Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix.
Frères et sœurs, comment faire advenir le Règne de Dieu sur l’univers ? Comment faire advenir ce royaume où « le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble » (Is 11,6) et tous les hommes s’aimeront comme des frères et respecteront toutes les autres créatures ? Au fond de nos cœurs, nous désirons tous le règne de Dieu, mais il semble si loin ! Pour commencer, nous devons demander chaque jour au Père : « que ton règne vienne » ! Mais la prière ne suffit pas : « « Prie comme si tout dépendait de Dieu… et agis comme si tout dépendait de toi ! » disait saint Ignace. Alors, comment devons-nous agir ? Le Christ nous répond, lui qui est le Roi de l’univers. Il dit à Pilate, qui est « roi » lui aussi, mais seulement de la Judée, seulement pour quelques années et seulement sur le plan politique : « Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » Pour que le règne de Dieu advienne dans le monde, il doit d’abord advenir en chacun d’entre nous. Et pour cela, le Christ nous donne deux conditions : écouter sa Parole d’abord. En témoigner ensuite.
« Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix ». Pour commencer, nous devons écouter la Parole du Christ. Pilate, qui demande : « qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18,38), ressemble beaucoup à nos contemporains, qui ont érigé un piédestal au relativisme, qu’on pourrait traduire par : « à chacun sa vérité ». Le Christ est la Vérité elle-même (Jn 14,6). Aussi nous ne pouvons pas posséder la Vérité, mais au contraire nous laisser posséder par elle. Cela signifie-t-il que nous y perdons notre liberté, comme beaucoup le craignent ? Au contraire, la vérité nous rend libres (Jn 8,32). Ce sont les mensonges et les erreurs du monde qui nous rendent esclaves. Cet esclavage est parfois manifeste (celui de la drogue, par exemple), et parfois plus caché. L’argent, le pouvoir et le plaisir[i], que beaucoup cherchent à posséder toujours plus, finissent souvent par les posséder eux-mêmes. Alors, demandons-nous si nous sommes suffisamment à l’écoute du Christ. « Shema Israël », « écoute Israël », c’est ainsi que commence le premier de tous les commandements. Quelle place donnons-nous à l’écoute de la Parole de Dieu qui retentit d’abord dans la bible ? Ce qui règne dans beaucoup de personnes, ce n’est pas le Christ, c’est plutôt la confusion. Nous entendons tellement d’informations, certaines fausses (les fake news), certaines vraies mais qui semblent essentielles alors qu’elles ne le sont pas. Nous devons être attentifs, non seulement sur la nourriture que nous offrons à nos corps, mais aussi et surtout sur celle que nous donnons à nos esprits.
La voix du Christ retentit à travers les Ecritures, mais aussi à travers les personnes, les événements, notre conscience… Bien souvent, nous étouffons cette voix parce que nous ne voulons pas l’entendre. Parfois, c’est un pauvre qui nous dérange. D’autres fois, nous ressentons un appel intérieur à agir mais nous n’y donnons pas suite. En demandant à la CIASE d’établir son rapport, les évêques de France ont voulu que la voix des victimes puisse être entendue. Mais dans beaucoup d’autres institutions et de familles, c’est la loi de l’omerta qui règne…
« Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité ». Ecouter la Parole du Christ est nécessaire, mais pas suffisant. Pour que son règne vienne, nous devons aussi en témoigner. En grec, le mot se dit « martyrios ». Jésus ne s’est pas contenté de belles paroles, il a donné sa vie pour nous. Il a été mis à mort par tous ceux qui refusaient d’entendre la vérité.
