Ressuscitons avec le Christ !

Frères et sœurs, vivons-nous comme des ressuscités ? La fête de Pâques concerne non seulement le passé (avec la sortie d’Egypte et la résurrection du Christ) et l’avenir (elle annonce notre propre résurrection), mais aussi et surtout le présent. « Vous êtes ressuscités avec le Christ » (Col 3,1) nous dit saint Paul… Pâques signifie « passage ». Passage de l’esclavage à la liberté et de la mort à la vie. Sommes-nous pleinement libres et pleinement vivants ? Non sans doute, car un seul homme l’est, le Christ Jésus. Aussi devons-nous nous unir à lui si nous voulons être plus libres et plus vivants. C’est le sens du baptême, que certains d’entre nous vont recevoir cette nuit et que beaucoup d’autres ont reçu auparavant et dont nous allons faire mémoire. Ce que ce sacrement réalise de façon mystérieuse en nous plongeant dans l’eau de la mort pour nous faire surgir à l’air libre de la vie, nous devons l’actualiser par toute notre existence. « Chrétien, deviens ce que tu es » disait saint Augustin. Ce qui signifie aussi : « deviens semblable au Christ ». Mais pour cela, nous devons apprendre à le connaître, et c’est pourquoi nous venons d’entendre 7 lectures de l’Ancien Testament.  Elles nous renvoient aux merveilles que le Seigneur a accomplies pour nous dans l’Histoire Sainte, à travers 3 étapes : la création, les patriarches, et les prophètes. Après la chute du premier Adam, les patriarches ont préfiguré par leur vie l’homme nouveau qui devait nous recréer, et les prophètes l’ont annoncé par leurs paroles. Cette nuit, seuls 3 patriarches (Abraham, Isaac et Moïse) et 3 prophètes (Isaïe, Baruch et Ezéchiel) ont été évoqués mais tous les autres ont aussi joué un rôle important. Ces lectures ont été choisies parce que 7 est un chiffre qui symbolise la totalité. Chacune nous révèle un aspect du Christ, notre Sauveur. Il est le nouvel Adam (1° lect.), le nouvel Abraham et le nouvel Isaac (2° lect.), le nouveau Moïse (3° lect.), l’Epoux de notre âme (4° lect.), le Verbe de Dieu (5° lect.), la Sagesse de Dieu (6° lect.), le Donateur de l’eau vive du Saint Esprit (7° lect.)

 

Jésus-Christ est d’abord le nouvel Adam. Le premier Adam s’est laissé défigurer par l’orgueil. Tenté par le serpent, il a voulu devenir un dieu par ses propres forces. Sa désobéissance a corrompu ses relations avec le Seigneur, mais aussi avec son prochain et avec la création elle-même. Eve et lui avaient reçu comme commandement : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. » Mais cette soumission ne signifiait pas une domination dure, puisque le Seigneur l’avait aussi « conduit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille (c’est-à-dire le transforme) et le garde. » (Gn 2,15) Au lieu de reconnaître que tout ce que Dieu avait créé était « très bon » et de s’en émerveiller, Adam et Eve ont préféré manger le fruit défendu, signe de leur volonté égoïste et orgueilleuse de jouir de la création plutôt que de la servir.  Hier soir, nous avons entendu Pilate dire à la foule, en montrant Jésus portant la couronne d’épines et le manteau pourpre : « Voici l’homme » (Jn 19,5) Au moment où il est si défiguré qu’il ne ressemble plus à un homme (Is 52,14), le Christ nous représente mystérieusement plus que jamais, nous qui avons été créés à l’image de Dieu mais défigurés par nos péchés, en particulier notre orgueil qui en est le principe. Par le baptême, qui nous unit à lui, nous retrouvons notre beauté de fils et de filles de Dieu et nous pouvons à nouveau, avec des cœurs d’enfants, non plus détruire la création mais nous émerveiller devant elle, tout en la transformant et en la protégeant.

Jésus-Christ est le nouvel Abraham et le nouvel Isaac. Abraham est le père des croyants. Sa foi était si grande qu’il accepta de sacrifier son fils bien-aimé : « Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts. » (Héb 11,19) Il nous invite nous aussi à faire confiance à Dieu en toute circonstance, même et surtout lorsque nous sommes comme lui dans la nuit de la foi. Quant à Isaac, il accepta lui aussi son propre sacrifice. Plus encore qu’Abraham, Jésus Christ a plongé dans la nuit le Vendredi et le Samedi Saints, d’abord sur la Croix puis lorsqu’il est descendu aux enfers. Et mieux encore qu’Isaac, il a véritablement donné sa vie pour nous.

