jouer. Et, comme la première lettre aux Corinthiens le soulignait, les dons, les services, les activités sont variées mais toutes liées au même Dieu, orientées vers le même bien, issues du même Esprit. C’est la même chose dans la messe : des ministères différents s’y exercent, entre le prêtre qui préside la célébration, l’animateur, l’organiste, les lecteurs, ceux qui distribuent la communion, les servants, ceux qui font passer les paroles, ceux qui préparent le diaporama, qui écrivent la prière universelle, ceux qui font la quête, ceux qui fleurissent l’Eglise, les sacristains… Et ceux qui n’ont peut-être pas l’impression de faire autre chose que d’être présents et de prier mais qui, comme les disciples à Cana, sont tout aussi essentiels : leur foi y est nourrie ! Bref, non seulement tous sont invités, mais tous sont importants ; deuxième éclairage.

Dernier éclairage, enfin, sur le sens de ce que nous y vivons. Ce qui se passe à Cana est un mariage, mais la mariée semble complètement absente et le marié paraît secondaire. Il nous faut entrer dans la dimension symbolique de cet épisode. Celui-ci renvoie à une noce bien plus profonde, à une alliance bien plus importante : celle entre Dieu et son peuple. Celle soulignée par la première lecture d’aujourd’hui, dans laquelle Dieu s’adresse à son peuple en l’appelant ma préférence. Il y a une dimension eschatologique, c’est-à-dire orientée vers notre avenir ultime, à ce texte. Dieu épouse son peuple…

C’est ce que nous vivons aussi à chaque eucharistie, ce à quoi renvoie le « heureux les invités au repas des noces de l’Agneau » que nous entendrons tout à l’heure. Nous sommes bien les invités à un repas de noces, celle du Christ avec son Epouse qu’est l’Eglise. Celles du Christ avec nous. Vous savez sans doute que dans la liturgie, le prêtre peut célébrer soit en faisant face au peuple – comme nous le faisons ici – soit en tournant le dos au peuple. Les deux positions ont leur signification et l’enjeu n’est pas ici d’en désigner comme meilleure qu’une autre. Mais remarquons une des symboliques de la position du prêtre face à l’assemblée quand il préside : il représente à ce moment-là le Christ qui fait face à l’assemblée qui est l’Eglise ; l’époux en face de l’épouse. Il y a ici une dimension nuptiale de l’eucharistie signifiée par ce face-à-face.

Si je récapitule, les noces de Cana nous aident ainsi à comprendre 3 dimensions de la messe:

  • nous y sommes tous invités, très largement, dans la surabondance de l’amour de Dieu
  • nous y avons tous notre place, de la plus visible à la plus discrète,
  • nous venons y vivre pleinement cette alliance, ces noces entre Dieu et son peuple.

Je vous disais en introduction que les noces de Cana relevaient de l’épiphanie, qu’elles étaient une manifestation. A la messe, le Christ se manifeste aussi pleinement, visiblement, dans son corps et son sang. Ainsi, ce n’est pas tant le Dieu caché dans l’hostie que nous y célébrons, même si on le chante parfois, mais le Dieu présent, qui se rend visible, qui se manifeste dans l’hostie. Le Dieu qui vient s’adresser à nous en nous appelant Ma préférence, mon Epousée. Que nous puissions vivre notre participation à l’eucharistie comme le Oui de l’épouse à l’époux.

Nicolas Poulain