Avant et après lui, une multitude d’hommes ont connu le même sort. Jean Baptiste a été mis à mort par Hérode, qui refusait d’entendre qu’il n’avait pas le droit d’épouser la femme de son frère. Au XII° siècle, Thomas Becket a été mis à mort parce que le roi d’Angleterre Henri II refusait d’entendre qu’il ne pouvait pas devenir lui-même le chef de l’Eglise. Au XVI° siècle, Thomas More a été jeté en prison puis décapité par le roi d’Angleterre Henry VIII, qui refusait d’entendre qu’il n’avait pas le droit de répudier sa femme. Comme dans le cas de Jésus et de Pilate, les affrontements entre les rois de la terre et les représentants du Roi de l’univers parcourent toute l’histoire.
Et nous, sommes-nous prêts à témoigner de la Bonne Nouvelle ? Aimons-nous le Christ jusqu’à mourir pour lui ? Dans le passé, les paysans aimaient – ou au moins respectaient – suffisamment leur roi pour partir à la guerre à son appel, et beaucoup y perdaient la vie. Mufasa est mort en voulant défendre son fils et en même temps son royaume. Jean Baptiste, Thomas Becket et Thomas More sont morts en voulant demeurer fidèles à la Vérité. Aujourd’hui, beaucoup de combats sont à mener. Certains font l’unanimité, comme celui contre les discriminations raciales ou sexistes, mais d’autres sont l’apanage des chrétiens ou de petites minorités, comme la défense de la vie à son origine et à son terme. Avec le mouvement woke qui devient de plus en plus puissant, nous devons parfois nous élever contre la pensée ambiante, le politiquement correct, notamment en ce qui concerne la question du genre, avec un nombre croissant de personnes qui demandent à changer de sexe…
Pour conclure, frères et sœurs, il faut distinguer deux étapes dans la royauté du Christ. La première a commencé il y a 2000 ans, lorsque le Fils de Dieu s’est incarné et a donné sa vie pour nous. La seconde commencera au jour de son retour, lorsqu’il reviendra dans la gloire. La première étape était dans l’humilité, la seconde sera dans la gloire. Sa divinité était voilée, elle sera manifeste. Il était venu pour nous sauver, il reviendra pour nous juger. Son règne a donc déjà commencé, il est au milieu de nous (cf Lc 17,21), mais nous pouvons ne pas le voir. Lors de son retour, en revanche, qui ressemblera à la tombée de l’éclair qui illumine l’horizon d’un bout à l’autre (cf Lc 17,24), son règne sera établi définitivement, sans plus aucun mal ni souffrance. D’ici là, son règne va-t-il s’étendre, devenir de plus en plus puissant, ou va-t-il diminuer comme une peau de chagrin ? Cette question, Jésus lui-même l’a posée : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18,8). La réponse dépend de nous. Dans le Roi lion de Walt Disney, on voit qu’un roi juste apporte la prospérité et le bonheur à tous, alors qu’un roi injuste apporte la désolation. Nous avons un combat à mener, comme le décrit l’Apocalypse de saint Jean et comme l’a bien compris saint Ignace de Loyola : nous combattons soit sous les ordres du Fils de Dieu, soit sous ceux de son adversaire, Satan. Certes, celui-ci possède une grande armée, celle des démons et de ceux qui agissent sous leur influence, et c’est pourquoi Jésus l’appelle le prince de ce monde… Mais n’ayons pas peur, car le même Jésus l’a vaincu pendant tout son ministère et définitivement sur la croix. C’est paradoxalement sur la croix que sa royauté devient la plus éclatante. Les artistes du Moyen-âge l’avaient bien compris, eux qui aimaient représenter le Christ en croix avec une couronne royale sur la tête. Puisque nous sommes rois avec lui nous aussi, depuis notre baptême, écoutons-le sans cesse et témoignons de lui sans craindre la souffrance et la mort. Et avec lui, redisons sans cesse au Père : « Que ton Règne vienne » !
P. Arnaud
[i] Aujourd’hui, on sait que des enfants de 9-10 ans se trouvent confrontés, volontairement ou involontairement, aux images pornographiques sur Internet, abîmant ainsi leur âme et tissant à leur insu des liens de dépendance.