Jn 18,1 à 19, 42

Frères et sœurs,

 

En choisissant de mettre cette représentation du linceul de Turin, nous avons choisi de poser notre regard sur Celui qui a fermé les yeux pour nous ; et Celui qui rend la vue aux aveugles. N’attendons pas ce soir particulièrement un miracle, ne cherchons pas les choses extraordinaires, choisissons plutôt de demander au Seigneur qu’Il nous rende la vue, la vue de l’âme, la vue du cœur ; celle qui est plus importante que toute. Arrêtons nous pour cela sur quatre moments de cette Passion qui, peut être, nous aideront à retrouver la vue.

Jn 18,4 : Arrestation

Jésus pose la question « qui cherchez-vous ? » C’est comme si Jésus voulait aider…..ses ennemis qui viennent pour l’arrêter… Il s’inquiète pour eux.  Il voudrait vraiment leur donner les moyens de faire leur tâche au mieux. Et pourtant, ils viennent pour l’arrêter, et Il le sait. En fait, nous voyons très vite que ce n’est pas tellement pour aider ceux qui viennent pour l’arrêter, même si, pour Jésus, ces hommes sont aimables aussi. «Même les bourreaux ont une âme » dira Maïté Girtanner. Mais Jésus s’inquiète pour ses disciples. Il veut leur éviter de se  faire arrêter. Il aime ses disciples et Il ne veut pas qu’ils soient arrêtés. Il aime ses disciples et Il ne veut pas non plus qu’ils fassent le jeu de la violence, et rentrent en guerre. Malgré cela, Pierre tranche l’oreille du grand prêtre. Jésus ne le félicite pas, au contraire. Il guérit Malchus. Il y a un profond enseignement : Celui que nous cherchons pour le mettre à mort c’est Celui qui nous guérit. Ainsi Jésus nous évite de rentrer en guerre, non pas par une morale d’injonctions, parfois un peu vaines, et encore moins par le proverbe romain « si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre). La guerre est toujours une défaite pour les hommes, même pour ceux qui gagnent la guerre. Voilà ce que Jésus nous enseigne par cette première rencontre. Et par cette phrase « qui cherchez vous ? », il s’inquiète de notre tentation un peu rapide à partir à la guerre.

 

 

Jn 18, 23 Au tribunal

Jésus vient de se faire gifler : «  si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal, mais si j’ai bien parlé pourquoi me frappes-tu ? ». Jésus se défend mais sans violence et c’est important de voir que Jésus se défend. Parce que nous aurions pu croire, avec la première histoire, que Jésus ne veut pas la guerre et que, donc, Il veut que nous acceptions tout et n’importe quoi, y compris l’injustice. Non, Il ne veut pas l’injustice.  Il demande des comptes. Jésus aime tous les hommes, même celui qui le gifle et c’est pourquoi Il ne l’insulte pas.  Mais Il essaie de le rendre à sa dignité d’homme et lui demande « pourquoi me frappes-tu »? Mettons nous une minute à la place de ce serviteur qui a dû se sentir un peu morveux de la réponse de Jésus qui ne donne prise à aucune violence.  Puisse t’il avoir entendu cet amour du Christ et y avoir répondu ensuite. Jésus aime les personnes mais Il aime aussi la justice. Il veut faire de nous des artisans de justice. Et la véritable justice fonctionne avec l’amour de même que le véritable amour fonctionne avec la justice.

Jn 19,1  Flagellation/couronnement d’épines/manteau royal

Pilate l’a reconnu innocent. Comment Jésus peut-il supporter tant d’humiliations et aussi tant de souffrances ? Nous commençons à rentrer dans le mystère du Christ et de la Passion qui n’est pas qu’une défense de la Justice. « Quiconque est de la Vérité, écoute ma voix » dit Jésus avant de se taire, là devant Pilate. Il faut donc, puisqu’il n’y a pas de paroles du Christ, se souvenir de ce qu’Il nous a dit et enseigné.  Et Saint Jean y renvoie très clairement. Peut-être que commence à s’esquisser en nous des ébauches de réponse à travers telle ou telle phrase de la Bible. Je vous en propose deux :

Une première parole est sans doute la prière du « Notre Père ». Celui qui est capable de dire le « Notre Père », c’est-à-dire de voir Dieu comme son Père, est capable de regarder aussi celui qu’il a flagellé, qu’il a couronné d’épines, qu’il a ridiculisé avec un faux manteau royal. « Qui me voit, voit le Père ». Cette phrase a été dite quelques heures avant la Passion, à Philippe. Dans le visage de Jésus vu comme son Sauveur chaque fidèle peut reconnaître Dieu comme son Père.