Jésus-Christ est le nouveau Moïse. Il nous fait passer de l’esclavage à la liberté, non plus vis-à-vis de Pharaon mais vis-à-vis du péché : « L’homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui pour que le corps du péché soit réduit à rien, et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché » (épître). Pour cela, nous devons accepter de traverser avec lui la mer rouge, symbole non seulement de la mort qu’il a traversée mais aussi de ces obstacles qui nous semblent infranchissables et dans lesquels Dieu ouvre parfois des passages inattendus.

Jésus-Christ est l’Epoux de notre âme. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2,18), nous avons été créés pour vivre en communion les uns avec les autres mais d’abord avec le Seigneur lui-même. C’est pourquoi il a voulu contracter une alliance avec nous, dont les patriarches ont été les premiers médiateurs. Mais par les prophètes, le Seigneur révèle que cette alliance n’est pas seulement extérieure, elle est semblable à celle des époux, à la fois profondément intime et indissoluble. Aussi, bien que nous sommes souvent infidèles, Lui-même est toujours prêt à nous pardonner : « Quand ma colère a débordé, un instant, je t’avais caché ma face. Mais dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse, – dit le Seigneur, ton rédempteur. »

Jésus-Christ est le Verbe de Dieu (Jn 1,14) Nous ne sommes pas une religion du Livre, mais de la Parole. C’est pourquoi le Seigneur nous a redit ce soir, avec des mots qui résonnent si fort dans notre société de consommation : « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? … Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez. » Ne soyons pas surpris si ses paroles nous déroutent parfois : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » Mais si nous acceptons de faire confiance en toute circonstance au Verbe de Dieu, nous savons qu’il produira en nous du fruit, comme la pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer.

Jésus-Christ est la Sagesse de Dieu. Le prophète Baruch avait découvert que celle-ci n’est pas le fruit d’une grande culture ou d’une grande expérience, comme celles des Egyptiens et des Babyloniens, elle est avant tout « le livre des préceptes de Dieu, la Loi qui demeure éternellement », ajoutant de façon mystérieuse : « la Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes. » Jésus incarne la Sagesse de Dieu car il n’est pas venu « pour abolir la Loi mais pour l’accomplir » (Mt 5,17) Et cette Loi peut être synthétisée en un seul commandement nouveau, que Jésus a donné à ses disciples le soir du Jeudi Saint : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13,34) Aimer comme Jésus, c’est la vraie source de la Sagesse.

Enfin, Jésus-Christ est le Donateur de l’eau vive du Saint Esprit. Seul cet Esprit peut nous permettre d’avoir une foi vive comme celle d’Abraham, de nous offrir en sacrifice comme Isaac et de passer de l’esclavage à la liberté avec Moïse. Seul cet Esprit peut nous permettre d’être fidèles à Dieu, attentifs à sa Parole et obéissants à sa Loi qui nous rend sages. Comme Dieu l’avait annoncé par le prophète Ezéchiel : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. » Cet esprit, c’est celui que Jésus a donné à ses disciples le soir de Pâques, comme nous l’entendrons dimanche prochain. Il souffla sur ses disciples et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. » (Jn 20,22)

 

Ainsi, Jésus-Christ est l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu. Saint Augustin a écrit : « Vetus testamentum in novo patet, novum in vetere latet » (« l’Ancien Testament devient clair dans le Nouveau, le Nouveau est caché dans l’Ancien »). Désormais, le Seigneur nous appelle à ressusciter avec lui et à passer de l’homme ancien à l’homme nouveau qui est en nous. Mais ce passage prend du temps. Il a fallu des milliers d’années entre la chute du premier Adam et l’avènement du nouveau. Il a fallu 40 ans pour que les hébreux se débarrassent de leurs habitudes d’esclaves et apprennent la liberté. Il a fallu 50 jours pour que les disciples soient capables d’abord de croire puis de témoigner de la bonne nouvelle de la résurrection. A nous-mêmes, après les 40 jours de Carême, le Seigneur nous en offre 50 pour célébrer la joie de Pâques. Chaque jour, ressuscitons un peu plus avec lui pour être toujours plus libres et plus vivants. Comme le nouvel Adam, demeurons obéissants à Dieu. Comme Abraham, gardons toujours une foi vive. Comme Isaac, offrons notre vie en sacrifice vivant, capable de plaire à Dieu (Rm 12,2). Comme Moïse, ne nous laissons pas arrêter par les obstacles, mais franchissons-les par les chemins que Dieu tracera pour nous. Unissons notre âme à celle du Christ dans une alliance indissoluble. Laissons le Verbe de Dieu produire son fruit en nous, pratiquons le commandement de l’amour pour goûter la Sagesse divine, et soyons dociles au Saint-Esprit qui nous donnera un cœur sans cesse nouveau. Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, alléluia, alléluia !

P. Arnaud