Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité !

Frères et sœurs, comment passer de ce monde au royaume de Dieu ? Le mot Pâques signifie « passage ». Pour le peuple hébreu, ce fut le passage de l’esclavage d’Egypte à la liberté de la terre promise. Quant à nous, nous désirons passer de ce monde de cris et de larmes (Ap 21,4) à celui où « Dieu sera tout en tous » (1Co 15,28). Or, comment effectuer ce passage ? Jésus l’a dit à Nicodème : « A moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu. » (Jn 3,3) Alors, comment naître d’en haut ? D’abord en recevant le baptême, comme ce sera le cas de milliers d’adultes en France ce soir. Mais recevoir un sacrement ne suffit pas : « Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi » (épître). Comme le disait saint Augustin, « chrétien, deviens ce que tu es ». A la grâce reçue le jour du baptême doit correspondre une lente ascension vers le Ciel, jour après jour. Les 7 lectures que nous venons d’entendre avant l’épître de saint Paul nous permettent de distinguer 7 niveaux, comme autant d’échelons de l’échelle de Jacob : l’émerveillement devant la création, la foi, le rejet du « monde ancien », la confiance en la miséricorde infinie de Dieu, l’écoute de ses paroles, l’obéissance à sa Loi, la docilité au Saint-Esprit. Si nous parvenons, avec la grâce de Dieu et avec l’aide des patriarches et des prophètes, à gravir ces 7 échelons, soyons sûrs que non seulement nous serons « morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (épître) mais aussi que nous ressusciterons après notre mort, comme le Christ qui nous a précédés dans le Ciel où il nous attend.

 

Premier échelon : l’émerveillement devant la création. « Dieu vit que cela était bon », c’est le refrain que nous avons entendu tout à l’heure et qui s’est même conclu par : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon » (1° lect.) Pour les philosophes à la suite de Platon, l’émerveillement est d’abord un étonnement, qui est le point de départ de la connaissance. « S’émerveiller, c’est ne jamais s’habituer » (Christian Bobin). Parce que c’est une des caractéristiques de l’enfance, Jésus a dit solennellement : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18,3) Nous pouvons nous émerveiller devant toute la création, mais en particulier devant l’être humain, qui a été créé à l’image de Dieu.

 

Deuxième échelon : la foi. Alors que tout ce que Dieu avait créé était bon, le péché a introduit le mal sur la terre et l’homme, au lieu de s’élever progressivement vers le ciel, a chuté lourdement à terre. Mais Dieu ne l’a pas abandonné au pouvoir de la mort : « Dans ta miséricorde, tu es venu en aide à tous les hommes pour qu’ils te cherchent et puissent te trouver. Tu as multiplié les alliances avec eux » (prière eucharistique n°4), en commençant par Abraham. Parce qu’il a accepté de quitter sa terre sans savoir où il allait (Gn 12), et surtout parce qu’il a accepté de sacrifier son fils bien aimé, le fils de la Promesse (2° lect.), il est devenu le « père des croyants » (Rm 4,11). A sa suite, nous sommes appelés à faire une confiance absolue en Dieu, quoi qu’il nous demande, parce que c’est toujours pour notre bien.

 

Troisième échelon : le rejet du « monde ancien ». Croire en Dieu ne suffit pas, nous devons quitter nos terres de servitude, comme les Hébreux ont quitté l’Egypte et ses « marmites de viande » (Ex 16,3). Nous devons aussi accepter de traverser la Mer rouge (3° lect.) et le désert, avant de parvenir à la terre promise. C’est le sens des 40 jours de Carême que nous venons de vivre.

 

Quatrième échelon : la confiance en la miséricorde infinie de Dieu. Les Hébreux ont maintes fois trahi l’Alliance avec le Seigneur, commettant « l’adultère » avec des idoles, mais Lui leur a toujours offert son pardon : « Est-ce que l’on rejette la femme de sa jeunesse ? – dit ton Dieu. Quand ma colère a débordé, un instant, je t’avais caché ma face. Mais dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse. » (4° lect.) La petite Thérèse l’a bien dit : « Moi si j’avais commis tous les crimes possibles, je garderais toujours la même confiance. Car je sais bien que cette multitude d’offenses n’est qu’une goutte d’eau dans un brasier ardent ».

 

Cinquième échelon : l’écoute de la Parole de Dieu. Notre monde est rempli de ténèbres et nous risquons sans cesse de nous perdre, c’est pourquoi nous devons être attentifs à la voix de notre Pasteur. Dans le désert, Moïse n’a cessé de transmettre la Parole de Dieu à son peuple. Et les prophètes après lui ont fait de même, comme Isaïe : « Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez » (5° lect.) nous exhorte le Seigneur. Parfois, sa Parole nous surprendra : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » (5° lect.) Mais si nous acceptons de lui faire confiance, soyons sûrs que nous en serons récompensés : « Ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » (5° lect.)

 

Sixième échelon : l’obéissance à la Loi de Dieu. Pour celui qui vit selon l’esprit du monde, cette Loi est un carcan. Mais pour nos frères juifs et pour nous chrétiens, elle est la source de la Sagesse : « La Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes. Elle est le livre des préceptes de Dieu, la Loi qui demeure éternellement : tous ceux qui l’observent vivront, ceux qui l’abandonnent mourront. » (6° lect.) Cette Loi fut d’abord synthétisée par le Décalogue qui représente la loi naturelle, toujours valable. Puis le Christ a accompli la Loi de Moïse en y ajoutant un commandement nouveau : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13,34) Ce commandement nouveau nous donne plus encore de sagesse que ceux de Moïse, et il nous donne le parfait repos : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (Mt 11,28-30)

 

Septième échelon : la docilité au Saint-Esprit. C’est lui seul qui peut nous permettre de nous détourner définitivement du monde ancien : « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. » (7° lect.) Et c’est lui seul qui peut nous permettre d’obéir parfaitement à la Loi de Dieu : « Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles. » (7° lect.) Ainsi, il nous donne de franchir tous les échelons déjà évoqués, surtout lorsque leur ascension devient difficile. Sans lui, nous risquons même de dégringoler en bas de l’échelle. Pour nos frères Juifs, ce n’était qu’une promesse, mais pour nous Chrétiens, c’est un don déjà offert, à condition que nous voulions bien l’accueillir !

 

Ainsi, l’ascension de ces 7 échelons nous donne de goûter dès ici-bas le bonheur du royaume de Dieu. Mais soyons lucides : ce n’est qu’après notre mort et notre résurrection que nous le goûterons pleinement. Le Christ est ressuscité le premier pour nous montrer le chemin. Ne soyons donc pas comme les premiers disciples qui cherchaient le Vivant parmi les morts, mais tournons résolument nos regards vers le Ciel, où il nous attend. Il a fallu 40 ans pour que les hébreux se débarrassent de leurs habitudes d’esclaves et apprennent la liberté. Il a fallu 50 jours pour que les disciples soient capables d’abord de croire puis de témoigner de la bonne nouvelle de la Résurrection. A nous-mêmes, après les 40 jours de Carême, le Seigneur nous en offre 50 pour célébrer la joie de Pâques. Chaque jour, ressuscitons un peu plus avec lui pour être toujours plus libres et plus vivants. Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, alléluia, alléluia ! 

P. Arnaud