La seconde sera le grand commandement de Jésus, celui de l’amour du prochain.  Et de l’amour du prochain ‘Comme lui’ Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Ce « comme je vous ai aimés » prend un poids énorme aujourd’hui parce que nous voyons vraiment comment il nous a aimés. Comme Lui ? Mais comment a-t-il donc fait ? Jésus n’a pas cessé, pendant toute cette Passion, d’avoir le regard fixé vers son Père. Parce qu’il a ce regard sans cesse posé sur Celui qui l’aime toujours Il peut nous aimer jusqu’au bout. A qui parle-t-il quand il dit « tout est accompli ? » ? Evidemment, Il parle à son Père puisqu’au début de la Passion, Il a dit « non pas ma volonté, mais la Tienne ». Et là ça y est, Jésus peut dire « j’ai fait Ta volonté », « tout est accompli ». Si nous ne regardons pas Dieu comme un bon Père, comme un Bon Dieu, nous n’aurons jamais la force de vivre les épreuves que toute vie reçoit.

Jn 19, 25 – Au pied de la Croix : Marie et le « disciple que Jésus aimait » :

Drôle de formule le « disciple que Jésus aimait » ! Formule discrète, certes, pour celui qui a écrit l’évangile et qui ne veut pas se mettre en avant. Les apôtres, eux, sont partis. À cette heure, il ne reste que les courageuses femmes et un disciple qui résiste. Comment fait-il pour résister ? Il sait que Jésus l’aime. Mais les apôtres aussi savent que Jésus les aime. Pourquoi, eux, ont-ils déserté ?  Jésus aime tous les hommes mais, lui, Jean a reconnu vraiment profondément qu’il est aimé de Jésus. Il l’a tellement reconnu qu’il se définit comme çà. « Je suis celui que Jésus aime ! » Voilà certainement la source du courage pour tenir face aux choses difficiles. Et Dieu sait si nous vivons des choses difficiles en ce moment.  Nous avons, comme réponse ce soir, de devenir ‘les disciples que Jésus aime’ et de ne cesser de nous rappeler que nous sommes ‘le disciple que Jésus aime’.

Ce disciple appartient au groupe de tous les hommes. Il appartient au groupe de ceux qui ont crucifié Jésus, aussi. Mais il croit que, malgré son péché, malgré sa responsabilité dans cette Passion, que Jésus l’aime toujours. L’amour de Jésus-Christ est toujours pour lui. Il ne cesse pas d’être le disciple que Jésus aime. Cette histoire peut se continuer.  Elle se continue chaque année, le Vendredi Saint. Nous nous remettons au pied de la Croix. Nous vénérons la Croix. Beaucoup se disent, « C’est toi qui l’as crucifié par tes péchés ». Seras-tu comme Jean «  le disciple que Jésus aimait ?» diras-tu je suis encore le disciple que Jésus aime ?

Ce n‘est pas seulement le Vendredi Saint que cette histoire se perpétue, c’est aussi à chaque messe. Car à chaque messe, nous célébrons la mort, et la résurrection du Seigneur. A la messe est-ce que tu vois que Jésus t’aime ? Et que donc, Il t’attend chaque dimanche parce que Lui t’aime. La question n’est pas de savoir si tu aimes la messe, mais que Jésus t’aime à la messe. Et sans aucun doute, je réponds oui. Jésus t’aime à chaque messe. A chaque messe, son oui c’est sa Passion et sa Résurrection.

P Bruno Guespereau